Le “Mot du Jour”  22 Sivan 5779 – 25 juin 2019

Miriam SÉGAL Aléa Hashalom – les Shloshim, “le Mois” de son départ de ce monde.

Mitzva Lehaspid Adam Kasher -Il est une Mitzvah de faire l’éloge d’un être droit et craignant D.ieu.

Pour que ses mérites soient entendus et viennent plaider en sa faveur. Pour que ceux qui entendent puissent aussi être touchés et en être inspirés.

La Neshama, l’âme, de la Niftéreth, qui nous a quittés, est présente ici, en ce moment, parmi nous. Et nous ne pouvons rien dire d’autre que la Vérité. La Neshama entend ce que nous disons et nous devons la conforter de tous les bienfaits que la Niftéreth a accomplis durant sa vie, de même que les Yissourim, les souffrances, qui l’ont accompagnée et qui l’ont purifiée.

Or qui sommes-nous pour parler d’une telle dame, d’une grande dame, qui de surcroît se trouve être ma belle-mère ? Qu’est-ce qui a fait sa grandeur ? Sa simplicité, sa bonté, sa gentillesse, sa générosité, sa compassion, sa recherche du vrai, sa cohérence, d’être en accord avec soi-même, sa modestie, son amour d’autrui. VeHaavta LeRéakha Kamokha ! Tout le monde l’aimait.

Il en est qui ont la hantise des belles-mères qui se mêlent de tout et qui veulent influencer, voire diriger. Il en est qui n’ont pas compris qu’en agissant ainsi elles empêchent de grandir, de construire, pire, elles détruisent. Chez-nous rien de tout cela. Elle ne recherchait que le bien sans même approcher des limites qui ne devaient pas être franchies. Voir un visage rayonnant de bonheur lorsqu’elle découvrait ses petits-enfants, ses arrières petits-enfants, lorsqu’elle leur parlait, faisait un grand bien aux parents comme aux grands parents. Et lorsque l’on sait qu’elle a elle-même été pour ainsi dire privée de mère, puisqu’elle est morte 10 jours après l’avoir mise au monde… Certes, sa grand-mère et une tante ont pris le relais. Mais cela ne remplace pas une mère, avec toutes ses qualités et même quelques défauts.

Elle a travaillé dur toute sa vie pour assurer un toit pour sa famille, une éducation pour ses filles Yaël, ‘Hanna et Ghila. Elle leur a donné le meilleur d’elle-même et en même temps elle courait écouter les Shiourim, des cours, pour dames donnés notamment par la Rabbanith SCHLAMMÉ sheti’hyiè, dans cette banlieue sud de Paris, proche de Yerres et de Brunoy où ils habitaient. Lors de l’enterrement, le Rabbin de Vigneux rappela affectueusement combien Madame SÉGAL le retardait sur le chemin du retour de la synagogue le Shabbath avec ses nombreuses questions sur la Torah qu’ils avaient lue.

Hazor’im BeDim’a BeRina Yiktsorou, ceux qui sèment dans la peine, avec des pleurs, récolteront dans la joie ! Quels beaux fruits Hashem ta donné par ta fille Yaël, mon épouse, par nos enfants, par nos petits enfants. Comment te remercier ? Comment te rendre ce que tu nous as donné ?

Rav ‘Haïm Yaakov SCHLAMMÉ shlita avait raconté l’histoire d’un paysan qui avait tellement de Yissourim, de peines et de souffrances, qu’il n’en pouvait plus et il décida d’aller voir son Rav pour qu’il prie pour qu’il ait une vie plus paisible. Au bout de trois jours de marche, il arriva enfin chez son Rav. Il entra, la Rebbetsen, l’épouse du Rav, l’accueillit et lui dit d’attendre sur une chaise. Le paysan était si fatigué du voyage qu’il s’endormit aussitôt. Il rêva qu’il se trouvait devant une grande place sur laquelle il y avait une immense bascule. Des trompettes retentirent et l’on vit arriver des charriots remplis d’anges vêtus de noir. Ils représentaient tous les petits manquements, les absences de Mitzvoth que notre paysan aurait dû accomplir. Les anges vêtus de noir vinrent tous se placer sur l’un des plateaux et l’aiguille de la bascule pencha complétement de ce côté. Puis, de nouveau le son des trompettes annonça l’arrivée de charriots remplis d’anges vêtus de blanc qui représentaient toutes les Mitzvoth accomplies par le paysan. Ils vinrent se placer sur l’autre plateau de la balance. L’aiguille se rétablit et se rapprocha du centre. Mais le plateau des anges en noir était le plus lourd. Alors vinrent encore quelques charriots d’anges vêtus de blanc qui représentaient les Yissourim, les souffrances, que le paysan avait traversés. L’aiguille de la balance se rapprocha encore du centre, mais le plateau des anges en noir restait encore le plus lourd. Alors le paysan s’écria : « apportez encore des Yissourim ! » Puis il se réveilla. Il vit la Rebbetzen devant lui qui lui dit que le Rav était arrivé et qu’il pouvait entrer. Alors le Paysan s’écria, « non, ce n’est plus nécessaire, j’ai compris ! ».

