Parasha – 213 – Matot – Massé – 5785

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La Paracha Matot décrit en détail la guerre décrétée par Hachem contre le peuple de Midyan (Bamidbar 31, 1-54). Hachem déclare cette guerre comme la « Vengeance des Bené Israël », suite à l’agression spirituelle commise par cette nation contre les Bené Israël. Cette agression consistait à envoyer les femmes midyanites solliciter les Bené Israël pour les attirer au culte de l’idolâtrie de Peor (31, 16).

Cette campagne diffère fondamentalement de toutes les guerres que le Peuple d’Israël a menées au fil de son histoire :

– Elle est décrétée expressément par Hachem, Qui ordonne à Moché d’accomplir cette démarche avant de quitter ce monde. 

– Moché définit cette guerre comme la « Vengeance de Hachem », alors que Hachem l’a définie comme la « Vengeance des Bené Israël ».

– Les conscrits sont au nombre de mille par Chévet (Tribu), soit un total de 12.000 « soldats ». Toutefois nos ‘Hakhamim (Bamidbar Rabah 22, 3) déduisent de la répétition des termes « mille par Chévet » qu’il y avait au total 2000 ou 3000 par Chévet. 1000 « soldats », plus 1000 « arrières », et encore 1000 pour se consacrer à la Tefila pour la protection des « soldats ».

– Les « soldats » devaient être « Anachim » ce qui, dans le langage de la Torah, désigne des Tsadikim. Pour quelle raison cette nécessité est-elle soulignée ici particulièrement ?!

De plus, le Midrach (Chir HaChirim Rabah 4, 3) explique que ces Tsadikim n’ont pas devancé la « Tefila chel roch à celle du chel Yad », c’est-à-dire qu’ils étaient attentifs à respecter l’ordre de la pose des Tefilin pour l’accomplir selon la règle, d’abord sur le bras, puis sur la tête.

Quelle est l’importance particulière de cette règle pour que ce mérite dans l’accomplissement des Mitsvot soit particulièrement souligné, au point de dire que sans cette qualité ils ne seraient pas revenus indemnes ?!

– L’insistance du choix de « Tsadikim » est spécifique à cette guerre et à la guerre contre Amalek (Chemot 17, 9), où Moché Rabénou exprima à Yehochou’a la même exigence ! Quelle est la spécificité de ces conflits ?

– Pourquoi seuls 12.000 hommes ont été envoyés pour combattre un peuple de millions d’hommes, comme en témoigne le nombre des enfants captives qui restèrent après l’exécution des autres (32.000), plus les troupeaux dont le nombre prouve l’importance de la population de Midyan ?!

– Pourquoi la Torah s’étend-elle tellement (31, 25-47) sur la répartition du butin de cette guerre, différemment de toutes les autres circonstances comparables, alors que des Mitsvot ne bénéficient certaines fois que d’un mot ou d’une lettre pour faire allusion à leurs détails ?!

Face à ces questions, et d’autres encore, la réponse tient au fait que l’ennemi n’était pas un simple ennemi matériel qui s’en était pris à notre existence physique ! L’agression se situait au niveau spirituel !

Rabbi Moché Alchikh (Torat Moché, Chemot 31, 1) souligne que celui qui s’en prend à notre existence ne détruit que le corps temporaire, et non la Nechama (âme) qui quitte le corps, soit, mais continue à vivre. Par contre, celui qui nous amène à fauter détruit toute notre personne, physique et spirituelle. C’est pourquoi la Torah ne permet à un Guer (converti) égyptien ou de Edom d’intégrer le Peuple de Hachem qu’à partir de la troisième génération après la conversion, tandis qu’un descendant de Moav (qui se sont associés à Midyan dans l’entreprise de séduction des Bené Israël) ne peut jamais se marier dans le Peuple Juif !

Rav Chalom Noa’h Bérézowski (Netivot Chalom, p.167) explique que la démarche de Balak (Roi de Moav) et Bil’am (le « Prophète ») dans leur agression contre les Bené Israël était apparentée à celle de Lavan, l’oncle et beau-père de Yaacov Avinou, dont la Hagada de Pessa’h dit qu’il « voulait tout déraciner« , c’est-à-dire qu’il cherchait à détourner Yaacov et ses descendants de Hachem !

C’est pourquoi cette guerre n’était pas un simple conflit matériel à régler selon les principes généraux de l’existence, en investissant tous les moyens naturels raisonnables pour affronter le Nissayon (l’épreuve) de rester conscient de ce que seule la Volonté de Hachem amène l’issue favorable. Il était indispensable ici que d’emblée la démarche soit clairement due intégralement à l’Intervention Divine.

Rav Bérézowski s’étonne du terme « Nekama » (Vengeance) alors que la vengeance nous est précisément totalement interdite par la Torah (Vayikra 19, 18). Il répond qu’il ne s’agit pas ici d’une vengeance pour une agression passée, mais comme le dit le verset (25, 18) : « car ils vous agressent » (au présent), une agression permanente qui ne cessera jamais tant que la Création n’aura pas atteint son accomplissement. C’est la lutte de la Touma (impureté) contre la Kedoucha. Midyan était « l’ambassadeur » de cette Touma.

