Le “Mot du Jour” 07 Nissan 5777 – 03 avril 2017

Raconte-moi la Sortie d’Egypte… en quelques mots.

L’exil d’Égypte dura 210 ans.

L’asservissement des Hébreux par les Égyptiens commença dès que tous les fils du Patriarche Yaakov furent morts.

L’esclavage se fit d’abord en douceur, de façon pernicieuse et perverse. Il devint ensuite extrêmement pénible, harassant et douloureux. Tous les bébés mâles étaient jetés au Nil, les tâches des hommes étaient imposées aux femmes et inversement, etc…

Les Hébreux se trouvaient entièrement à la merci de Pharaon et, de fait, de tout Égyptien, qui pouvait en disposer à sa guise.

L’emprise égyptienne sur les Hébreux diminuait et s’estompait au fur à mesure que les 10 plaies s’abattaient sur l’Égypte et seulement sur les Égyptiens. Citons-les dans l’ordre: 

1. Dam : toutes les eaux -le Nil, les puits, etc…- se transformèrent en sang.

2. Tzfardéa : les grenouilles pullulèrent partout jusque dans les entrailles.

3. Kinim : la poussière de la terre devint vermine.

4. Arov : l’invasion des bêtes sauvages tua des hommes et leurs bêtes

5. Déver : la peste atteint tous les animaux.

6. She’Hin : les ulcères touchèrent les hommes et leurs animaux.

7. Barad : la grêle détruisit les récoltes et tua hommes et animaux.

8. Arbéh : les sauterelles mangèrent toute la végétation restante.

9. ‘Hoshekh : les ténèbres obscurcirent tout et interdirent tout mouvement.

10. Makath Bekhoroth : tous les premiers-nés des hommes et des animaux périrent. 

La relation maîtres-esclaves se brouillait pour devenir de plus en plus floue.

Les Égyptiens prenaient conscience que les Hébreux avaient un protecteur -Hashem-. Moshé et Aharon en étaient les fidèles serviteurs.

Parallèlement, les Hébreux réalisaient que les Égyptiens cessaient de les maltraiter.

Aussi se dégageaient-ils lentement, très lentement et timidement -tant ils étaient traumatisés- du sentiment de soumission, d’écrasement et de dépendance envers les Égyptiens.

Peu à peu ils prenaient aussi conscience qu’ils étaient l’objet d’une très grande sollicitude qui les préparait à sortir d’Egypte la tête haute. 

Tandis que Pharaon a résisté et s’est opposé au départ des Hébreux, il finit par venir en pleine nuit les supplier de partir durant 3 jours pour qu’ils offrent leurs sacrifices à Hashem. C’était juste après la plaie de la mort des premiers nés. Elle coïncidait avec la nuit du Séder, où tous les foyers des Hébreux consommaient le Korbane Pessa’h, le sacrifice-offrande de l’agneau pascal. Ils avaient auparavant badigeonné l’encadrement de leur porte du sang de l’animal. C’était le signe qui distinguait les maisons juives de celles des Égyptiens. Tous les Hébreux se trouvaient ainsi à l’abri de la plaie des Premiers nés. 

Mais le départ d’Egypte n’eut lieu que le lendemain, au grand jour, une fois que les hébreux reçurent bijoux et parures des Egyptiens qui les pressaient de partir. Quant à Moïse, il réussit encore à faire remonter les ossements de Yossef du fond du Nil pour les enterrer en Eretz Israël, conformément à l’engagement pris envers lui avant sa mort. 

L’heure du départ avait sonné, la pâte n’eut pas le temps de lever. C’est pour perpétuer le souvenir de ce moment si crucial et dramatique que tous les Juifs mangent depuis lors des Matzoth –pain azyme- durant les 8 jours de la fête de Pessa’h, à la place du pain levé.

