Le “Mot du Jour” 21 Elloul 5781 – 29 Août 2021


Nous dédions ces lignes LeIllouye Nishmath, à la mémoire et pour l’élévation de l’âme de Rav Yossef ‘Haïm SITRUK ben Emma Sim’ha zatsal qui nous a quittés il y a tout juste 5 ans.

Chers Amis,

Se préparer à Rosh Hashana. Et si c’est vous qui nous le disiez ?….

Non, ce n’est pas le syndrome de la page blanche qu’il faut remplir qui nous guide. En soi, ce n’est pas le problème, mais bien plutôt : comment vous le dire avec vos mots ? Parce qu’émanant de vous, sûr que vous les recevriez et que le message passerait. Or il est tellement capital et vital qu’il passe, parce que Rosh HaShana est tellement important… Nos actions -tant dans leurs grandeurs que dans leurs défaillances- de l’année écoulée, sont inscrites dans le Grand Livre de la Vie. Et des lignes qui y sont écrites dépend ce qui va nous être attribué tout au long de la nouvelle année 5782, qui débute justement à Rosh HaShana.*

Ce qui va nous être attribué à titre personnel, en termes de santé, de Parnassa, de revenus, d’événements heureux ou moins heureux. Mais aussi ce qui nous est réservé au plan collectif, de notre Communauté, voire pour tout le Peuple, en termes de paix ou d’insécurité, de pluie et donc d’abondance ou de famine, d’épidémie ou de santé publique, de calme ou de perturbation climatique ou géologique. Que D.ieu nous préserve des épreuves et des calamités. Tout prend une si grande signification à Rosh HaShana et va marquer notre devenir immédiat jusqu’à Rosh HaShana de l’année prochaine. Pourquoi cela ? Parce que nous sommes jugés ce jour là. De plus, nous sommes dans une période de prédilection, extrêmement favorable, que nous devons capitaliser et surtout ne pas perdre !

Cette faveur exceptionnelle, c’est Hashem qui nous l’offre ! Elle porte en elle une partie capitale de notre histoire qui s’est déroulée il y a un peu plus de 3333 ans lorsque Moshé Rabbénou, Moïse, se trouvait sur le Mont Sinaï. Il était seul avec Hashem et l’implorait pour qu’Il accorde son pardon à Israël. Chacun en connaît le mobile, c’était après la faute du Eguel HaZaav, le veau d’or, suivi du bris des premières Tables de la Loi par Moshé Rabbénou. Ce qui s’était passé était tellement dramatique et crucial pour l’avenir du Peuple Juif que deux fois 40 jours de supplications et de prières étaient nécessaires pour réparer ce qui sans cela aurait été impardonnable et aurait entraîné la condamnation du Peuple Juif à jamais. Or nous nous trouvons aujourd’hui dans ce qui correspond à cette deuxième période de 40 jours qui va du 2 Elloul à Yom Kippour. Nous sommes en situation de supplication et de demande de pardon -les Seli’hoth et la sonnerie du Shoffar- pour les fautes que nous aurions commises. Le moment est particulièrement favorable, la voie a déjà été tracée et le chemin est balisé. Il suffit que nous prenions exemple sur Moshé Rabbénou et agissions comme il l’a fait au Mont Sinaï au même moment 3333 ans plus tôt. Moment propice s’il en est puisque Moshé Rabbénou a obtenu en retour le Pardon pour tout le Peuple d’Israël. S’il ne l’avait pas demandé et bien sûr obtenu, nous n’existerions pas, à D.ieu ne plaise !
– C’est donc qu’il suffit de le demander ?     
– Oui ! Mais d’une certaine manière tout de même et en payant en retour.
– Quoi, il faut payer et cela suffit ?
– Non, pas exactement, et en tout cas, pas nécessairement avec de l’argent, qui ne peut remplir qu’un rôle très indirect.
– Alors avec quoi peut-on payer ?
– Avec notre personne !
– Comment ?
– En faisant Teshouva ! C’est-à-dire en revenant vers Hashem et en conduisant notre vie selon Ses voies. Celles-ci sont codifiées. Ce sont les Mitzvoth, ou préceptes de la Torah. Leur rôle ? Tout à la fois bornes, balises et panneaux indicateurs du chemin à suivre. Mais leur rôle est en réalité infiniment plus que cela, puisqu’ils nous donnent accès à la Torah qui nous ouvre sur l’éternité. Chacun se doit de respecter les Mitzvoth selon sa situation personnelle, le moment de la journée, de l’année, le lieu où il se trouve et les circonstances (voir Lettre de Dvar Torah n°8). C’est à la fois simple et limpide, mais c’est aussi un engagement impliqué et puissant. Il s’agit en l’occurrence de regretter amèrement les fautes que nous avons commises au cours de l’année écoulée. Et si nous les regrettons effectivement avec tout le sérieux requis, il va de soi qu’il faut aussi s’engager à ne plus les enfreindre à nouveau. En d’autres termes nous devons aussi nous engager à accomplir ce qui nous est ordonné, selon les préceptes de la Torah. Voilà comment chaque Juif doit payer de sa personne.

