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Parasha – 216 – Ekèv – 5785

בס »ד
La Paracha Ekev qui est la troisième Paracha du Sefer Devarim, continue le « discours » de Moché Rabénou aux Bené Israël avant qu’il les quitte au seuil de leur entrée en Erets Israël. Tout ce long « discours » a pour but de préparer le Peuple Juif aux épreuves de l’Histoire, collective et individuelle, au fil des siècles.
L’enjeu fondamental est le même que celui qu’a affronté Adam Harichone dès le début de la Création. Hachem a créé le Monde pour l’Homme, et l’Homme pour qu’il vive pleinement son lien avec son Créateur.
Dans le premier paragraphe du Chema situé dans la Paracha précédente, Vaèt’hanan, se trouve le fondement de notre approche de la vie : « Ecoute Israël, Hachem notre Dieu, Hachem est Un ! » (Devarim 6, 4-9).
Dans cette déclaration que nous répétons matin et soir, nous proclamons qu’il n’y a dans notre existence qu’une unique « valorisation », la reconnaissance de l’Unicité absolue de Hachem.
Le verset suivant développe cette notion « abstraite » : « Tu aimeras Hachem ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tous tes moyens » (6, 5).
Le passage de la première personne du pluriel « notre Dieu » à la seconde personne du singulier « ton Dieu » constitue l’application individuelle de cette notion de base au vécu quotidien.
Mais que signifie effectivement cette déclaration solennelle ?!
Au-delà des mots, comment doit se concrétiser cet engagement dans notre existence ? Que veut dire « aimer » Hachem ? Est-ce juste comme on « aime la glace au chocolat » ?!
Le second paragraphe du Chema qui figure dans la Paracha de cette semaine (11, 13-21), Ekev, précise les « limites » d’application de ce principe. Après avoir dépeint les « avantages » qui découlent de la fidélité à Hachem (13-15), essentiellement la prospérité qui mène au confort d’existence, la Torah nous met en garde contre les risques de « dérive » : « Gardez-vous de peur que votre cœur ne se séduise, et que vous ne déviez, et que vous ne serviez des divinités étrangères, et que vous vous prosterniez à elles ! ».
Cette mise en garde semble tomber comme « le tonnerre dans un ciel bleu ».
Brusquement, nous tombons des sommets de la grandeur aux abîmes de l’abandon du lien à Hachem. Comment une telle situation est-elle possible, et quel aspect revêt un tel « virage » ?!
Le Midrach (Sifri sur ce verset) dit : « Faites attention que le Yetser Hara (Penchant du Mal) ne vous séduise, et que vous ne vous écartiez de la Torah. Car dès lors que l’homme s’écarte de la Torah il va et s’attache à l’idolâtrie ».
Cette même idée apparait dans la Paracha Nitsavim, où Moché Rabénou met en garde les Bené Israël relativement à l’idolâtrie (Devarim 29, 15-28). Là-bas également le verset dit : « … de peur qu’il n’y ait en vous une racine qui fera pousser des herbes amères … » (29, 17).
Le Ramban explique là-bas qu’il s’agit d’individus qui porteraient en eux un germe imperceptible de manque d’attachement intégral à Hachem. Il n’est pas encore question d’idolâtrie réellement, mais un petit écart infime est déjà la source d’un éloignement plus significatif au fil des générations.
Nous voyons ici une notion encore plus « exigeante » : la chaine des générations représente une unité où les élans d’une génération se développent dans la suite …
Rav Nathan Tsvi Finkel, le Saba MiSlobodka, souligne la force d’une déviation si imperceptible soit-elle (Or Hatsafoun, I, p.91). La Faute d’Adam Harichone, que l’imagerie populaire ravale à un niveau trivial et grotesque, n’était en fait qu’une trace infime d’individualité face à Hachem, que même les Mal’akhim (les « Anges ») n’ont pas pu déceler.
Et après quelques générations, cette fragilité a abouti à la Tour de Bavel que le verset définit par : « La tour qu’ont construite les fils de Adam … » (Beréchit 11, 5) et le Midrach relie (Beréchit Rabah 38, 9) leur faute à celle d’Adam Harichone.
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, III, p.158) explique que dans l’expression : « Hachem E’had » (Hachem est Un), le mot « E’had » est relié au mot « A’h » – frère, et au verbe « I’ha », rattacher.
Dans l’amour qui lie la Création à son Créateur, il n’y a pas place à la divergence. C’est le « secret » de la véritable unité fondamentale. L’existence du « Mal » n’est qu’une apparence, car il n’y a pas de « contre-pouvoir » en réalité. Tel est le sens du Chema : proclamer cette unité dans l’amour !
Rabbi Yerou’ham explique ainsi que la « séduction » du Yetser Hara mentionnée dans le verset est le premier pas dans la rupture de l’unité complète avec Hachem, et de là découlera l’enchainement vertigineux vers l’idolâtrie. Le Yetser Hara est, comme nos ‘Hakhamim le disent, la « divinité étrangère » qui réside à l’intérieur de nous.
Dans un autre texte (Daat ‘Hokhma OuMoussar, II, p. 268) Rabbi Yerou’ham souligne que la « pluralité » n’existe pas. La dualité apparente du Monde, partagé entre le Bien et le Mal, est un secret de la Création. Hachem a voulu créer cette illusion pour nous donner la possibilité d’avoir le mérite de nous tourner vers Lui par notre choix positif. Mais plus que cela, il n’y a pas. Rabbi Yerou’ham conclut donc qu’il n’y a pas de position « neutre » : soit on se soumet à Hachem, soit aux appétits. Mais il n’y a pas de possibilité intermédiaire, et chaque choix est tourné vers l’une ou l’autre des deux directions !