C’est en cela que cette guerre est comparable à celle contre Amalek. Toutes deux sont des attaques contre l’attachement d’Israël à Hachem.

Rav Bérézowski cite le Yessod Vechorech HaAvoda qui explique que l’attachement à Hachem s’exprime par le « Daat » (la « Connaissance »), comme dans le verset (Beréchit 4,1) « et Adam « connut » : qui désigne la relation du couple. Cette connaissance est le lien profond qui, dans la relation entre le Peuple Juif et Hachem, s’exprime par la Emouna et la Kedoucha (« Sainteté »). Ce sont ces deux valeurs que les Midyanites attaquèrent par le biais de « Peor » (l’idolâtrie) et par la mission des femmes Midyanites illustrée par l’exemple de « Kozbi », la Princesse Midyanite qui fit fauter Zimri, le Prince de la Tribu de Chimon (25, 18).

La campagne contre les Midyanites, de même que l’affrontement avec Amalek, devait être axée sur un effort particulier dans ces deux domaines, la Emouna et la Kedoucha.

Dans la bataille contre Amalek, Moché Rabénou était totalement investi dans la Tefila pendant que Yehochou’a, descendant de Yossef qui lutta particulièrement dans le Nissayon de la Kedoucha (face à la sollicitation de la femme de Potifar, Beréchit 39, 7-12), faisait face à Amalek sur le terrain. Ici également, les « soldats » devaient faire face au danger de la confrontation avec la Touma des femmes midyanites, tandis que 12.000 Bené Israël étaient plongés dans l’effort de la Tefila pour les soutenir.

Le Netivot Chalom souligne que le même renforcement de l’opposition à Hachem se manifeste à notre époque « pré-Messianique ». L’attaque se situe au niveau des mêmes deux notions de Emouna et Kedoucha, qui représentent l’épreuve ultime.

La Galout a été décrétée par manque de Daat (Yechaya 5, 13) : « Mon Peuple a été exilé par manque de « Daat », c’est-à-dire par détachement d’avec Hachem. Les fautes qui caractérisaient les Bené Israël et menèrent à la destruction du premier Beth HaMikdach étaient l’idolâtrie, l’immoralité et le meurtre, qui, toutes, rompent le lien avec Hachem. La rupture de l’unité profonde entre les Bené Israël, qui est la condition essentielle du lien avec Hachem causa la destruction du second Beth HaMikdach.

La Gueoula viendra de la réparation de ces faiblesses qui touchent aux deux valeurs de Emouna et Kedoucha.

L’édification du Beth HaMikdach collectif passe par celle du Beth HaMikdach individuel, réalisée par le développement en lui des deux notions de Emouna et Kedoucha.

Rav Bérézowski enchaine (p.171) avec l’analyse de l’importance particulière des Tefilines, et de l’ordre à respecter dans leur pose. La Tefila sur le bras, à côté du cœur, vise les élans et appétits qui attirent l’Homme. La Tefila sur la tête s’adresse aux pensées et conceptions qui s’agitent en lui. L’ordre dicté par la Torah est qu’il faut d’abord maitriser les élans et appétits afin de purifier la « tête » pour qu’elle puisse avoir une « pensée claire ». C’est pourquoi, dans la guerre de Midyan, de tels Tsadikim qui n’avaient pas inversé la démarche étaient nécessaires pour qu’ils soient à même d’affronter Midyan !

C’est pour cette raison qu’un Juif se caractérise par ses Tefilines qui manifestent son attachement indéfectible à Hachem. C’est ce que nous exprimons par le verset : « Et Je te lierai (comme une épouse) à Moi par la Emouna, et tu « connaitras » Hachem », lorsque nous nouons la lanière des Tefiline sur notre main (Hochéa 2, 22).

Le butin de Midyan ne représentait pas une source d’enrichissement supplémentaire pour les Bené israël. Comme tous les moyens matériels, il constituait un « capital » de « travail » dans la Avoda (Service) de Hachem. Le butin de Amalek doit être intégralement détruit pour accomplir la démarche appropriée face à sa « nuisance ». Le butin de Midyan, par contre devait être réparti avec précision entre les « soldats » et le reste du Peuple, et des prélèvements destinés au Cohen et aux Leviim, afin d’atteindre pleinement l’objectif de cette « Vengeance ».

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (31, 2) que la « Nekama » (« Vengeance ») est liée au verbe « koum » (se dresser). Il ne s’agit pas véritablement de vengeance dans le sens que ce terme revêt en français. Il s’agit plutôt de « redresser », c’est-à-dire « rétablir » la situation de la « justice » ou de la personne lésée.

Notre Paracha nous trace ainsi la voie, individuellement et collectivement, de l’affrontement aux Nissyonot (épreuves) qui se dressent sur le Chemin de la Gueoula individuelle et collective !