Il fallait faire vite et sortir d’Egypte sans attendre. Pharaon avait tant de fois récusé sa parole qu’il ne fallait pas qu’il ait le temps de se ressaisir et de réitérer. Cependant, voyant que les Hébreux ne revenaient pas au bout de 4 jours, alors qu’il escomptait leur retour, il regretta de les avoir laissé partir. Pharaon réunit une immense armée -600 chars d’élite, plus tous les chars d’Égypte, avec de 300 à 1200 fois plus d’hommes de guerre qu’il n’y avait d’hommes parmi les Hébreux- pour poursuivre le Peuple et le ramener en Égypte. Les Hébreux avançaient, protégés et guidés le jour par une nuée et la nuit par une colonne de feu. Les Egyptiens les rejoignirent au 6ème jour. Mais la nuée faisait écran et protégeait les Hébreux des flèches, javelots et autres catapultes que les Égyptiens dirigeaient contre eux pour les soumettre et les contraindre à revenir en Égypte. C’est dans ce climat de marche forcée dans la frayeur et l’angoisse qu’ils parvinrent jusqu’à la mer. Elle s’étendait devant eux. D’un côté c’était le désert et, de l’autre, l’armée de Pharaon. Les Hébreux se trouvaient acculés, comme pris au piège. Sur l’ordre d’Hashem, Moïse étendit son bras sur la mer. Na’hshon ben Aminadav avança dans la mer jusqu’à ce que l’eau lui arrive jusqu’au nez. La mer s’ouvrit tout d’un coup, offrant 12 passages, un pour chacune des 12 tribus. Un vent violent souffla toute la nuit et assécha le fond de la mer. Tous les Beneï Israël purent ainsi traverser à pied sec. Bien d’autres miracles survinrent pour apaiser les Hébreux, les abreuver et les réconforter. Les égyptiens les poursuivaient, empruntant le même chemin que les Hébreux. Mais une fois que ceux-ci étaient parvenus sur la rive, les eaux de la mer se sont soudain rabattues et écroulées sur l’armée de Pharaon qui périt, engloutie dans les flots. Alors les Hébreux se mirent à chanter des louanges à Hashem pour les avoir sauvés. Myriam, la sœur de Moshé -Moïse-, sortit avec des tambourins, suivie des femmes, danser à la gloire d’Hashem. Les corps sans vie des Égyptiens, leurs persécuteurs d’hier, jonchaient la rive. Ils étaient parés de bijoux d’or et de pierres précieuses. Les Hébreux s’en emparèrent. La promesse faite à Abraham 430 ans plus tôt que ses descendants repartiraient avec de grandes richesses se réalisait. Mais le plus grand trésor qu’ils découvrirent fut de comprendre que tout ce qui venait de se dérouler était l’œuvre d’Hashem, en qui ils se sont mis à croire d’une foi complète. Ils perçurent aussi que Moshé Rabbénou et Aharon n’étaient pas mus par des motifs personnels, mais ne faisaient que suivre les directives d’Hashem. À partir de là le Peuple d’Israël pouvait se construire. Il se dirigeait peu après vers le Mont Sinaï pour y recevoir la Torah. 

Lors des deux Sedarim (pluriel de Séder) -ce ne sont que les résidents d’Eretz Israël qui n’en célèbrent qu’un- nous avons tous la Mitzvah de raconter la sortie d’Egypte. Plus nous parvenons à détailler chacun des points -des plus essentiels aux plus communs- et plus nous revivrons, ressentirons et nous identifierons à ce qu’ont vécu nos ancêtres. Depuis les préliminaires de la descente en Égypte, l’esclavage, les tourments, les 10 plaies qui n’ont affecté que les Égyptiens et non les Hébreux, jusqu’à la sortie d’Égypte proprement dite. Le récit se construit de façon à toucher tous les participants au Séder. Au chef de famille de prendre en compte le degré de connaissance et de compréhension de son auditoire. C’est le moment de transmission par excellence. Il y a des enfants qui savent et réfléchissent. D’autres ont besoin d’être aidés. Tous apprécient d’être valorisés. D’ailleurs tout doit être fait pour les captiver le plus possible et les garder éveillés pour qu’ils profitent de ce temps si privilégié, et cela, autant que faire se peut. Nous avons par exemple l’habitude de cacher l’Afikomane -le plus grand morceau de la 2ème Matza- pour que le moment venu les enfants se mettent à le chercher. Celui qui le trouvera aura alors le droit de demander un cadeau en échange. Or ce morceau de Matza doit être consommé à la fin du repas du Séder. Il est donc tout à fait nécessaire ! D’où la « position de force » de celui qui l’aura trouvé pour demander un cadeau de choix en échange…  

Quelques mots sur le Séder qui se déroule en suivant la Haggada – le rituel de la lecture du récit le soir du Séder.  

Le plateau du Séder est constitué de :

. 3 Matzoth, chacune représentant respectivement le Kohen, le Lévi, et enfin Israël.

. le Zroa, une côte d’agneau ou une aile de poulet, représente le Korban Pessa’h, l’agneau pascal. Zroa = bras, rappelle le bras étendu de D.ieu qui nous a délivrés.

. Karpass, légume (pomme de terre, radis, céleris…) pour nous acquitter de la bénédiction sur les produits de la terre, incluant le Maror, et aussi pour intriguer les enfants.

. Maror, des herbes amères, laitue ou raifort, évoquant l’amertume et la dureté de l’esclavage. On le trempera dans le ‘Harosseth, mais on le secouera ensuite.