Toutefois, il ne s’agit ici que des Mitzvoth, des préceptes, que nous devons observer envers le Maître du monde. Il en est d’autres, nous l’avons vu récemment (Lettre de Dvar Torah n°25), qu’il nous faut aussi respecter de façon tout aussi scrupuleuse. Ce sont celles qui relèvent de notre relation à autrui. En clair, tout dommage matériel, moral et spirituel que j’aurais infligé à mon prochain, soit envers son intégrité physique ou son honneur, soit envers ses biens, exige réparation et pardon. Il ne suffit pas seulement de le demander, il faut encore qu’il nous soit accordé. Et inversement, si c’est envers nous que le pardon est demandé, il est alors heureux de faire preuve de compassion, mansuétude et générosité et d’accorder notre pardon, quitte à exiger réparation monétaire pour les dégâts causés. Et effectivement, le pardon accordé par Hashem ne pourra se réaliser que lorsque j’aurai obtenu le pardon d’autrui. Et plus je suis généreux à l’égard d’autrui, plus le Ciel le sera envers moi. Cela tient de la notion « Mida KeNégued Mida » que l’on traduit par « une mesure pour une mesure ». Au même titre que je demande le pardon à Hashem, je dois le demander à mon prochain. Si je ne suis moi-même pas prêt à pardonner, comment puis-je demander à Hashem de me pardonner ? Ce serait un non sens et une forme d’insolence de ma part. Aurais-je le toupet et l’inconséquence de demander quelque chose que je ne suis moi-même pas prêt à accorder ? Rabbothaï, mes maîtres, il faut tout faire pour pardonner et même amener autrui à nous demander pardon s’il a commis envers nous quelque impair. Si on s’y refuse ou si on le lui refuse, cela peut avoir des conséquences excessivement graves.

Combien d’histoire avons-nous entendues de tel Sage ou grand Rav qui a été maltraité ou insulté par tel ou tel qu’il a réprimandé ou sanctionné parce qu’il faisait trébucher la communauté ? C’est le cas de ce boucher qui s’est obstiné à ne pas demander pardon pour son forfait. Le Rav est même allé faire les cent pas devant sa boucherie pour qu’il saisisse l’occasion et vienne demander pardon. Non seulement l’homme n’a rien fait dans ce sens, mais il a même encore menacé le Rav. Très peu de temps après, alors qu’il brisait des os avec sa hache, un morceau d’os a été projeté, a percé son crâne et ce fut sa fin.   

Au temps de la Guemara plus d’une fois des hommes qui avaient manqué de respect ou commis quelque impair envers un grand Sage, ont eu à le payer de leur vie. Voir notamment Traité Shabbath 33b, avec Rabbi Shimone Bar Yor’haï et Yehouda ben Guérim. Mais c’est un thème en soi qui mérite tout un développement qui dépasse les limites de ces lignes.

Les temps de la Guemara, ou de l’époque de certains Guedolim, sont loin derrière nous. Et le niveau d’élévation spirituelle d’alors n’a peut-être plus cours aujourd’hui, en tout cas, hélas, pas de façon si répandue.

Certes, mais ne nous incombe-t-il pas d’accomplir au moins le minimum pour être cohérent avec nous-mêmes ? Cela peut paraître un peu douloureux ? Qui n’a pas besoin du pardon d’Hashem ? Or celui-ci peut dépendre du pardon que j’aurais reçu ou accordé par ailleurs. Ai-je le droit de m’en passer ? Non, car cela équivaudrait à une forme de suicide. Or il nous est absolument interdit d’en commettre. Notre corps et notre âme ne nous appartiennent pas. La Torah nous ordonne au contraire : « VeNishemartèm Meod LeNafshotékhèm » que les Sages traduisent par « Vous prendrez bien soin de votre âme » (Devarim, Deutéronome 4, 15 et 4, 5 selon Torah Temima). Nous avons tous à gagner et dans ce monde ci et dans le monde à venir à ce que notre âme soit la plus belle et la plus épanouie, jusqu’à ce qu’elle soit réclamée par le Ciel. D’ici là, D.ieu merci, Hashem nous considère et nous considèrera toujours comme Ses enfants. C’est un privilège sans prix qui ne peut en aucun cas être gâché !

