LE RABBI DE KALOV – 57 Kora’h 5783

KALOV 2

La vanité de la poursuite des honneurs.

« Ils descendirent, eux et tous les leurs, vivants dans la tombe. » (Bamidbar 16,33). 
En 1912 s’acheva la construction de l’immense et célèbre navire, le Titanic, construit avec d’importantes mesures de sécurité et d’équipements de luxe, destinés au plaisir et au confort maximal des passagers, et le meilleur capitaine du monde fut choisi pour le diriger. 
Avant son premier départ, largement relayé par les média, le capitaine s’adressa aux journalistes en décrivant l’honneur qui lui était fait de conduire le plus grand et plus solide navire, précisant que rien ne pourrait le faire couler. 
En pleine route, le capitaine reçut plusieurs mises en garde envoyées par des bateaux l’ayant précédé. Ils avaient en effet repéré des plaques de glace dans la zone où il voulait naviguer. Mais le capitaine, qui voulait prouver la solidité de son navire, ignora tous les avertissements, et ne modifia ni le rythme ni la direction du bateau. 
Peu de temps après, une plaque de glace heurta le bateau et y fit un grand trou, et en quelques heures, tout le navire coula, emportant avec lui plus de mille cinq-cents passagers. Cet incident célèbre nous apprend jusqu’où peut nous mener la recherche des honneurs, au point qu’un homme est capable de se mettre en danger et mettre en danger des centaines d’hommes. 
À ce sujet, nos Sages ont dit (Avot 4,21) : « La jalousie, la convoitise et la recherche des honneurs excluent l’homme de la société.» Nos ouvrages sacrés expliquent que la recherche des honneurs entrave également la possibilité à l’homme de profiter des biens matériels dans ce monde. 
Le Ram’hal, dans son Messilat Yécharim (chapitre 11), explique que la recherche des honneurs est ce qui dérobe à l’homme son temps, plus que tous les désirs du monde. En effet, en l’absence d’honneur, l’homme serait satisfait de manger n’importe quelle nourriture, de porter des vêtements quelconques, et de résider dans n’importante quelle maison qui le mettrait à l’abri, sa Parnassa serait facile, il ne serait pas nécessaire de déployer des efforts pour s’enrichir ; mais s’il considère qu’il vaut moins que son prochain, il se lance dans une course chaque jour après l’argent, et il déploie des efforts sans fin. 
En 1952, j’entendis une Si’hat Moussar de l’Admour de Klausenbourg zatsal, qui évoquait ce sujet. D’après son calcul, il suffisait à l’époque d’1/4 de dollars pour vivre pendant une semaine entière, si on se conduisait selon le texte dans Avot (6,4) : « Tu te nourriras de pain et de sel, tu boiras de l’eau avec modération. » Mais même si l’on désire vivre avec un peu plus de largesse, il suffit généralement à l’homme de travailler une partie de son temps pour subvenir à ses besoins, et le reste du temps, il pourrait profiter et se réjouir. Or, la poursuite de l’argent pour acquérir des choses superflues pour ressembler aux autres, le pousse à se consacrer au travail toute sa vie, son esprit, ses forces et son temps jusque tard le soir, et à la fin de la soirée, il rentre à la maison fatigué, dénué de forces et de bonne humeur, et ne peut même pas profiter. 
Nous constatons malheureusement, à notre époque, que certains hommes dépensent d’immenses sommes d’argent pour se rendre dans des destinations très luxueuses, ou organisent des occasions joyeuses en dilapidant des fortunes, uniquement pour mettre de la poudre aux yeux et obtenir des honneurs fictifs alors qu’en réalité, l’argent investi dans ces fêtes ne vaut rien. 
Dans l’ouvrage Pélé Yoets, l’auteur écrit que celui qui poursuit les honneurs vit toute sa vie dans la peine, car tout son désir consiste à être honoré, et si ce n’est pas le cas, ou s’il a le sentiment qu’on porte atteinte à son honneur, il aura beaucoup de peine. Dans ce cas, il pourra lancer une dispute et se venger contre celui qui méprise son honneur. S’il ne peut rien entreprendre contre lui, il le haïra pour toujours, et il vivra toute sa vie dans la colère, la haine et la controverse. 
Le penchant des honneurs peut conduire l’homme jusqu’à la mort. On relate que dans la localité de Kaunas décéda un homme parmi les plus riches et honorables de la ville, qui avait perdu toute sa fortune et était devenu extrêmement pauvre. Les habitants de la ville avaient déploré qu’il était mort de faim. Lorsque le Gaon Rabbi Israël Salanter l’apprit, il fit remarquer : « Il n’est malheureusement pas mort de faim, mais de la poursuite des honneurs. S’il s’était habitué à la situation dans laquelle il se trouvait, et qu’il avait compris qu’il était tenu de solliciter la Tsédaka pour vivre, il ne serait pas mort de faim. » 
Celui qui poursuit les honneurs ne sera jamais satisfait, pas même de l’honneur, car il pense toujours en mériter davantage. Rabbi Elazar de Koznitz, que son mérite nous protège, affirme que c’est l’interprétation du texte de la Guémara (Irouvin 13b) : « Toute personne qui poursuit les honneurs, les honneurs le fuient » : celui qui poursuit les honneurs a toujours l’impression que les honneurs le fuient, car l’honneur qu’on lui accorde est peu à ses yeux. Il interprète la suite du texte : « Toute personne qui fuit les honneurs, l’honneur le poursuit » : il a le sentiment que l’honneur le poursuit, car il a le sentiment d’être trop couvert d’honneur. 
La poursuite des honneurs conduisit à la perte de Kora’h et de tous ses proches, comme l’indique le Midrach (Bamidbar Rabba 18) : Kora’h lança une controverse contre Moché après avoir constaté qu’Elitsefan ben Ouziel était prince, alors qu’il aurait voulu occuper cette fonction lui-même. 
C’est ce sujet évoqué par notre verset : « Ils descendirent, eux et tous les leurs, vivants dans la tombe » : la communauté de Kora’h, et tous ceux qui s’identifiaient à eux. Ceux qui cherchent les honneurs à tout prix descendent, dans cette vie, dans la tombe. Seul celui qui ne poursuit pas les honneurs vit une belle vie, authentique, dans la sérénité et la joie. 
Chabbath Chalom !