Le “Mot du Jour”  17 Sivane 5778 – 31 mai 2018

En prenant appui sur la Parasha BEHA’ALOTHEKHA

Aharon HaKohen, le Grand Prêtre, était aussi le chef de la Tribu de Lévi. Selon Rashi, Hashem perçut que Aharon HaKohen était attristé de ne pouvoir lui aussi apporter des offrandes pour l’inauguration du Mishkane, le Tabernacle ou Tente d’assignation, à l’instar de tous les autres chefs de Tribu. Aharon HaKohen craignait d’y voir là un signe qu’il n’était pas totalement pardonné d’avoir été mêlé à l’érection du veau d’or. Alors Hashem le rassura en lui disant, par l’intermédiaire de Moshé Rabbénou, qu’en allumant la Menora dans le Mishkane, chaque soir, sa part était bien plus grande que celle de tous les autres chefs de Tribu. Ceux-ci n’apportèrent leurs offrandes, aussi somptueuses furent-elles, que durant un seul jour. De plus, l’allumage de la Menora n’allait pas être limitée à l’existence du Beith Hamikdash, mais bien se perpétuer également durant tout l’exil du Peuple Juif. En effet, depuis la révolte des ‘Hashmonaïm contre les Grecs, et donc la victoire et la réhabilitation du Beith Hamikdash qui ont suivi, l’allumage de la Menora a été institué chaque année durant les 8 jours de ‘Hanouka. Or la commémoration de ‘Hanouka a marqué et enrichi l’identité juive et contribué au renforcement de la Nation, alors qu’une tendance contraire avait déjà commencé à affaiblir une partie du peuple. Voilà donc la part qui revenait à Aharon HaKohen, par le biais de la Mitzvah d’allumer la Menora chaque soir, et ce qu’il en a résulté à travers l’histoire du Peuple Juif et son vécu jusqu’à ce jour.

Mais que s’est il passé d’apparemment très surprenant ?  Hashem s’est soucié de la tristesse de Aharon HaKohen et s’est attaché à le rassurer. Dans le « Shema Israël », lorsque l’on prononce le Nom d’Hashem nous avons à l’esprit « Adone Hakol, Hayya, Hové VeYiyé” qui signifie Maître de Tout (= du Monde et de tout ce qui existe), Qui Était , Qui Est et Qui Sera ». De même, lorsque nous disons « Elokeïnou » nous pensons : « Hamashguia’h BePratiouth Al Kol E’had VeE’had Méïtanou ». Que l’on traduit par « Qui (sur)veille et prend soin individuellement et dans les moindres détails de chacun d’entre nous ».

La Torah est aussi le mode d’emploi de la vie. En ce sens, nous tentons de tout faire pour comprendre à travers les diverses descriptions qu’elle contient et ce qui en a résulté, les gestes et attitudes hautement désirables, qu’il convient d’adopter, et bien sûr toutes les attitudes qui sont proscrites. Or ici, dans Beha’alothekha, Hashem nous montre combien il se soucie de la tristesse de Aharon HaKohen et qu’il Lui tient à cœur de le rassurer. De là l’importance d’être particulièrement attentif aux besoins de son prochain, de ne jamais le blesser, l’importuner, le faire souffrir, mais bien tout le contraire.

Tout le monde se rappelle la demande du prosélyte à Shammaï de lui enseigner la Torah le temps qu’il se tienne debout sur un pied. Shammaï le renvoya en le menaçant de son bâton. Le prosélyte se rendit alors auprès de Hillel et lui fit la même demande. Hillel l’accueillit chaleureusement en lui disant : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l’on te fasse, quant au reste va et apprend ».

Le Rambam – Maïmonide, va plus loin en disant : « Fais à ton prochain ce que tu voudrais que l’on te fasse ». En somme, nous devons agir envers notre prochain comme nous voudrions que l’on agisse envers nous.

Mais Rav Yerou’ham Leïbowitz, Mashguia’h de Mir d’avant la guerre, va encore plus loin (dans Daath Torah) qui cite nos Sages. Il disait : « fais régner ton prochain sur toi, considère-le comme ton roi et honore-le comme tel ». Rav Yerou’ham zatsal avait une très haute idée de la façon dont il fallait respecter autrui, l’entourer de considération et lui manifester notre amour. Or la Torah nous demande justement « Aime ton prochain comme toi-même ». Rabbi Akiva qualifie cette Mitzvah de Klal Gadol BaTorah, d’un principe fondamental et général de toute la Torah.

La Torah nous montre qu’il y a deux types de relations : Bein Adam LaMakom, celle de l’homme vis-à-vis du Créateur, et Bein Adam La’Havéro, celle de l’homme à l’égard de son prochain. D’aucuns les hiérarchisent en donnant le plus souvent la priorité à la relation de l’homme envers Hashem. Or ici ils se trompent puisque que veut Hashem ? Que l’on accomplisse Sa volonté ! C’est, entre autres, ce que l’on fait en aimant son prochain comme soi-même ! Cette Mitzvah figure dans la Torah. Elle est donc ordonnée par Hashem . Le sujet est inépuisable et bon nombre de descriptions de situations pourraient venir l’étayer.  

Trois courtes histoires viennent en mémoire, pour délimiter un tout petit peu le champ d’application.

Deux éminents Rabbanim sont raccompagnés en voiture par un jeune Rav, un soir après une réception. Après concertation entre les deux éminents Rabbanim, le Rav le plus vénérable décide de s’assoir sur la banquette arrière, tandis que le second prend place à côté du Rav plus jeune qui conduit la voiture. Il est réputé que la place à l’avant a la préséance sur celle de derrière. Pourquoi le Rav le plus vénérable s’est-il assis derrière plutôt que devant ? Parce qu’il devait arriver à destination plus tôt et qu’il lui fallait donc descendre avant l’autre Rav. S’il s’était assis à l’avant, l’autre Rav aurait dû se lever après son départ pour venir s’asseoir devant à côté du jeune Rav qui conduisait. Tout cela pour que ce dernier ne soit pas considéré comme un chauffeur de service.

Rav Yerou’ham Leïbowitz zatsal eut à prendre le train. En ce temps, on achetait son billet au contrôleur sur le quai. Le Rav l’acheta puis monta dans le train, s’installa et c’est alors qu’il prit conscience qu’il n’avait plus qu’un seul gant. Il alla vers la porte du wagon et vit son gant qui gisait à terre sur le quai. Mais alors le sifflet annonça le départ imminent du train. Qu’allait faire le Rav ? S’il descendait, le train risquait de partir sans lui. Le Rav enleva alors prestement son autre gant et le jeta près du premier. Au moins, ainsi, celui qui les trouverait, jouirait d’une paire de gants entière.

Quelqu’un se trouve en haut d’une falaise. Son gant lui échappe et le fait tomber aux pieds de quelqu’un qui se tenait juste en bas. À quoi pense ce dernier ? “Envoyez le deuxième gant !” C’est la réponse qui nous a été rapportée. Il paraît que l’homme pense bien davantage à son intérêt qu’à celui d’autrui. Est-ce normal ? C’est pourtant très facile de penser au bien que l’on pourrait apporter à son prochain. Ici on pourrait se demander comment restituer le gant à son propriétaire.

Dans notre vie de tous les jours, les exemples ne manquent pas. Comment peut-on s’améliorer dans notre relation à autrui au quotidien ? D’abord en nous attachant à être plus attentif et nous soucier de la place de l’autre dans notre monde. Il n’est pas un concurrent, ni un rival. Il a été placé là par Hashem, pour qu’on l’aime. C’est donc au moins notre ami, si ce n’est pas notre roi !