S’arrêter ici serait bien commode. Mais il manque à ces quelques lignes une dimension essentielle. C’est assez moral et logique à la fois lorsque l’on évoque la nécessité d’une cohérence entre ce que l’on demande et ce que l’on accomplit soi-même, en demandant et en accordant le pardon. Nous le demandons à Hashem et nous le demandons et l’accordons aux hommes. Or, vis-à-vis des hommes, c’est Hashem qui nous le demande puisqu’il nous est prescrit « VeAhavta LeRéakha Kamokha » d’ « Aimer son prochain comme soi-même » (Vayikra, Lévitique 19,18). Donc le « vis-à-vis des hommes » est ramené au niveau de Hashem. Tout est et provient de Hashem, tout comme l’univers tout entier et, tout ce qui s’y trouve, a été créé par Hashem et émane de Lui. Et cela il faut le reconnaître et proclamer que Hashem est notre Roi, que nous sommes Ses sujets, au présent, pour Le servir et accomplir Sa volonté. Que Hashem nous considère comme Ses enfants est une manifestation de ‘Hessed, de bonté, envers nous. Nous ne pouvons que gagner à ressentir cette « filiation » tous les jours, à tout moment, la vivre et proclamer que Hashem est notre Roi, spécialement à Rosh HaShana, mais pas seulement.

Le Rav Yerou’ham Leibowitsh zatsal, Mashguia’h, directeur spirituel de la Yeshiva de Mir en Lituanie au cours de la première partie du siècle dernier, disait (dans Daath Torah) à propos de la relation vis-à-vis de son prochain : « Fais-le régner sur toi, considère-le comme ton roi et honore-le comme tel ». Le fait que Hashem est notre Roi implique donc que la relation avec Ses créatures doit également être imprégnée de respect et de soumission. L’homme qui agit ainsi gagne tellement en paix intérieure, il ne se prend pas pour quelqu’un d’important. L’arrogance et l’orgueil sont des sentiments qui ne lui disent rien. Tout comme les mouvements de colère lui sont étrangers. Suis-je autorisé à exprimer de la colère envers mon prochain que je dois apprécier comme un roi ? Hashem est jaloux et ne supporte ni l’orgueil, ni la colère, qui est… le produit de l’orgueil par excellence, si l’on peut dire.

Nous avions évoqué le rôle que l’argent pouvait éventuellement remplir pour obtenir la Kapara, le pardon. La compensation monétaire déjà citée peut pallier le préjudice causé. Or, la Tsedaka peut également avoir le même effet et agir comme une Kapara. L’argent vient ici comme une souffrance, une ponction dans le produit de nos efforts. Il évoque  notre sueur, notre sang qui se dit Dam, comme l’argent est Damim. Il représente une partie de nous-mêmes. La Tsedaka est une action de justice, d’équité et de charité, prenant la forme d’un don généreux en nature ou monétaire ou l’équivalent monétaire, que nous accordons par pure bonté. Elle peut conduire à une expression de Ra’hmanouth, de pitié et de charité, de la Providence envers le donateur. « Mida KeNégued Mida », « une mesure pour une mesure ». Ce qui entraîne dans les faits l’effacement de la faute et de la sanction qui lui sied, et donc aussi le pardon. Le décret de mort peut-être levé, absout, par l’effet de la Tsedaka. Voir « Tsedaka Tatsil MiMaveth », « la charité sauve de la mort », cours de Rav Aharon Daniel Heymann (n° 87018 sur notre site). La sanction vient en tant que Kapara, qui signifie pardon. Elle vient expier la faute. Évidemment, tout ne peut être réparé par de l’argent. C’est pourquoi il nous est donné l’occasion de faire une vraie et sincère Teshouva. À défaut, si elle n’est pas sincère, elle est sans effet, dénuée de valeur. Il nous est aussi donné de prier et d’implorer Hashem de tout notre cœur pour bénéficier de sa compassion extrême et de toutes les bontés qu’Il voudra bien continuer à nous prodiguer tout au long de la nouvelle année qui vient avec Rosh Hashana prochain. La possibilité de faire Teshouva, comme celle de prier et d’implorer Hashem, ne l’oublions pas, ce sont d’immenses cadeaux que nous fait le Ribbono Shel Olam, le Maître du monde, notre Roi !

Shana Tova, Ktiva Ve’Hatima Tova ! Très bonne Année ! Que nous soyons tous bien inscrits dans le Grand Livre de la vie !

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*Rosh Hashana commence cette année le 6 Septembre (à 20:04 à Paris) et se prolonge jusqu’au 8 septembre (à 21:07 à Paris).