Le “Mot du Jour” 27-28 Mar’Héshevane 5782 – 2-3 novembre 2021

Dédié à la mémoire, LeIlouye Nishmath Rabbi Ya’akov Leizer zatsal, Admour MePsheworsk à Anvers, rappelé auprès de ses pères le 27 Mar‘héshevane 5758 et à la mémoire, LeIlouye Nishmath Malka Hadassa bath Shmouel Tsvi, épouse de Shlomo Shim’on Gronner zal, aléa hashalom, rappelée auprès de ses pères le 28 Mar’héshevane 5755. Que leur souvenir soit source de bénédictions pour le Klal Israël.

GARANTS LES UNS DES AUTRES                                                                      

Postulat

Ce n’est pas parce que je serais seul sur une île déserte que je n’aurais pas à me soucier d’autrui.

Serais-je en danger ? Nous appliquerions le principe de « ‘Hayyékha Kodmim » « Ta vie passe avant celle de ton prochain » (Traité Baba Metsia 62a). Aucune question ne se pose ici puisque en cas de Pikoua’h Néfesh, de risque vital, ma survie prévaut avant toute autre considération.

Dans le cas d’absence de danger, on peut réfléchir en termes écologiques, économiques, voire politiques, eu égard aux conséquences de mes actions. Le feu produit du CO2 qui pollue et engendre des coûts, qui… Chacun connaît la suite et cela se vérifie dans tous les domaines.

Les enjeux

Cependant, il est un domaine tout à fait essentiel, que d’aucuns oublient de considérer. Lorsqu’une dent nous fait souffrir, tout le corps ressent la douleur. Elle peut être lancinante et requérir toute l’attention. Et dans les faits, tout le corps se mobilise et n’existe pratiquement que pour elle. Ses membres sont solidaires, partagent, vivent la souffrance venant de cette dent…

Or il en est de même pour le Peuple Juif. Il forme un seul corps, certes constitué de millions d’êtres, unis par une origine et un héritage communs. Mais ce corps est fragile, s’il est malmené par trop de souffrances. Faute de pouvoir « vivre avec », d’en comprendre le sens -qu’elles sont là en tant qu’épreuves à surmonter pour grandir- des échappatoires se mettent en place. Ils trompent la vigilance, détournent l’attention, font dévier du chemin tracé par nos aïeux ceux qui lâchent prise. C’est ainsi que, à D.ieu ne plaise, d’aucuns sont attirés ailleurs et quittent la Maison, devenant ainsi orphelins. Ceux qu’ils ont délaissés se serrent un peu plus les coudes. Les enjeux s’éclairent : vivre en tant que Peuple ou, au contraire, disparaître en perdant sa spécificité, sa personnalité unique, pour finir par s’effacer et se dissoudre parmi la population environnante, ra’hmana litslane.

Le prix du Shabbath

Tous connaissent le drame vécu dans la fin du 19ème et la première partie du 20ème siècle par les immigrants juifs aux Etats-Unis. Ils sont venus d’Europe, pleins de foi et de valeurs, déterminés à respecter les lois de la Torah, transmises de générations en générations. Or très souvent ceux qui tenaient à respecter le Shabbath ne retrouvaient pas leur emploi le dimanche ou le lundi. Travailler cinq, voire six jours par semaine -au lieu de six ou même sept- puis se mettre en quête d’un nouvel emploi pour encore seulement quelques jours, à longueur de mois et d’années, cela use. Certains parvenaient à se maintenir à leur poste en quittant leur travail juste avant l’entrée du Shabbath. Mais l’heure était alors trop tardive pour encore emprunter le subway (métro). Il leur restait à frapper le pavé sur de longues distances. Arrivés épuisés chez-eux, quelle force leur restait-il pour célébrer le Shabbath dans la joie ? Cela n’encourageait pas leurs enfants à « subir » le même sort. Hélas, beaucoup cessèrent de respecter les préceptes de la Torah, s’en éloignèrent et, finalement, s’assimilèrent. (Faits historiques rapportés par Rav Frankforter shlita dans l’un de ses cours diffusés sur notre site).

