Le « Mot du Jour » 24 Adar 1  5776 – 4 mars 2016

L’histoire suivante nous a été envoyée par mail. Nous voulons vous en faire profiter. Bonne lecture à tous et bon shabbath !                                                                                                                                      בס״ד 
LA PRIÈRE D’UNE GRAND MÈRE

C’est arrivé très récemment à New York. Le téléphone sonna un soir au domicile d’une famille juive orthodoxe avec une mauvaise nouvelle : l’arrière-grand-mère, âgée de plus de 90 ans, venait de décéder dans la maison de retraite où elle avait été admise quelques mois plus tôt, calmement, dans son sommeil.
Chacun pleura et on organisa rapidement l’enterrement comme il convient : le lendemain après-midi, toute la famille et de nombreux amis se réunirent au cimetière pour l’inhumation et les condoléances d’usage.
Ensuite on annonça que la famille observerait les Chiva (les sept jours traditionnels de deuil) et que chacun était invité à se rendre au domicile pour les condoléances et les prières, trois fois par jour.

Les jours suivants furent marqués par une grande agitation : les gens entraient, parlaient, évoquaient des souvenirs ; ceux qui n’avaient pas pu se déplacer téléphonaient, parfois de loin… Mais le troisième jour, un coup de téléphone retint l’attention de tous. Un des enfants décrocha le combiné et entendit : « Allo ? C’est qui ? C’est Avi ? Comment allez-vous tous ? Passe-moi ta maman ou ton papa ! Tu ne me reconnais pas ? C’est grand-mère ! Pourquoi personne n’est venu me voir depuis trois jours ? »
Incrédule, son fils prit le combiné : « Maman ? C’est bien toi ? »
– Bien sûr que c’est moi ! Pourquoi personne n’est plus venu me rendre visite ces derniers jours ? Vous allez bien ?
C’était bien la grand-mère, elle était bien vivante et toutes les personnes présentes dans la pièce laissèrent éclater leur joie. En moins d’une demi-heure, le fils se rendit à la maison de retraite et expliqua avec autant de tact que possible à sa mère ce qui était arrivé. Apparemment il s’était produit une terrible erreur.
Mais soudain, ils réalisèrent ce qui était arrivé : on avait bien enterré quelqu’un ! Qui était-ce donc ? Il fallait aussi sans doute prévenir la famille de cette personne.

Tous avaient été si contents que la grand-mère soit encore en vie qu’on n’avait pas pensé à l’autre personne.
Le fils appela le directeur de la maison de retraite et quand celui-ci entendit ce terrible imbroglio, il mena sa propre enquête et découvrit ce qui s’était passé : dans le même bâtiment avait été admise une autre dame qui portait le même nom et le même prénom que la grand-mère, qui avait à peu près le même âge, qui était aussi une survivante de la Shoah et qui avait le même gabarit qu’elle. Il y avait eu confusion d’identité. Le directeur s’excusa misérablement, prévint qu’il prenait à sa charge tous les frais (l’enterrement, la perte des jours de travail, les annonces dans les journaux…) et ne cessa de demander pardon pour cette méprise involontaire.

Il fallait maintenant prévenir la famille de la dame qui avait été enterrée. Il s’avéra que celle-ci n’avait qu’un seul fils qui habitait non loin de là. Tous se mirent d’accord qu’il valait mieux que ce soit le fils de la grand-mère vivante qui explique la situation. Après tout, le fils de la défunte se mettrait sans doute en colère et on le calmerait en l’assurant que tout avait été fait dans le respect de la loi juive, on lui montrerait la place au cimetière…
Mais ils n’étaient pas au bout de leurs surprises.
Dès que le fils décrocha le téléphone et entendit qu’on l’appelait depuis la maison de retraite, il enchaîna immédiatement : « Si c’est pour m’avertir que ma mère est décédée, n’en faites pas toute une histoire. Procédez à l’incinération, jetez les cendres où vous voulez et envoyez-moi la facture. D’accord ? »
Atterrés par cette réaction, les membres de cette famille pratiquante décidèrent d’aller voir ce fils et de lui expliquer certaines choses. Il accepta et, quelques instants plus tard, ils se présentèrent à son domicile pour expliquer à cet inconnu que l’incinération est absolument interdite par la loi juive et qu’un corps doit être purifié puis enterré selon la tradition, car le Judaïsme croit en la résurrection des morts.
Mais l’homme ne l’entendait pas ainsi : non seulement l’incinération était moins chère, mais, selon lui, elle était aussi plus écologique, elle préservait l’espace et de toute manière, il fallait être réaliste : toutes ces histoires sur D.ieu, les âmes, la résurrection n’étaient que des superstitions et les hommes ne valent pas mieux que des plantes ou des animaux…
Finalement, ils lui avouèrent la vérité : sa mère était décédée quelques jours plus tôt et non seulement elle avait été enterrée selon la tradition, mais on avait même déjà respecté trois jours de Chiva en son honneur. Ils allaient même lui préciser qu’il n’avait pas à s’inquiéter pour l’argent lorsqu’il s’écria : « Comment ? Ma mère a été enterrée ? Je n’arrive pas à le croire ! »
Il se prit la tête entre ses mains, la releva avec un regard étrange. Il ferma les yeux et se mit à pleurer comme un enfant sans qu’on puisse comprendre son étrange réaction. Finalement, il se remit, demanda un verre d’eau, essuya ses yeux et expliqua : « Ma mère était une survivante de la Shoah. Toute sa famille a été tuée par les nazis, y compris mon père, et elle avait réussi à s’enfuir avec moi alors que je n’étais qu’un bébé. Nous avons ensuite émigré aux États-Unis et, malgré tout ce qui lui était arrivé, elle continuait de croire en D.ieu. Mais moi… je ne voulais pas être différent des autres et j’ai abandonné la pratique du Judaïsme. Elle insistait, elle me suppliait pour que je mange cachère, pour que j’épouse une fille juive, mais je ne voulais pas en entendre parler. Nous avions de longues discussions puis je lui ai dit sans ambages que tout ceci ne m’intéressait pas, que quand je décéderai, je voulais être incinéré et que c’était d’ailleurs ainsi que je procéderais pour elle. Je crois que j’étais un peu cruel, mais je voulais qu’elle soit plus réaliste et qu’elle abandonne ses pratiques d’un autre âge.
Finalement, nous en sommes arrivés à une sorte de compromis : elle prierait son D.ieu et, si D.ieu existait, Il s’occuperait de la faire enterrer, mais sinon… l’incinération. Rien ne pouvait me faire changer dans ma décision.
Maintenant, je vois qu’elle avait raison : comprenez-vous ce qui est arrivé ? D.ieu a écouté ses prières. C’était donc elle qui avait raison ! »
Et il se mit à pleurer à nouveau, presque de soulagement au fond…
Il accepta alors immédiatement de terminer les Chiva au domicile du précédent « endeuillé » et se mit à étudier le Judaïsme intensément.