Le “Mot du Jour” 4 Iyar 5777 – 30 avril 2017 

Lettre ouverte à Monsieur Hervé Chevreau, Maire d’Epinay-sur-Seine, Conseiller du Département de la Seine St-Denis

Vous sachant désireux de connaître l’opinion de vos concitoyens, je vous livre mon sentiment sur la cérémonie d’aujourd’hui. Uniquement dans un but constructif. 

Voilà quelques années que je ne me rendais plus régulièrement aux commémorations de la déportation, organisées par la Municipalité. Ne me sentais-je pas en phase ? Quelque chose me gênait. Je ne parvenais pas à le définir. J’y suis revenu ce dimanche et je compris. L’assemblée n’était hélas pas très nombreuse. La majorité de la population serait-elle totalement indifférente ? Pour l’essentiel des gens présents, cette manifestation doit signifier beaucoup. Et rien que pour cela, c’est déjà extrêmement louable pour la Municipalité de l’organiser d’année en année. Mais était-ce bien nécessaire de prolonger la cérémonie par un cocktail ? Je ne m’y suis pas rendu. Je me sentais en décalage, pas à ma place. 

Il me semble que la solennité du protocole prend le pas sur la raison profonde de la commémoration. Certes, les victimes originaires d’Epinay ont été évoquées. Certes, la responsabilité de la France au service de la puissance nazie a été soulignée. Certes, cela fait déjà 72 ans et… malgré le temps, les plaies ne sont toujours pas fermées. Elles ne le seront jamais. Parce que la souffrance subie est vécue dans la chair et se transmet de génération en génération. Près d’1/3 du Peuple Juif a été assassiné durant la Shoa. Ils sont partis sans laisser de continuité. Sans compter toutes les autres victimes bien entendu.

Mes grands-parents paternels ont été arrêtés à Angoulême par la police française en 1942, transférés à Drancy puis à Auschwitz, d’où ils ne sont pas revenus. Tout comme un frère de ma mère, hélas. Lors d’une cérémonie à la mémoire de nos chers disparus à Jérusalem il y a une douzaine d’années, j’ai rappelé à l’assistance que ma mère, de mémoire bénie, m’a raconté que son frère Moshé s’est retrouvé un jour dans un train, stoppé en gare, en face d’un autre train, où il vit son frère Marcus assis entre deux gendarmes qui l’avaient arrêté. Il aurait voulu pouvoir tout donner pour remplacer son frère pour qu’il ait la vie sauve. Mon oncle Marcus n’est lui aussi, hélas, pas revenu d’Auschwitz. Dans l’assistance lors de cette cérémonie il y avait tous mes cousins, dont les fils de mon oncle Moshé. S’il avait remplacé son frère Marcus, ils n’auraient pas été là, à D.ieu ne plaise ! Où sont les enfants de Marcus ? Et où sont les enfants de ses enfants ? Comment voulez-vous que l’on oublie, sans compter les souffrances causées à mes propres parents ? 

Monsieur Le Maire, il est heureux et ô combien salutaire que vous ayez souligné le besoin de vigilance pour que ce qui s’est passé ne se reproduise pas. Je crois toutefois que l’occasion n’a pas été réellement saisie de faire ressentir à l’assistance la dimension abominable des actes commis. Malgré les lectures des enfants de l’école Beth Israël, qui a perçu le drame qui nous pend au nez si un sursaut n’est pas provoqué ? 

Au-delà de toute prise de position politique, une mise en garde très forte et très insistante doit être martelée pour que l’on ne tombe pas dans le travers d’un remake, à D.ieu ne plaise, favorisé par la complaisance, l’apathie ou la routine. Que ce soit par ceux qui se mélangent aux négationnistes de la Shoa. Que ce soit par des politiques curieusement tolérantes envers ceux qui propagent des valeurs anti France, anti juives et aussi de plus en plus anti chrétiennes. 

Combien de meurtres devons-nous encore subir ? Faut-il les rappeler ? Le dernier en date, celui de Lucie Sarah Attal-Halimi, défenestrée à Paris, il y a moins d’un mois, au cri du Djihad bien tristement célèbre. Le taire, c’est vouloir le nier. C’est aussi ouvrir la porte au totalitarisme. N’est-ce pas aussi contre les exactions totalitaires que s’élève la commémoration de ce jour ? Lorsque les nouvelles générations en prendront conscience, pourront-elles encore pardonner notre silence ? 

Aujourd’hui, dans le beau centre ville que vous vous êtes attaché à réhabiliter, il n’y a guère de jours sans qu’on vous croise en crachant par terre. Ce n’est certainement pas ni un signe de respect, ni de civilité… De là à commettre l’irréparable, il se pourrait, à D.ieu ne plaise, qu’il n’y ait pas tellement d’espace. Ne rien faire contre, n’est-ce pas le tolérer ? Cela m’inquiète. Faut-il que je cesse de marcher dans la rue dans le centre ville d’Epinay-sur-Seine ? Cette situation n’est hélas pas le propre de notre ville. Je sais que vous comprenez mon inquiétude. 

Soyez assuré, Monsieur le Maire, de ma très respectueuse considération.