Percevoir le bien dans chaque situation
À la suite de la destruction engendrée par la Shoah en Europe, le Rabbi et Admour de Klausenbourg fut le seul survivant de toute sa famille : son épouse et ses onze enfants avaient été assassinés Al Kiddouch Hachem, et il avait également vécu de terribles souffrances pendant la Shoah. Mais il ne se découragea pas, se renforça au contraire en foi et confiance en D.ieu, et fonda une nouvelle famille.
Lorsqu’on lui demanda comment il avait réussi à se renforcer, il répondit : « Lorsque nous acceptons le joug divin, nous disons : « Chéma Israël, Hachem » : le Nom divin qui fait allusion à l’attribut de miséricorde de D.ieu, puis Elokénou : le Nom qui fait référence à l’attribut de rigueur, Hachem E’had (D.ieu est un) : tout est un seul attribut de miséricorde. C’est pourquoi nous nous couvrons les yeux au moment de réciter ce verset, pour indiquer que dans ce monde, nous n’avons pas le mérite de le voir, mais nous y croyons. »
Dans la Guémara de Brakhot (60) est mentionné un récit sur le saint Tana Rabbi Akiva, qui fait figure de leçon pour nous :
Un jour, Rabbi Akiva se retrouva dans une situation où il fut contraint de dormir dans un champ : en effet, les résidents de la ville voisine lui avaient refusé le logis chez eux. Il avait emporté avec lui uniquement un coq pour le réveiller le matin, un âne, et une bougie pour l’éclairer. Soudain, un vent violent éteignit la bougie, et alors qu’il se trouvait dans l’obscurité, un chat se jeta sur son coq et le dévora. Ensuite, un lion dévora son âne.
Rabbi Akiva se retrouva isolé dans le désert, dans une obscurité totale, et démuni de tout. Or, il ne perdit pas ses moyens, et répéta l’adage qui lui servait de guide constant : « Tout ce que le Saint béni soit-Il fait est pour le bien. »
La Guémara relate que cette nuit-là, des bandits étaient entrés dans la ville et avaient pris tous les résidents en otage. Rabbi Akiva dit alors à son entourage : « Je vous l’avais dit : tout ce que Hachem fait est pour le bien. Si ma bougie avait brûlé, ou si le coq ou l’âne avaient fait du bruit, les bandits m’auraient repéré et également pris en otage. »
Cette attitude prévalait chez Rabbi Akiva et suscitait l’admiration des hommes de sa génération : il percevait dans tout événement le bien qu’il recélait.
Dans le traité Sanhédrin (101) : lorsque le Rav de Rabbi Akiva, Rabbi Eliézer Hagadol, tomba malade, ses élèves lui rendirent visite et lorsqu’ils virent l’étendue de ses souffrances, ils fondirent tous en larmes. Seul Rabbi Akiva riait et souriait. Ses amis lui demandèrent : pourquoi ris-tu ? Rabbi Akiva répondit : « Tant que je n’avais pas vu Rabbi souffrir, je m’étais dit qu’il avait peut-être obtenu le monde futur de son vivant, or désormais, alors que je le vois souffrir, je suis heureux de savoir que sa part l’attend encore dans le monde futur. »
Et dans la fin du traité Makot, il est mentionné que lorsque Rabban Gamliel et Rabbi Eliézer, Rabbi Yéhochoua et Rabbi Akiva montèrent à Jérusalem, ils arrivèrent au Mont du Temple, ils aperçurent un renard sortir du Kodèch Hakodachim (le Saint des saints), et tous se mirent à pleurer, compte tenu du verset : « le profane qui en approcherait serait frappé de mort… un lieu foulé par les renards. » À nouveau, Rabbi Akiva rit. Ses compagnons l’interrogèrent : «Mais pourquoi ris-tu ? » Il leur répondit : « Le Texte fait dépendre les prophéties de Zékharia de celles d’Ouria. Chez Ouria, il est dit : « Tsion sera labouré comme un champ », tandis que chez Zékharia, il est dit : « De nouveau, des vieux et des vieilles seront assis sur les places de Jérusalem ». Tant que la prophétie d’Ouria ne s’était pas réalisée, je redoutais que celle de Zékharia ne se réalise pas, mais désormais, lorsque je vois la réalisation de la prophétie d’Ouria, je suis persuadé que celle de Zékharia s’accomplira. » Ses amis lui répondirent : « Akiva, tu nous as consolés. »
