Lettre ouverte adressée à mon cher Ami et Président,
Ce que je t’ai dit hier nuit (6 Av 5778) en quittant le Beith Hamidrash -lieu d’étude de la Torah- ne remet bien évidemment pas en cause tous les efforts que tu as déployés pour la réalisation de ce Makom -lieu de- Torah. Des efforts que j’ai du reste salués à maintes reprises. Mais il faudrait instamment qu’à toute réalisation d’ordre matériel soient toujours associées, dans leur usage, des valeurs de ‘Hessed -bonté- et de Kedousha -sainteté- pour donner à ces réalisations le sens qui sied à un Beith Hamidrash.
En aucun cas je ne peux me comporter comme si l’autre n’existe pas. Je ne peux vouloir satisfaire mes propres besoins sans me demander si cela ne pourrait nuire aux besoins d’autrui. Si c’est le cas, je dois m’abstenir d’agir, voire m’adapter et moduler en conséquence. Les exemples concrets ne manquent pas. La climatisation est nécessaire lorsqu’il fait chaud -et inversement le chauffage en hiver- spécialement lorsque le local est mal isolé. Mais si celle-ci est réglée à une température trop basse, -ou si l’on ouvre les fenêtres de façon intempestive en hiver- cela peut engendrer gros rhumes, sinusites, pharyngites, etc… qui affectent ceux qui y sont sensibles, parfois pour de longues semaines. Si je ne prends pas en compte les dommages qui peuvent en découler pour certains, j’agis comme un Rotséa’h -un criminel- ! En tout cas je suis Sonéh, je haïs autrui !
Nombreux n’osent pas se plaindre parce qu’ils ont été habitués à subir. Il n’est pas acceptable d’engendrer des souffrances, d’aliéner autrui en le forçant à accepter une attitude intolérante et despote. L’autorité non accordée librement ne doit pas avoir cours. Chaque attitude où se mêle orgueil, manipulation ou autoritarisme, doit être proscrite.
On ne peut conduire les affaires communautaires en se basant sur les seuls désirs de la majorité, sous prétexte que cela plaît, surtout lorsque ces désirs ne tiennent pas compte de besoins vitaux pour d’autres. Cela tiendrait de la politique dans le sens politicien du terme.
On est obligé, en tant que responsable, de faire prendre conscience, d’alerter sur certains dysfonctionnements. A défaut, on ne peut construire des relations emplies d’amour et de considération pour autrui. « Mi Hou Me’houbad ? HaMe’habed Eth Habrioth ! Qui est respectable ? Celui qui respecte autrui ! » enseignent les Maximes des Pères. Si je constate que l’on ne me respecte pas, que l’on agit à sa tête sans qu’aucune considération n’est accordée à ce qui m’est nécessaire pour me protéger, comment pourrais-je à mon tour contribuer pour apporter ma pierre à l’édifice ? C’est un constat démobilisateur qui contraste avec les espoirs nourris pour ce lieu de Torah. Nombreux y ont contribué avec joie, à la hauteur de leurs moyens, particulièrement durant les toutes premières années de son existence.
Rav Israël Salanter zatsal qualifie de voleur celui qui, pour être au frais, se tient dans l’ouverture de la porte. Pourquoi ? Parce qu’agissant ainsi, il empêche les autres de profiter de la fraîcheur venant du dehors. Il faut savoir que rien n’est anodin, sans conséquence. L’ignorance doit être combattue. Certes, elle atténue la faute, mais elle ne nous en dédouane pas. En tout cas, elle peut causer bien des dommages.
Un ami m’a rapporté qu’après s’être adressé au Gabbaï -l’un des administrateurs- d’une synagogue à Londres pour le conseiller sur un itinéraire, ce dernier lui demanda de sortir de la Shoule pour en parler. Il trouvait inconvenant, comme le stipule de Shoul’han Aroukh, d’y parler de choses profanes. Que nous en sommes bien loin ! Même parler durant la Tefila, la récitation du Kaddish ou la lecture de la Torah, se fait souvent sans retenue, ni gêne.
À la fin de Hespédim -oraisons- prononcés lors de la célébration de Shloshim -du mois-, il avait été vivement souhaité que chacun prenne l’engagement de ne pas parler durant les Tefiloth. Où en est-on ? Or ici aussi, parler au milieu de la Tefila, et quelquefois même fort, dérange forcément l’entourage. Pour peu que l’on veuille se concentrer et prier avec ferveur, on en est empêché. C’est une violence qui nous est faite et, d’une certaine manière, une violation de notre être. Encore une fois, nous ne sommes pas pris en compte. Que dire lorsque le Shalia’h Tzibour -celui qui conduit la prière pour l’assemblée- débite sa Tefila -prière-, sans que l’on n’en ressente rien ? Ou encore lorsqu’il ne tient pas compte du rythme du déroulement de la Tefila de la grande majorité du Kahal -des fidèles- et entame trop vite la ‘Hazara -répétition de la Amida, la prière des 18 bénédictions-, privant ainsi ceux qui n’ont pu terminer leur prière de répondre à la Kedousha ? Ici aussi il faut intervenir pour que cela change. De même, des enfants à peine Bar Mitzvah sont autorisés à diriger à toute allure un Miniane de Baalé Batim et de Talmideï ‘Hakhamim, sans compréhension apparente de ce qu’ils disent et sans que quelqu’un n’intervienne pour les corriger.
