Lettre de l’Admour de Kalov à l’occasion de Soucot
À l’époque du célèbre empereur Napoléon, de nombreux chefs d’armées de plusieurs pays se réunirent, dans le but de tenter de découvrir le secret de l’empereur, qui avait réussi à vaincre des armées plus nombreuses et puissantes que la sienne.
Après une enquête approfondie, ils parvinrent à la conclusion que le secret de Napoléon était qu’il avait posté, dans chaque camp militaire, des comiques et des chanteurs, dont le rôle était d’instaurer une bonne ambiance, de réjouir les soldats et de leur donner confiance en eux, en leur instillant l’idée qu’ils seraient capables de vaincre, et qu’ils deviendraient de célèbres héros qui apporteraient la victoire à leur empereur et à leur pays.
Lorsque les soldats français se lancèrent dans la guerre, pleins de bonne volonté et sûrs de la victoire, ils réussirent ainsi à vaincre des soldats de pays équipés d’armes plus performantes. En effet, ces soldats adversaires étaient partis en guerre la peur au ventre et manquaient de confiance en eux, et ne se battirent pas avec toutes leurs forces, mais se soumirent ou s’enfuirent lorsqu’ils réalisèrent que la victoire n’était pas à leur portée.
Ce principe nous interpelle également dans notre propre guerre contre le Yétser Hara (mauvais penchant) qui veut nous empêcher de servir Hachem. Il nous faut partir en guerre avec détermination, certains que Hachem nous a donné la faculté de vaincre.
Le Créateur, loué soit-Il, a octroyé à l’homme une abondance de facultés et de talents, mais la majorité des hommes n’en utilisent qu’une petite partie, et ignorent qu’ils possèdent de grandes forces. Mais dans des situations de danger, l’homme découvre des forces qu’il ne pensait pas posséder.
Nous pouvons apprendre ce principe des hommes de guerre, chez qui l’on découvre une résilience plus importante que chez les autres, car au fil du temps, on les habitue à fournir de plus en plus d’efforts. J’ai pu le constater un jour, lorsque je reçus le public dans un lieu où les soldats se préparaient à être mobilisés dans l’armée. Le soleil brûlant tapait sur les montagnes désertes, et l’on obligeait les soldats à s’allonger au sol pendant plusieurs heures d’affilée avec leur uniforme lourd. Tout ceci devait préparer le soldat qui s’apprêtait à servir dans l’armée, à découvrir ses forces, à se surpasser et à tolérer toutes les situations.
L’homme doit s’en inspirer pour le domaine de la pratique de la Torah et des Mitsvot, dont la vie éternelle de l’homme dépend : il faut certainement s’évertuer autant que possible et faire appel à toutes nos forces afin de réaliser la volonté du Créateur, et nous battre de toutes nos forces contre le Yétser Hara. Personne ne peut renoncer à pratiquer les Mitsvot sous prétexte qu’il n’est pas doué dans ce domaine, car Hachem ne se montre pas sévère à l’égard de Ses créatures, et n’exige pas d’eux ce dont ils sont incapables. Il prodigue à chaque Juif la force de réaliser ce qu’Il a prescrit dans Sa Torah pour l’ensemble du peuple juif.
Rabbi Bounam de Peshischa explique qu’il existe deux manières très différentes de recherches des pierres précieuses. Lorsqu’un homme tente sa chance pour chercher des pierres précieuses dans un lieu où les chances sont minces d’en trouver, s’il n’en trouve pas au bout d’un certain temps, il quitte les lieux. Mais s’il cherche des pierres précieuses dans un lieu où il est certain d’en trouver, même s’il n’en découvre pas immédiatement, il ne baisse pas les bras et continue sa recherche, et ne quitte pas les lieux avant d’en avoir découvert.
Dans cette perspective, Rabbi Sim’ha Bounim de Peshischa explique que cela correspond à l’enseignement du roi Chlomo (Michlé 2,4) : « La souhaiter comme de l’argent, la rechercher comme des trésors ! » Il est dit à ce sujet dans le Midrach (Tan’houma Vayéchev 1) : « Parabole d’un homme qui a perdu une pierre précieuse, que fait-il ? Il prend les rênes et part à sa recherche dans une charrette, jusqu’à ce qu’il le trouve. » Le but de ce Midrach est d’interpréter ces termes : « la rechercher comme des trésors » : l’homme sait que la Torah et les Mitsvot ressemblent à des pierres précieuses certainement enfouies au lieu où il se trouve et il ne baissera pas les bras, même s’il ne les découvre pas aussitôt, car s’il cherche bien, de toutes ses forces, il découvrira en lui les forces d’étudier et d’accomplir toute la Torah et les Mitsvot.
On sait que de nombreux grands hommes en Torah semblaient, dans leur enfance, peu disposés à étudier la Torah, mais grâce à leur volonté, ils ont réussi à progresser énormément.
J’ai entendu un jour l’Admour de Klausenbourg raconter, lors de la session d’ouverture de la Yéchiva, que lorsqu’il était petit, le Satan cherchait à entraver ses efforts d’étudier. C’est seulement en faisant appel à sa volonté qu’il réussit à surmonter tous les obstacles et à ressentir du plaisir et de la joie dans son étude.
Ainsi, l’Admour de Klausenbourg avait l’usage d’éveiller la volonté et les ambitions de ses élèves, afin que chacun d’eux mette à profit ses facultés. Un jour, je passai un examen lorsque j’étudiai dans sa Yéchiva, et il craignit que je sois satisfait de moi-même et que je ne veuille pas progresser davantage. Il s’adressa à moi en m’expliquant qu’il était souhaitable de vouloir étudier bien plus que treize heures par jour.
L’Admour de Klausenbourg relatait souvent que le Gaon de Vilna entendit un jour un enfant le montrer du doigt en disant : « C’est le Gaon de Vilna ! » Celui-ci s’adressa alors à lui : « Mon petit, tu peux aussi devenir le Gaon de Vilna, si tu le souhaites, tu deviendras aussi un Gaon (un géant en Torah).»
Tout ceci nous enseigne que dans la guerre menée contre le Yétser Hara, le principe des victoires de Napoléon s’applique : la victoire est majoritairement due à la volonté du cœur, comme l’indique le Zohar (2ème partie, 162b) : « Toutes les affaires du monde ne dépendent que de la volonté. »
Nous pouvons ainsi appliquer ce principe à la fête de Soucot, fête de la joie lors de laquelle nous prenons en main le Loulav et l’Etrog. Le Loulav ressemble à une arme que l’on tient en main en période de guerre, pour montrer que nous possédons une arme pour lutter contre le Satan, comme l’indique la Guémara (Souca 38a) : le Loulav est comme une flèche dans les yeux du Satan pour le mettre en colère.
Nous réunissons l’Etrog avec le Loulav, sachant que l’Etrog ressemble au cœur (Vayikra Rabba 30,14) pour indiquer que nous luttons avec la volonté du cœur, et que nous avons les forces de triompher.
Nous voyons dans le Midrach (Vayikra Rabba 30,2) que « lorsqu’Israël sort avec ses Loulavim et Etroguim en main, nous savons qu’ils triomphent», car lorsque nous connaissons nos forces et luttons avec bonne volonté contre le Satan et ses envoyés, nous pouvons certainement relever toutes les épreuves, et nous réjouir de la joie de la Torah et des Mitsvot.
‘Hag saméah !