Cette lettre a été écrite dans la nuit, lors du retour en avion d’Eretz Israël après l’accompagnement de notre Cher Rav jusqu’à sa dernière demeure au Har Hazeïtim à Yeroushalayim. Je m’y suis rendu en pensant aussi à tous ses élèves et à tous ceux qui se sont attachés à lui à travers DVAR TORAH, et qui n’ont pu s’y rendre.
Très Cher Rav SITRUK
Spontanément je voulais ajouter Shlita (SheYi’hiyé le ‘Hayim Tovim VeAroukim = qu’il vive une bonne et longue vie) à la suite de votre nom. Et puis voilà, je ne peux plus l’écrire. En tout cas, plus avec le sens qu’il a habituellement. Même si c’est une évidence pour tous ceux qui vous ont connu, vous vivrez longtemps en nous. Je voudrais dire éternellement, aussi longtemps que notre Neshama, notre âme, étincelle d’origine divine, que vous avez nourri du meilleur de vous-même, sera fidèle à votre enseignement.
Certes, le Ciel vous a fait un don exceptionnel, celui de la parole. Mais ce don n’a pu s’exprimer pleinement que par le concours de conditions tout autant exceptionnelles. Celle d’une part d’avoir pu bénéficier d’une éducation, de valeurs et d’une formation qui ont favorisé l’épanouissement d’une estime de soi mêlée d’humilité. Ce qui est extrêmement rare. D’autre part, celle d’avoir pu fournir un immense labeur, dans le but d’apporter le meilleur à autrui. Un labeur qui a constamment été entretenu et enrichi par l’étude de la Torah et par l’attachement à nos Grands Maîtres et à leurs enseignements.
Disponibilité et pertinence, sensibilité et écoute, don de soi et gentillesse, engagent à la prise de conscience, à l’adhésion et à la Teshouva de dizaines de milliers de juifs, jeunes, comme d’âge mûr, de par le monde. C’est ce que vous avez fait.
Tant de qualités réunies en un seul homme, organisées pour le bien du Klal (l’ensemble d’) Israël est un exercice exigeant, difficile, voire périlleux, comme pour le funambule qui avance sur la corde raide au dessus du vide. En faisiez-vous trop ? Vous-même ne comptiez plus, tant les besoins de la Communauté étaient urgents et ne toléraient aucun délai ni répit. Vos heures de sommeil étaient raccourcies et votre action, vos interventions, demandant encore plus de disponibilité, étaient démultipliées. Auriez-vous dépassé vos limites ou bien la Communauté ne méritait-elle pas d’être servie si abondamment et si généreusement ?
Vous étiez capable le matin de conduire la levée de corps de votre secrétaire, Nicole, Aléa Hashalom, qui travailla avec abnégation durant plus de trente ans à vos côtés, puis dans l’après-midi de défendre avec toute votre intelligence et tout votre cœur au plus haut niveau de l’Etat les intérêts de la Communauté, et le soir de bénir le mariage de la fille de votre nouvelle secrétaire. Le rythme était-il trop intense ? Ce fut un très grand coup de tonnerre qui faillit vous emporter. Les pronostics des médecins étaient les plus noirs. Mais votre acharnement à vouloir vivre, l’immense courage et le dévouement de votre famille, les prières ferventes de dizaines de milliers d’élèves, associés à votre immense mérite, nous ont permis de vous garder 15 ans de plus. Certes, vous étiez très affaibli, mais vous étiez encore davantage empli de sagesse. Vos forces vous ont été reprises peu à peu. Vous avez pourtant continué à étudier, à enseigner, à prodiguer conseils, réconforts et gestes de bonté à tous ceux qui se donnaient la peine d’être proches de vous. C’est une immense perte. Nous sommes probablement passé à côté de quelque chose d’encore plus grandiose si seulement vous n’aviez pas été atteint dans votre chair.
Les desseins d’Hashem sont insondables. La Torah ordonne de suivre son Maître, son Rav, de façon quasi aveugle, au point où s’il dit que la gauche est la droite, suis-le, écoute-le !
Aviez-vous quelques longueurs d’avance sur nous au point que l’on pouvait éprouver un désaccord et vouloir prendre des distances avec vous ? Combien il est difficile de s’effacer, d’être assez humble pour se dire : c’est vrai, je ne comprends pas, cela ne doit pas se faire, mais je dois néanmoins accepter. Et si notre refus de nous soumettre causait une souffrance qui, ajoutée aux autres souffrances, devenait intolérable ? L’homme ordinaire est petit, très petit, infime, au regard des Grands Hommes et combien plus et plus encore au regard d’Hashem ! S’il est assez grand pour savoir combien il est petit, alors il doit savoir s’effacer. Et s’il doute, s’il ne sait pas quoi faire, alors qu’il interroge nos Guedolim (Grands Maîtres). C’est ce que vous faisiez très régulièrement très cher Rav SITRUK, Yossef ‘Haïm ben Emma Sim’ha, Zékher Tsadik VeKadosh Livrakha.
Tant est encore à dire. La perte est immense. Vous aimiez tant les Beneï Israël que vous considériez chacun comme un proche, comme un membre de votre famille, comme un fils, une fille. Les proches ont le privilège, au départ du Niftar (de la personne qui nous quitte), de saisir, de s’approprier les Midoth Tovoth, les qualités et bons traits de caractère du défunt, qui alors planent dans l’air. Chacun peut alors les faire siens et les perpétuer en nous, pour les faire vivre en nous. Tsadik Lo Mèth, un Tsadik (sage au sens de la Torah) ne meurt pas. Comment est-ce possible ? Grâce à son enseignement, vécu par ses élèves. Nous allons tout faire à DVAR TORAH pour que les nouvelles générations aussi accèdent à vos cours, les intègrent, s’en nourrissent, et vivent comme vous l’avez enseigné. Ainsi vous resterez avec nous à jamais. Yiyhé Zikhro Baroukh, que votre souvenir soit source de bénédictions. Tiyé Nishmato Tzroura Betsror Ha’Hayim ! Que votre Neshama (âme) soit rattachée au faisceau de la Vie, Amen !
A la Rabbanith SITRUK Tivla’hta, à ses enfants et à toute la famille du Rav zatsal, ShehaMakom Yina’hem Ethkhem Tokh Shar Avleï Tsion VeYeroushalayim, Amen !
ELLOUL 5776 # 3 – Préparation à ROSH HASHANA