Les interventions de Divreï Torah le Shabbath sont trop cadrées, limitées au possible en durée avec interdiction inavouée de parler de valeurs et de Moussar, sous prétexte que cela indispose. À ce rythme, on bloque toute avancée, toute chance de progresser et de s’améliorer. Qui est indisposé ? Ceux qui soutiennent le plus au plan financier ce lieu de Torah ? Serait-ce du clientélisme et donc une forme de Sho’had -corruption- ? Ou bien est-ce ceux qui ne règlent même pas leurs cotisations ? Cela est en soit intolérable et inacceptable.
Je ne suis pas le seul à reconnaître qu’un Rav doit être nommé pour diriger ce Makom –lieu de- Torah et y insuffler les valeurs indispensables qui manquent aujourd’hui cruellement. Le Moussar -l’étude de l’éthique et de la morale selon nos Sages- mène à beaucoup plus de considération envers chacun et bien sûr envers tout Makom Torah. Il conduit aussi chacun à un plus grand engagement effectif dans l’étude et à se rapprocher d’Hashem, pour mieux Le servir.
On doit sentir que tous les Gabbaïm -administrateurs- sont réellement au service du Kahal -de l’assemblée des fidèles- et qu’ils n’en tirent eux-mêmes strictement aucun profit, de Kavod -d’honneur- s’entend. Rien, aucune position ne doit être plus valorisée que celle d’un autre, sauf si cela provient de la volonté et de l’expression du Kahal, et pas seulement de quelques-uns. Chaque Gabbaï se doit d’être un exemple et aussi, en cas de nécessité, celui qui rappelle à l’ordre.
J’ai pu voir que mon Rav Shlita, n’hésitait pas à ramasser les papiers et mouchoirs qui pouvaient traîner à terre pour les jeter à la corbeille dans son Beith Hamidrash. En prenant exemple, chacun fera du coup plus attention à la considération qu’il doit à ce Makom et envers lui-même. En tout cas, nous ne devons pas accepter que l’on puisse jeter des papiers à terre, ni qu’ils traînent sur le sol, ni même de laisser des corbeilles déborder. Un dispositif doit être mis en place ainsi qu’une sensibilisation sur le rôle et la part que chacun doit remplir pour mieux vivre ensemble avec un sentiment d’amour envers autrui.
Il en est de même pour les Sefarim -livres d’études et de prières-. Ils doivent impérativement être rangés après usage, et précisément à leur place. Autrement il s’agirait ici d’un Guézel Zmann -un vol de temps- pour ceux qui se trouveraient alors empêchés de s’en servir ou s’ils doivent perdre du temps pour les retrouver. L’interdit de sortir des livres du Beith Hamidrash doit être strictement respecté par tous, sans exception. Une sensibilisation doit être engagée pour que ceux qui auraient pris la liberté d’en emprunter les ramènent de toute urgence.
Une sensibilisation de tous doit être engagée et inlassablement répétée jusqu’à ce que nous agissions tous effectivement comme la Halakha l’exige de chacun.
Ceci étant, je te dis un très grand Yasher KoKha’Ha pour tout ce que tu as déjà réalisé au profit du Klal et pour tout ce que tu vas encore accomplir avec l’aide d’Hashem et de tous ceux qui voudrons bien s’y associer !
Avec le très vif espoir qu’en aucun je ne t’ai blessé de quelque manière que ce soit. Et si je l’ai fait, sache que ce serait totalement involontaire, mais bien uniquement en vue de bien faire, pour avancer. Et je te demande d’ores-et-déjà Me’hila -pardon- si jamais j’avais failli et j’espère aussi que tu me l’accorderas. Dans tous les cas, sois assuré de toute mon amitié.
Cette année Tisha BeAv, le 9 Av, tombe Shabbath prochain. Le jeûne n’est pas avancé d’un jour, mais repoussé au dimanche qui suit pour qu’entre-temps si Mashia’h -le Messie- devait venir, qu’il vienne ! Il transformera alors ce jour de jeûne et d’affliction en un jour d’immense joie ! Qu’Hashem fasse qu’il en soit ainsi, Amen ! Bien à toi