Des Yissourim, oh combien de Yissourim ! Tu en as eu ton lot ! Toi qui étais si heureuse de pouvoir exprimer ta joie, tu as peu à peu été privée de te mouvoir, puis de parler, puis de sourire, durant des années. Je ne sais plus compter. C’est venu progressivement depuis 12 ans !

Peu après le départ de Yits’hak zal, ton cher Mari, tu as quitté ta maison de Vigneux, pour habiter chez-nous. Le mois prochain, cela aurait fait exactement 5 ans. Tu as été déracinée de ton chez-toi, de cette maison pour laquelle tu avais tant travaillé pour l’acquérir et où tu as vécu de belles années. Les dames qui devaient prendre soin de toi ne le faisaient plus avec assez de cœur et tous les 15 jours – 3 semaines tu étais emmenée par les pompiers à l’hôpital où tu restais 8 jours, puis tu revenais chez toi pour repartir 15 jours ou 3 semaines plus tard pour cause de déshydratation, de début d’occlusion intestinale, ou autre chose du genre. Nous voulions que tu vives ! Or dans ton état, te placer dans une institution, c’était, de l’avis de ton mari, te mettre dans un mouroir. Nous ne pouvions l’envisager. Tu arrivais chez nous pas en très bonne forme, c’est le moins qu’on puisse dire, avec une perfusion et des soins infirmiers contraignants. Mais grâce à D.ieu, le cher Docteur Meyer OUAKRAT Sheyi’hyé, est devenu ton médecin. Il t’a débarrassé de la perfusion et d’autres médicaments et il t’a suivi très régulièrement durant tout ton séjour chez nous. Et il n’attendait pas qu’on l’appelle, mais il venait de lui-même aux nouvelles. Où a-t-on vu de nos jours un Médecin si attentionné, dévoué et compétent ? Durant ces presque 5 ans chez nous, tu n’es pas allée une seule fois à l’hôpital ! Mais sans le dévouement, la conscience et le cœur des dames qui se sont occupées de toi, de Esther, fidèle parmi toutes jusqu’à ton départ, de Léa, de Vicky, de Yvane, de Shérifa et de Gracillia, en plus de ta chère fille aînée, mon épouse, qui les pilotait toutes et te préparait tous les repas, et quels repas ?! Parce qu’il fallait que tu les aimes pour les manger et il était capital que tu manges, finement mixés, parce que tu ne mâchais plus. Et il fallait que tu boives assez, tous les liquides étaient mélangés à une poudre épaississante puis servis à la petite cuiller, pour éviter les fausses routes. Pour que tu ne sois pas déshydratée et pour que tu n’aies pas d’escarres. Tu en as eu des escarres dont un, oh combien douloureux, parce qu’il fallait l’extraire en creusant profondément dans la chair. Que les infirmières, mais aussi la kiné, Madame FITOUSSI, soient aussi vivement remerciées. Il fallait veiller que tu aies assez chaud et pas trop chaud et surtout pas froid, et même à 3 heures ou à 4 heures du matin, placer la bouillotte d’eau chaude à tes pieds, remettre la moustiquaire, etc…

Toi qui était si vaillante durant toute ta vie, tu étais privée de presque tout. Certes, mon épouse disait pour toi matin et soir le Shema Israël, de même que les Brakhoth, les bénédictions, avant chaque repas. Combien tu devais souffrir de ne plus pouvoir les dire toi-même ?! Que de souffrances durant si longtemps ! Mais au moins tu pouvais servir ton Créateur, Lui faire don de tout ce que tu pouvais encore Lui donner et de tout ce que tu voulais Lui donner et que tu ne pouvais plus Lui donner.

