LE RABBI DE KALOV – 48 Tazria – Metsora 5783

Le pouvoir de la joie du Chabbath

«Puis, le septième jour, il se rasera tout le poil.» (Vayikra 14,9).
L’atmosphère de joie le Chabbath occupe une place prépondérante, comme nous l’affirmons dans les Zmirot de Chabbath : Oubéyom Hachabbath Sissou Vésim’hou (Le jour du Chabbath, soyez joyeux et exultez), ainsi que Yismé’hou Bémalkhoutékha Chomré Chabbath. Lorsqu’on prend plaisir de cette joie, on obtient une récompense particulière, comme l’affirment nos Sages (Chabbath 118a). Toute personne qui fait un délice du Chabbath obtient un héritage sans limites. De même, dans un autre cantique du Chabbath : Kol Hamitanguim Ba Yizkou Lérov Sim’ha. (Tous ceux qui en font un délice auront droit à une abondance de joie).
Ce phénomène a été constaté à toutes les époques, comme en témoigne par exemple le Maguid Yérouchalmi, Rabbi Its’hak Fra’hi dans son ouvrage Matok Midvach : « Nous avons rencontré personnellement plusieurs cas de personnes ayant subi des revers la veille du Chabbath, mais en accueillant le Chabbath dans la joie et en repoussant la tristesse, ils sont passés de la détresse à la joie, et de l’obscurité à la lumière. »
À ce sujet, on raconte une anecdote sur Rabbi Tsvi Hirsch de Riminov : un jour, sa fille unique tomba malade et fut alitée, et à la veille du Chabbath, le Rabbi de Riminov s’apprêta à accueillir le Chabbath avec enthousiasme, comme si de rien n’était, en chants et en danses joyeuses, avec une joie incommensurable, et il entonna le cantique : Lékha Dodi selon sa coutume. De même, pendant le repas, il s’attabla avec une grande allégresse, comme si tout allait bien.

En plein repas du Chabbath, ses proches entrèrent et s’écrièrent qu’il fasse appel à la miséricorde divine pour sa fille unique au seuil de la mort, que D.ieu préserve. Il se mit alors à interpréter le verset suivant : « Véet’hanan El Hachem Béet Ata – J’implorai l’Éternel à cette époque » sous forme d’allusion : Moché Rabbénou implora Hachem que même dans une période de malheur, que D.ieu préserve (Béét du terme Béata, une grande crainte), l’homme puisse tenir grâce à la force de sa Emouna et Bita’hon en Hachem, afin de pouvoir s’adresser à Hachem et prier comme à son habitude, et ne réduise nullement son amour à l’égard de Hachem. Il ajouta une prière au Saint béni soit-Il : « Toute âme est entre Tes mains, pourquoi ne pas attendre et éviter ainsi d’emporter l’âme de ma fille le jour du Chabbath, évitant ainsi d’assombrir la joie du saint Chabbath…» Il passa ainsi ses repas du Chabbath dans une joie intense, et son visage ne trahit nullement la moindre appréhension ou crainte. Sa prière fut exaucée et sa fille resta en vie.

Il est également relaté à propos du Bakh qui, après avoir siégé comme Av Beth Din (Président du tribunal rabbinique) dans la ville de Belz, avait été attaqué par les dirigeants de la communauté qui rédigèrent une lettre pour le démettre de ses fonctions au rabbinat. Ils confièrent la missive au bedeau de la communauté afin qu’il la lui remette la veille du Chabbath, mais celui-ci ne la lui transmit qu’à l’issue du Chabbath. Lorsque le bedeau lui raconta qu’il avait attendu jusqu’à Motsaé Chabbath pour lui éviter des pensées de tristesse pendant le Chabbath, le Bakh lui demanda quelle Brakha il désirait. Le bedeau lui répondit qu’il n’avait pas d’enfants. Le Bakh le bénit : par le mérite d’avoir préservé la joie du Chabbath, il aura le mérite de mettre au monde un enfant saint qui sera un grand en Torah. L’année suivante, il eut un fils, un Gaon, Rabbi Its’hak, qui devint Av Beth Din de Belz et engendra une lignée de Tsadikim de la dynastie d’Olesk.

Dans le même esprit, certains relatent une anecdote au sujet de Rabbi Chabtaï, père de mon vénérable ancêtre, le Maguid de Koznitz : il était relieur de livres et était très pauvre, et n’avait pas eu le mérite d’avoir d’enfants. Une fois, une veille de Chabbath, ils n’avaient rien à la maison. Privée de choix, son épouse prépara uniquement des fèves, et au moment du repas, elle servit des fèves à la place du poisson. Son mari les mangea, puis se mit à danser en l’honneur du Chabbath. Ensuite, elle lui servit une nouvelle assiette de fèves en lieu de la soupe, et il se mit à nouveau à danser. Puis, à la place de la viande, elle lui servit une troisième fois des fèves, et aussitôt, il se lança dans une danse joyeuse en l’honneur du Chabbath.
Le Ba’al Chem Tov était chez lui à ce moment-là, et par son regard prophétique, vit la conduite de Rabbi Chabtaï, et tout content de la scène, rit à trois reprises. À l’issue du Chabbath, le Ba’al Chem Tov confia à ses élèves la raison de son rire et se rendit avec eux chez Rabbi Chabtaï. Il lui dit : « Comme tu t’es renforcé pour être joyeux le jour du Chabbath en dépit de ton état de pauvreté, tu as grandement satisfait le Créateur, et par ce mérite, tu auras le mérite d’engendrer un fils saint. » L’année suivante, le Maguid de Koznitz vit le jour.

Dans l’ouvrage Taharat Hakodèch, l’auteur explique ce sujet par le biais d’une parabole : lorsqu’un grand roi influent envoya un message à l’un de ses sujets qu’il désirait séjourner chez lui, ce dernier se réjouit beaucoup, et fit tout son possible pour préparer la venue du roi et de ses serviteurs. Pendant toute la durée du séjour du souverain chez lui, tout le monde pouvait voir l’immense joie qu’il éprouvait d’avoir ce grand honneur de le recevoir. Lorsque le roi se rendit compte de la joie intense de son sujet qui faisait tout pour lui rendre honneur dans la joie, il lui offrit de beaux cadeaux. Or, ce n’est pas le cas si la joie de son sujet est mitigée et s’il est triste.

De même, le jour du Chabbath, lorsque le Roi des rois, pour ainsi dire, s’installe dans la maison et l’âme de chaque Juif, si le Juif manifeste une grande joie, prie et chante joyeusement, il mérite de recevoir de grands influx de la part de Hachem.
Nous avons une allusion à cette idée dans notre verset : « Véhaya – Puis » : lorsqu’il sera chez un Juif, le terme Véhaya dénote la joie, « le septième jour » : le jour du saint Chabbath, le septième jour de la semaine, « il se rasera tout le poil » : il rasera, c’est-à-dire qu’il éliminera toutes les forces des attributs de rigueur, qui sont désignés dans la Kabale comme des poils, des objets superflus que nous voulons raser. Nous mettons ainsi en pratique ce texte du Zohar selon lequel tous les attributs de rigueur sont éliminés le Chabbath, et nous bénéficierons uniquement des bontés du Créateur.
Chabbath Chalom !