. ‘Harosseth, dont la consistance évoque le mortier et rappelle les briques que les Hébreux devaient fabriquer durant l’esclavage, c’est une pâte faite d’amandes, de figues, de grenades, de pommes, de vin rouge…

. ‘Hazérèth, herbe amère, ou coupe d’eau salée, représentant les larmes de souffrance versées par les Hébreux durant l’esclavage.

. Beitza, l’œuf dur grillé, qui rappelle le Korban ‘Haguiga -offrande des jours de fêtes- de même que le deuil du Temple de Jérusalem. 

Les 4 coupes de vin -ou jus de raisin, ou encore un mélange des deux pour ceux qui ne supporteraient pas le vin pur- sont bues durant le Séder. Chaque coupe doit contenir au moins 8,6 cl. Il faut boire au-moins la majorité de chaque coupe en étant accoudé sur le côté gauche, en signe de libération. La 1ère coupe sera bue lors du Kiddoush, la 2ème sera bue après le récit de la sortie d’Égypte, la 3ème après le Birkat Hamazone, prière (actions de grâce) après le repas, et la 4ème après la prière du Hallel – louanges à Hashem.  

Chronologique du Séder et quelques précisions rapides :

Kaddesh = Kiddoush, sanctification sur le vin.

Netilath Yadayim = ablution des mains.

Karpass, en consommer moins de 30 gr. en le trempant dans l’eau salée après avoir fait la bénédiction sur le fruit de la terre. Tous les convives font de même.

Ya’hats = partage. On prend la Matza du milieu que l’on partage en deux, dont une plus grande que l’autre. La plus grande est appelée Afikomane et sera cachée par le chef du foyer.

Maguid = on enlève l’os et l’œuf, on découvre les Matzoth et on soulève le plat des 3 Matzoth en disant « Voici le pain de misère que nos Pères ont mangé en Égypte. Quiconque a faim, vienne et mange ! Quiconque est dans le besoin, vienne et célèbre Pessa’h avec nous ! Cette année nous sommes ici, que l’an prochain nous soyons en Eretz Israël, cette année nous sommes esclaves, que l’an prochain nous soyons des hommes libres ».

Puis vient le célèbre MaNishtana = le questionnement sur ce qui différencie ce soir-ci des autres soirs, qui est généralement dit par le plus jeune enfant de la famille en mesure de le réciter.

La suite de la Haggada porte sur :

. le récit de l’esclavage en Égypte,

. l’enseignement de nos Maîtres de la Guemara.

. les 4 types d’enfants : le Sage, le Méchant, le Naïf et celui qui ne Sait pas questionner, et comment il convient de leur parler, leur répondre, ou susciter leur intérêt. C’est aussi une très grande leçon de pédagogie.

. le récit de l’esclavage

. les 10 plaies et comment s’en rappeler.

. les opinions de Rabbi Yossi HaGuelili, Rabbi Eliézer et Rabbi Akiva

. les 15 degrés d’hommage à Hashem.

. l’évocation de la célébration de Pessa’h, de la Matza et du Maror, ces trois termes qui doivent absolument être explicités à Pessa’h.

. les louanges à Hashem,

. puis la bénédiction sur le vin -ou jus de raisin- de la 2ème coupe, dont il faut boire plus de la majorité de la coupe -qui doit contenir au-moins 8,6 cl.- en étant accoudé sur le côté gauche.

. puis Ra’hats = Netilath Yadayim = ablution des mains.

. puis Motsi-Matza le chef de famille prend les 3 Matzoth, il bénit Hamotsi, puis repose la Matza du dessous et mange 30 gr. des 2 premières -après les avoir trempé dans le sel- en s’accoudant sur le côté gauche. Tous les convives font de même.

. puis le Maror, au moins 30 gr, qu’il trempe à peine dans le ‘Harosseth, le secoue et le mange sans s’accouder. Tous les convives font de même.

. puis Korekh, deux morceaux d’au-moins 30 gr de la Matza du dessous restée entière insèrent du Maror en sandwich, le tout est mangé en étant accoudé sur le côté gauche en signe de liberté, en souvenir du Temple, à l’instar de Hillel. Tous les convives font de même.

. puis l’on mange le repas.

. puis l’on mange l’Afikomane avant ‘Hatsoth, le milieu de la nuit (à Paris à 01h53).

. puis le Bikath Hamazone, la prière de remerciement à la fin du repas.

. puis on boit la 3ème coupe en étant accoudé sur le côté gauche.