La protection du Ciel

Vivre en tant que Peuple et membre de notre Peuple, c’est prendre conscience que chacun compte, qu’il a un rôle à jouer, qu’il fait partie d’une grande famille où le précepte d’aimer son prochain comme soi-même a une signification profonde. Chacun se sent solidaire avec et envers tous et est prêt à apporter son concours, s’il le faut, pour soutenir autrui. Des caisses de secours sont mises en place. La Tsedaka, la charité, est pratiquée envers les indigents. Est-il besoin de rappeler que ceux-ci existent pour procurer du mérite à leurs frères qui les soutiennent ? Un homme pourrait être pauvre au plan matériel, mais très riche au plan spirituel. Et inversement, un homme riche, au plan matériel, pourrait être très pauvre au plan spirituel. Le fait que l’homme fortuné compatit, soutient et sauve son frère dans la détresse, attire sur lui la protection du Ciel tout en donnant un sens à sa vie. « Tsedaka Tatsil Mimaveth » « La charité sauve de la mort » (Mishlé, les Proverbes, 10, 2. et traité Shabbath 156b. Voir aussi le cours de Rav Heymann shlita sur ce sujet, diffusé sur notre site, qui relate notamment l’histoire avec le coupeur de joncs, ou celle de la fille de Rabbi Akiva au lendemain de son mariage).

Eh oui, la vie prend son vrai sens lorsqu’elle est reliée aux valeurs et aux lois du Ciel. On s’y connecte en vivant les préceptes de la Torah. C’est la clé pour accéder à un univers qui, sans elle, serait totalement inaccessible. Voilà une dimension qui n’était pas perçue par les enfants qui virent leur père rentrer tellement harassé de fatigue après son travail Leïle Shabbess, le vendredi nuit. Il était alors incapable de vivre le Shabbath dans la joie avec toute sa famille réunie.

Une seule famille

Or la joie de la Mitzva, la joie que j’éprouve en accomplissant un précepte de la Torah, détermine si la Mitzva est réellement et pleinement accomplie ou non. Si je soutiens un indigent sans être heureux de pouvoir le faire, il semble que la routine, ou encore une sorte d’obligation morale, guident mon geste et non pas tant la volonté de servir Le Maître du monde. « Ivdou Eth Hashem Besim’ha » « Servez Hashem dans la joie ! » (Tehilim 100, 2). Si la joie y est absente, je gagnerai énormément à combler ce grand manque au plus tôt pour donner à la Mitzva tout son sens, son pouvoir et sa portée. Parce que toutes les bonnes actions que je réalise avec l’intention d’agir pour Son Nom ont d’immenses répercussions. Cela s’applique tant sur moi-même, sur mon entourage, que parmi les quelques millions des nôtres dispersés de par le monde. Nous formons une grande famille d’un seul corps où chaque membre influe sur l’ensemble. Le comportement, les bonnes actions des uns se portent au secours d’autrui, même sans que je le sache. Par ailleurs, les actions non souhaitables des uns risquent de causer des préjudices à d’autres ra’hmana litslane.

Le Rav Sitruk zatsal avait une fois rapporté que le médecin du Rav Schakh zatsal -l’un des Guedoleï Hador, des plus Grands de la génération- lui avait prescrit de dormir une demie heure de plus par nuit. Le Rav lui répondit : si je fais cela, le Rosh Yeshiva de ‘Haïm Ozer verra que j’éteins la lumière une demie heure plus tôt, alors il en fera de même et diminuera son étude d’autant. Et le Rosh Yeshiva de Beth Shmaya verra que le Rosh Yeshiva de ‘Haïm Ozer diminue son étude, alors à son tour, il étudiera une demie heure de moins et ainsi de suite. Et de fil en aiguille, cela aura des répercussions jusqu’au… colonel Jean Lévy de l’armée française qui risquera peut-être de conclure que ce n’est pas si grave si sa fille n’épouse pas un juif… ra’hmana litslane.

Nous faisons tous partie du même corps. Si par inadvertance je me brûle à l’extrémité d’un doigt, tout le corps en souffre, c’est inévitable. Il en est de même pour le respect du Shabbath, comme des autres Mitzvoth. Lorsqu’elles sont bien vécues, elles profitent à l’ensemble et, hélas, inversement, dans le cas contraire.

Le même bateau

Dès qu’il en prend conscience il peut mériter à son tour d’en faire prendre conscience son prochain. Nous sommes tous dans le même bateau. Ce n’est pas parce que quelqu’un a payé sa place qu’il aurait le droit de creuser un trou dans la coque sous son siège. Notre devoir de « responsabilité collective » nous oblige à le dire à notre prochain. Certes, mais à la condition, entre autres, qu’il soit en mesure de recevoir notre message, qui doit absolument être animé d’un sentiment d’amour envers lui (voir le Malbim dans Lévithique, Kedoshim, 19, 17). S’il refuse d’entendre, ou s’il ne peut comprendre, notre responsabilité n’est plus engagée. Mais, d’une certaine manière, il s’exclut et semble refuser le statut de « Réa », de prochain. Ce qui malheureusement porte atteinte au lien, à l’esprit de famille, qui devrait unir tous ses membres pour ne faire qu’un seul corps où tous sont garants les uns des autres.