Les ouvrages sacrés affirment que c’est la raison pour laquelle, dans la Hagada de Pessa’h, les Tanaïm quittèrent leur maison le soir du Séder et se rendirent chez Rabbi Akiva à Bné Brak pour célébrer la fête. En effet, le soir du Séder, on exprime notre reconnaissance pour l’esclavage tout comme pour la Guéoula. On consomme le Maror après la Matsa, alors que l’esclavage a précédé la Guéoula. Nous savons en effet aujourd’hui que le Maror est l’essentiel de la Guéoula. Lorsque les Égyptiens ont rendu notre vie amère, le moment de la Guéoula intervint avant la date prévue. De plus, du fait de la difficulté de l’esclavage, nous avons été formés pour recevoir la Torah, comme l’indiquent nos Sages : nous avons quitté le joug de l’esclave pour recevoir celui de la Torah. En effet, la Torah s’acquiert par des souffrances. Ainsi, tous les Sages se réunirent au domicile de Rabbi Akiva, le maître de l’idée que tout ce que fait Hachem est pour le bien.
Nous pouvons retenir ce principe de l’ensemble du récit de l’exil en Égypte, qui commence par le récit de Yossef Hatsadik, qui vécut dans sa jeunesse de nombreuses tribulations et souffrances. On le jeta en prison alors qu’il était innocent, et on découvrit ensuite que tout ceci était une préparation pour le former à devenir le vice-roi et pour nourrir la maison de son père. On lui attribue tous les influx positifs qui se déversèrent pour toutes les époques suite à la sortie d’Égypte et l’ouverture de la mer des joncs, intervenue par son mérite. Toute personne qui vit des épreuves prendra exemple sur lui, en bénissant le malheur qu’il vit et en l’acceptant avec joie. En effet, la bonté et la compassion sont incluses dans ce qu’il vit.
À ce sujet, on rapporte un récit sur le Ramban, qui s’étonnait du fonctionnement de la Providence divine particulière de Hachem à son époque. Lorsqu’un de ses élèves était agonisant, au seuil de la mort, le Ramban lui demanda de poser ces questions à son arrivée au Tribunal céleste et de lui répondre par le biais d’un rêve. Peu de temps après sa mort, il apparut en rêve au Ramban, et lui dit : « Lorsque je suis arrivé au Beth Din céleste, je n’avais aucune question à poser, car j’ai réalisé que ces questions n’étaient pas des questions.»
Dans l’ouvrage du Rabbi et auteur du Divré ‘Haïm de Sanz, il mentionne au nom de son maître, Rabbi de Ropshitz, que dans le monde futur, la bonté et la compassion présentes dans chaque malheur, seront révélées.
Le soir du Séder, nous nous conduisons comme des hommes libres, et nous manifestons notre expectative et notre Émouna dans la future Guéoula, qui parachève la Guéoula d’Égypte. Ainsi, le Séder commence en ces termes : Hachta Avdé, Léchana Habaa, Bné ‘Horin (Nous sommes maintenant esclaves, et l’an prochain, nous serons des hommes libres) et : Ken Yagiyénou Lémoadim Vérégalim A’hérim Smé’him Bébiniyan Irékha Vésassim Béavodatékha (Nous parviendrons aux autres fêtes d’humeur joyeuse de la construction de Ta ville et exultant dans Ton service) et nous concluons par : Léchana Habaa Biyrouchalayim, l’an prochain à Jérusalem.
C’est pourquoi nous consommons le soir de Pessa’h le Korekh, où le Maror est caché entre deux Matsot, pour faire allusion au fait que dans le monde à venir, nous aurons le privilège de ne plus voir aucune amertume, car nous constaterons tous que tout ce que le Saint béni soit-Il fait est pour le bien. Cela nous renforce également de nos jours, pour être joyeux dans toute situation, animés d’Émouna et de Bita’hon.
Pessa’h Cacher Vésaméah !