Et pour nous, tu étais notre protection. On sentait combien on était protégé en t’ayant avec nous. Nous remercions le Ciel d’avoir pu t’apporter un peu de chaleur. Combien nous étions heureux de t’avoir, même si nous avons attendu 5 ans avant de pouvoir aller en Eretz faire la connaissance de deux petites filles, nées dans l’intervalle. Et cela par le ‘Hessed d’Hashem, toujours le ‘Hessed d’Hashem, et celui de notre fille Yehoudith qui spontanément a proposé de nous remplacer avec sa famille durant 15 jours. Madame Serayssol aussi nous a permis d’aller à un Brith de notre petit fils à Marseille, à un mariage à Anvers ou encore sur la tombe de mon beau-père pour son Yahrzeith. Mais Madame Hovlacque aussi était prête à assurer une relève. Certainement que d’autres dames de la Kehila, la communauté, auraient aussi acceptées de nous remplacer.

Étions-nous privés de confort ou de liberté ? Le penser est de la bêtise en regard de tout ce que tu nous a donné ! Cela n’a pas de prix ! Il faut le savoir ! Qu’y-a-t-il de plus grand que le don, que le fait d’apporter du bonheur ? Oh, ce ne sont pas des mots, c’est une réalité ! Et en plus, te le donner à toi qui nous a tant donné !

Rav Messod HAMOU shlita avait rapporté un passage du livre de Rav Yaakov GALINSKY zatsal où il raconte l’histoire d’un médecin qui a débranché la machine à respirer d’un malade qui manifestement ne donnait plus de signe de vie. Sans l’aide de la machine, le malade finit par expirer. Mais très vite, le malade apparut en rêve au médecin et il lui dit « vous m’avez débranché trois jour trop tôt ! J’avais encore trois jours à vivre et vous m’avez privé des Yissourim de trois jours de plus qui m’auraient fait expier et m’auraient purifié ». Le médecin comprit que le Monde fonctionne selon d’autres modes que ce qui lui a été enseigné en faculté, que Hashem a Ses règles que l’on se doit de suivre.

Aurions-nous fait quelque chose qui t’aurait privé de vivre plus longtemps ? Si les secours ont tardé à venir, c’est certainement pour t’éviter d’autres souffrances, inutiles parce que tu en as eu assez. Quoi qu’il en soit, Miriam, pardonne-nous si nous aurions dû faire encore mieux, être plus patients parfois, plus doux aussi.

De là-haut, où ta Neshama, ton âme, va être accueillie, plaide pour la Yeshoua, la délivrance, de ta fille Ghila ‘Hava Elishéva. Sois Melitza Yosher, plaide, pour ta fille ‘Hanna, pour son fils Nils, pour ta fille Yaël et pour son Mari, pour tous tes petits-enfants et arrières petits-enfants et leurs familles, qu’ils soient tous en bonne santé, et que durant toute leur vie ils réjouissent le Ribono Shel Olam. Sois aussi Melitza Yosher pour la Communauté d’Epinay qui accueille ta fille et son époux depuis près de 30 ans. Que les sentiments d’amour du prochain prédominent et deviennent si forts entre tous ses membres qu’ils chassent très vite et définitivement tout sentiment de haine gratuite, de recherche de Kavod, d’honneur, et de pouvoir.

Enfin, Rav FRANKFORTER shlita a raconté l’histoire qu’a vécue BABA SALÉ zatsal au retour de l’enterrement de son fils le Tsaddik Rabbi Méïr zatsal. BABA SALÉ zatsal dit alors, à la stupéfaction de tous : « dressez les tables ! » Ses proches craignaient qu’il ait perdu la tête, à D.ieu ne plaise, et s’en inquiétèrent. BABA SALÉ zatsal répondit : « Rabbi Méïr est accueilli au Ciel comme un prince et vous voulez que l’on soit tristes ?! ».

Mon épouse et moi avons l’intime conviction que sa maman est enfin heureuse d’avoir pu dépasser ses souffrances pour vivre une vie éternelle digne de celle qu’elle a vécue en ce monde ci.

Nous tenons à tous vous remercier très chaleureusement de nous avoir entourés en ce moment si crucial et capital. Tizkou LeMitzvoth ! Merci de faire quelques Brakhoth pour l’élévation de l’âme de Miriam bath Avraham. Ce n’est pas dans le Minhag Ashkenaze, mais nous sommes tellement avec vous que nous ne voulions pas déroger à cette coutume qui vous est si chère.                                                                                                Yehiel Yoël Gronner