Glorifier Son Nom

Maintenant nous pouvons dépasser le cadre de notre postulat de départ qui était : « Ce n’est pas parce que je serais seul sur une île déserte que je n’aurais pas à me soucier d’autrui ». On peut y ajouter : « et même, d’une façon générale, de tout ce que je fais ». Parce que toute action a une incidence et n’est donc pas gratuite. Tout geste accompli en conformité avec les préceptes de la Torah est une sanctification du Nom de Hashem. Qu’il ait lieu en public ou à l’abri des regards, parmi les nôtres ou non. Dès lors, par chacun de mes gestes, je peux « LeKadesh Shem Shamayim » sanctifier et glorifier Son Nom.  Alors oui, même sur une île déserte, j’ai à me soucier de mes devoirs et à prendre en compte les conséquences de mes actes sur le Klal, mon Peuple, auquel -et j’en remercie profondément Le Maître du monde- je suis intimement rattaché. Y a-t-il plus beau programme, à la portée de chacun ?

Être béni

« Le ‘Hovoth Halevavoth – Les devoirs du cœur » 1 dans « Shaar Habita’hon’ – la confiance en Hashem » nous dit combien le fait de « marcher dans les voies de Hashem » amène la Menou’hath Hanéfesh, la paix intérieure, la quiétude, le sentiment de plénitude et en définitive une joie profonde. Avec du recul, nous pourrions rire. Pourquoi cela ? Parce qu’en accomplissant les Mitzvoth pour servir Hashem nous obtenons l’inverse de ce qu’elles présupposent parfois. Pardon ? Un paradoxe surprenant et inattendu ne nous fait-il pas sourire et rire ? Chacun peut pressentir combien cela pourrait être difficile, voire rébarbatif, pour quelqu’un qui vit hors du monde des Mitzvoth de respecter la sainteté du Shabbath. Revoir son système de valeurs n’est pas une mince affaire. Cependant, sa Hatmada, la persévérance qu’il mettra à avancer dans cette voie, lui procurera de la joie, beaucoup de joie, mais aussi des forces neuves. Et celles-ci l’amèneront à découvrir, au fur et à mesure, combien il est béni de pouvoir accéder à cette nouvelle perception de la vie. La difficulté, l’ennui, la gêne et l’effort des débuts conduisent ici à la plénitude et au sentiment qu’il est réellement un fils pour son Père qui est au Ciel ! Il veille sur lui, Il le guide et le protège, pour peu qu’il reste attentif au sens des épreuves qui se présentent à lui, qu’il s’attache à surmonter, ainsi qu’aux messages qu’il reçoit qu’il lui est donné de décrypter.

Une illustration vivante

Une aventure très spéciale est arrivée à un père de famille, élève de Rav Élimélekh Biderman shlita. Appelons-le Moshé. Il travaille dans une cuisine à Beith Shémesh où il prépare des plats pour plusieurs points de vente en Israël. Un matin, après avoir étudié, prié et accompagné son fils au jardin d’enfants, il fait un petit détour à pied pour rejoindre son lieu travail. Là il croise un homme qu’il connaît de la synagogue, mais qu’il n’a pas vu depuis quelque temps. L’homme boite très péniblement. Il s’enquiert de sa santé. L’homme lui dit qu’il n’a pu sortir de chez lui depuis plusieurs jours et qu’il n’a donc pas pu collecter de l’argent pour le très prochain mariage d’un enfant. Moshé lui tend un billet représentant une somme tout à fait honorable. L’homme le remercie vivement et lui demande s’il ne peut pas l’aider à collecter de l’argent, étant empêché de le faire lui-même du fait que son pied le fait souffrir. Moshé est très occupé et ne pense pas pouvoir s’en charger, puis il retourne travailler. Il prépare des mets à base de haricot blanc qu’il fait cuire dans une immense cocotte minute sur un grand feu durant une heure et demie, au lieu de cinq heure dans une marmite normale. Il en profite pour écouter des cours de Torah au téléphone. Ce jour-là le Rav évoque justement l’importance d’aider son prochain dans la détresse. Moshé en est convaincu et décide d’aider l’homme qu’il a rencontré en collectant de l’argent à sa place dès le lendemain. Il préparera tout ce qu’il doit mettre à cuire dans l’imposante cocotte minute et il disposera d’une heure pour collecter durant la cuisson. C’est ce qu’il fait le lendemain. Il se rend à la synagogue, demande à deux amis de s’associer et de l’aider dans cette Mitzva et, ensemble, ils recueillent plusieurs centaines de Shekalim. Tout heureux, il retourne à son travail où, à peine arrivé à proximité, il sent que quelque chose d’anormal s’est passé. Et effectivement, le sol est jonché de tout le contenu de la cocotte minute qui a explosé et son couvercle a été projeté avec une telle violence qu’il à troué l’un des murs. Moshé se tient habituellement à un mètre, un mètre cinquante de la cocotte minute. Il réalise que s’il avait été là, nous n’aurions rien pu savoir. Peu après il alla trouver l’homme et lui remit l’argent collecté. Celui-ci le remercia avec beaucoup d’effusion et Moshé lui dit que lui-même l’en remercie du fond du cœur parce que c’est par son intermédiaire qu’il a eu la vie sauve. Tsdeka Tasil Mimaveth ! La charité sauve de la mort ! 2