. puis on ouvre la porte d’entrée et on appelle au courroux d’Hashem envers ceux qui Le blasphèment. La porte n’est pas refermée à clé, car cette nuit nous sommes tous sous Sa protection, comme ce fut le cas la nuit du Séder en Égypte. L’encadrement des portes des maisons juives avait été badigeonné du sang de l’agneau pascal…

. puis récitation du Hallel en entier, les louanges à Hashem, puis la prière de Nishmath Kol ‘Haï et encore d’autres chants de louanges, jusqu’à la proclamation « l’an prochain à Jérusalem » reprise en chœur.

. puis la bénédiction précédant la consommation du vin de la 4ème coupe, puis la bénédiction finale sur le vin.

. puis le 2ème soir, pour le 2ème Séder, on ajoutera ici la prière du décompte du ‘Omer.

. puis on terminera par les chants « E’had MiYodéa – Un qui connaît ? » et « ‘Had Gadiya – Un agneau que mon père avait acheté… ».

. Certains ajoutent encore la lecture de Shir HaSirim, le Cantique des Cantiques.

Il faut tout de même aller dormir pour se lever pour la prière de Sha’harith de Pessa’h… 

Un tel programme exige que tous aillent faire une sérieuse sieste l’après-midi, veille du Séder, pour éviter de sommeiller à table. C’est une mesure salutaire qui ne devrait souffrir aucune dérogation. Le Séder est un moment historique qui nous ressource, nous relie à notre héritage, et il ne faudrait surtout pas le gâcher.  

La nuit précédant celle du Séder, chaque foyer procède à la Bdikath ‘Hamets, à l’inspection de toute la maison à l’aide d’une bougie pour s’assurer qu’il ne reste aucun morceaux de pain ou autres produits à base des 5 céréales : blé, orge, avoine, seigle, épeautre, ayant fermenté. On dira alors la prière d’annulation du ‘Hamets qui serait resté involontairement en notre possession. Les morceaux trouvés seront réunis pour être brûlés le lendemain matin (avant 12h30 à Paris) avec les restes du petit déjeuner. On renouvelle et l’on complète alors la prière d’annulation du ‘Hamets qui serait resté en notre possession et que l’on n’a pas vu. Celui que l’on ne désire pas faire disparaître doit être vendu à un Goye par l’intermédiaire du Rabbin. Ainsi, le ‘Hametz vendu ne nous appartiendra pas durant Pessa’h et l’on pourra en recouvrer la propriété après Pessa’h mais seulement lorsque le Rabbin l’aura racheté du Goye. L’heure limite de consommation de ‘Hametz est 11h08 à Paris.  

Le 1er jour de Pessa’h commence la nuit du 10 avril (à Paris à 20h16) jusqu’au lendemain 11 avril (à Paris à 21h27). Le 2ème soir de Pessa’h commence en même temps que finit le 1er soir, et il dure jusqu’au lendemain 12 avril à 21h28. Le 7ème jour commence le dimanche soir 16 avril (à 20h25 à Paris) et dure jusqu’au lendemain 17 avril (à 21h37 à Paris). Commence alors le 8ème  jour jusqu’au lendemain 18 avril (à 21h39 à Paris). Avant cette heure-là il ne sera pas permis de consommer du ‘Hamets. Il est aussi hautement conseillé de ranger auparavant toute la vaisselle de Pessa’h pour qu’elle demeure Kasher pour Pessa’h l’an prochain.

Le sujet a été à peine effleuré et survolé. De très nombreux points n’ont pu être abordés ici, tels que la Kashérisation de la vaisselle, de la cuisine et des appareils de cuisson, la Matza Shmoura – qui fait l’objet d’une surveillance particulière et sa raison d’être, ‘Hol Hamoed – les demi-fêtes, les Kitniyoth – légumineuses, telles que fève, maïs, haricot, qui sont permis aux Sefaradim et interdits aux Ashkenazim, la signification spirituelle du ‘Hamets, le ‘Hamets trouvé durant Pessa’h, etc… Il est des situations peut-être plus complexes où l’on est tenu de s’adresser à son Rabbin. Il saura dire ce que la Torah et nos Sages enseignent. 

Surtout que personne ne soit gêné de l’interroger. « Ein HaBayyshane Lomed – ce n’est pas le timide, celui qui a honte, qui peut apprendre ». Et plus on apprend, plus on intègre notre héritage, plus on prend conscience du trésor infini et incomparable qu’est la Torah. Chemin faisant, on perçoit ô combien Hashem aime son Peuple pour nous l’avoir donnée. 

Il nous reste à vous souhaiter un ‘Hag Pessa’h Kasher VeSaméa’h ! Une fête de Pessa’h Kasher et joyeuse ! Oui, une grande élévation spirituelle et beaucoup de joie !