Rav Chlomo Wolbé (HaMitsvot Hachekoulot, Chapitre II) développe le dossier de l’idolâtrie. Il explique l’erreur initiale que décrit le Rambam au début des lois concernant l’idolâtrie. Les premiers « idolâtres » pensaient honorer Hachem en honorant les Créatures supérieures qui président au fonctionnement du Monde. Rav Wolbé explique cette erreur. Dans son chemin vers Hachem, l’Homme est susceptible de « s’arrêter en chemin » et de valoriser des éléments de la Création. L’homme se forge ainsi son « échelle de valeurs » jusqu’au sommet qu’il se donne en cela.
Chacun a sa « valeur suprême » à laquelle il « sacrifie » : chez un, ce sera l’argent, chez un autre, les honneurs, un autre les plaisirs physiques, un autre encore le sport, ou les collections de timbres … Pour ceux qui cherchent des objectifs d’ordre moral, la justice, l’amour de la patrie …
Notre Monde est le monde des « valeurs », sur lequel nous disons dans la Tefila de Chabat ; « Il n’y a pas comme Ta Valeur, Hachem Elokénou ». La « Valeur » supérieure dans ce monde est Hachem.
Rav Wolbé précise qu’il ne s’agit pas d’une valorisation « réfléchie » mais de ce que l’homme met au sommet de ses aspirations. Le même homme qui court après l’argent ou le Cavod (l’honneur) peut par ailleurs respecter avec précision les détails des Mitsvot et croire en les 13 principes fondamentaux de la Emouna.
Rav Wolbé cite le ‘Hovot Halevavot qui définit un tel homme comme idolâtre par association, il émane de lui une odeur d’hérésie ; car il y a pour lui deux pouvoirs : Le Créateur et l’argent ou l’honneur. Servir deux pouvoirs est une hérésie ! L’attirance vers ses appétits asservit l’homme jusqu’à en être l’esclave. Ces définitions élargissent considérablement le champ de l’idolâtrie. Le fait de placer un élément quelconque dans l’échelle des valeurs aux côtés de la Torah en fait une idolâtrie. (« Torah et … », comme divers courants se sont plu à se définir, comme par exemple à une autre génération en France : « Science et Torah », ou « Torah et Nation » etc. … la liste serait longue …). Rav Wolbé souligne que le « Yetser Hara » (l’aspiration à diverses activités) est en lui-même « bon », car destiné à amener l’Homme à entretenir le Monde. Le côté négatif se situe dans sa valorisation. (Manger est une action positive, vitale ; en faire une « valeur en soi » est un début d’idolâtrie …)
Rav Wolbé va jusqu’à remarquer que l’accomplissement des Mitsvot lui-même peut devenir une idolâtrie lorsqu’il est tourné vers le regard des autres ! Dans ce cas l’action est une Mitsva de Hachem, et la Cavanna (l’intention) est idolâtre … Ainsi si on n’y fait pas attention le Monde entier peut devenir pour nous une grande Avoda Zara (Idolâtrie). Dans l’échelle des valeurs le Monde et ses satisfactions est venu remplacer Hachem, Qui Se trouve relégué à un des niveaux inférieurs de l’échelle …
Dans Alé Chour (II, p.366) Rav Wolbé affine l’analyse en considérant les diverses choses qui peuvent séduire l’homme. Tout ce qui est beau, toute valorisation que l’homme peut recevoir du Monde peuvent se transformer en autant d’idolâtries. Il cite les versets dans la Paracha Nitsavim qui mettent en garde contre les mœurs des peuples que les Bené Israël ont côtoyés (Devarim 29, 15-17). La Torah décrit ces comportements comme repoussants, et avertit néanmoins contre le fait d’y adhérer. Comment comprendre un attrait quelconque pour ces mœurs.
Rav Wolbé explique que les nations regardaient les Bené Israël comme « attardés » s’ils ne suivaient pas les pratiques « à la mode » ! Et Rav Wolbé souligne qu’il n’y a rien de plus insupportable que d’être défini comme « pas à la mode ». L’Homme courra après les actions les plus méprisables pour être reconnu comme « au goût du jour ». C’est contre un tel comportement que la Torah nous met en garde, après avoir défini les paramètres de la vie gratifiante auprès de Hachem.
Pour Illustrer ce dernier paragraphe, citons un épisode où un des Grands des générations passées se trouvait en compagnie d’un Juif « moderne » dans un train. En découvrant l’identité du Rav, l’homme exprima son étonnement en disant « J’avais entendu sur vous que vous êtes un Rav « moderne », mais je vois (selon sa tenue vestimentaire …) que vous êtes archaïque comme les autres ! A quoi le Rav répondit « vous vous trompez ! c’est vous qui êtes archaïque ! » Et devant l’étonnement de l’homme le Rav lui dit : « Dans la Haggadah de Pessa’h, nous disons : « au début nos ancêtres étaient idolâtres, Térah le père d’Avraham et le père de Na’hor ; et maintenant Hachem nous a approchés de Son Service ». Le Rav conclut : « Ainsi, vous qui vivez dans le refus de la Torah êtes encore dans l’archaïsme, et nous, nous sommes dans la modernité du lien avec Hachem !« .
Lorsque nous lisons matin et soir dans le Chema, le verset : « Gardez-vous de peur que votre cœur ne se séduise … », ne nous contentons pas de rire des idoles anciennes, mais pensons à tous ces pièges qui nous visent à nous éloigner de Hachem.