La Providence divine

Et effectivement, plusieurs signes de la Providence divine parsèment ce récit. À commencer par le détour, par rapport au chemin habituel, que fit Moshé après avoir accompagné son fils au jardin d’enfants. C’est du fait de ce détour que Moshé vit l’homme qui avait besoin d’être secouru. Il lui donna de la Tsedaka. Puis vint l’écoute du cours de Torah où le Rav expliquait l’importance de porter assistance, d’y répondre favorablement et immédiatement pour ne pas laisser passer et perdre les situations qui se présentaient. Enfin la prise de décision d’aider, de la planifier et l’idée de solliciter l’assistance d’amis pour leur faire partager la Mitzva et apporter ainsi un plus grand secours. Moshé était en phase avec ce qu’il devait faire : étudier, prier, prendre soin de son enfant, travailler pour nourrir sa famille, étudier encore si l’activité le permettait en écoutant des cours de Torah, s’intéresser aux besoins de son prochain et le soutenir. En d’autres termes : réaliser ce qui est attendu de soi, être en alerte, prendre conscience et agir sans attendre. Tout le reste c’est Hashem qui le fait en réponse aux prières qui lui sont adressées et aux mérites de chacun. Il donne l’impulsion, crée les occasions, adresse les messages, fait intervenir, ouvre les cœurs et les esprits. Qu’il nous soit toujours donné de lire correctement ce type de messages pour accomplir au mieux le Retson Hashem, la Volonté divine !

L’immense cadeau !

N’oublions jamais qu’il ne faut ni se décourager ni désespérer ! La difficulté est un frein, pas un obstacle insurmontable. Ce n’est pas parce que d’aucuns n’auraient pas toujours fait ce qu’il leur incombait qu’ils ne peuvent se corriger et se parfaire. Nombreux, hélas, l’ignoraient et l’ignorent encore (voir Tinok Shenisheba, l’enfant élevé hors du judaïsme « Lettre de Dvar Torah n°4 » sur le site de Dvar Torah ou le livre « Parcours, Pars, cours ! Vers la lumière… » -page 66). Ayons toujours à l’esprit que Hashem nous a fait l’immense cadeau de pouvoir faire Teshouva, et revenir vers Lui. Tout le monde est ici concerné, chacun selon son niveau. Si nous implorons Hashem du plus profond de notre être, nous ne resterons pas sans réponse, et pour cause ! « Banim Atèm LaShem ! Vous êtes les enfants de Hashem » (Dvarim, Deutéronome, Reéh, 14, 1). Chacun sait combien un père et, à plus forte raison, notre Père qui est au Ciel, est plein de mansuétude et est prêt à pardonner les écarts de Ses enfants, s’ils font une réelle Teshouva. Cela est d’autant plus vrai s’ils n’avaient pas conscience qu’ils devaient agir autrement.

Recevez nos meilleures pensées et nos vœux de très bonne santé.

Merci de transmettre ce texte tout autour de vous dans la Communauté. 

Kol Touv, à bientôt et ‘Hodesh Tov OuMevorakh ! Que le nouveau mois de Kislev -qui débute ce jeudi 4 novembre à la nuit- soit bon et béni pour tous !

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1. Rédigé par Rabbénou Ba’hyé bar Yossef Ibn Pekouda zal « haDayan haSfaradi », Éminente autorité rabbinique d’Espagne qui vécu il y a environ 1000 ans.

2. Récit entendu sur la ligne « Hashga’ha Pratite – Providence divine » en hébreu au tel. 972 2 301 1400.