Parasha – 210 – ‘Houkat – 5785

בס »ד

La Paracha ‘Houkat débute avec la Mitsva de la Para Adouma (la Vache rousse) dont les cendres servent à purifier l’homme et les objets de la Touma (l’impureté) contractée au contact d’un cadavre (Bamidbar 19, 1-22).

La Torah qualifie cette Mitsva du terme  » ‘Houka » (Décret), qui la classe dans la catégorie des Mitsvot dont le sens ne nous est pas communiqué, par opposition aux « Michpatim » (les lois « rationnelles ») qui nous sont accessibles. Sa particularité étonnante s’exprime, entre autres, par le fait qu’elle purifie celui qui est entré en contact avec un cadavre, mais qu’elle cause une impureté à quiconque entre en contact avec ses cendres alors qu’il est lui-même pur …

Rachi introduit cette Paracha par l’enseignement de nos ‘Hakhamim (Guemara Youma, 67b ; Midrach Tan’houma ‘Houkat 7) qui cite cette Mitsva parmi celles pour lesquelles « le « Satan » et les nations nous interpellent du fait de leur absence de raison apparente. C’est pourquoi il est écrit à son sujet  » ‘Houka », c’est un décret de devant Moi, tu n’as pas le droit de la contester ! ».

Cet enseignement semble « sur la défensive », comme pour « s’excuser » du manque d’explication inhérent à cette Mitsva … Comme s’il était évidemment normal que toutes les Mitsvot de la Torah nous soient compréhensibles, et que nous devions nous justifier face à la contestation en déclarant que cette Mitsva (ou ces Mitsvot) échappe(nt) exceptionnellement à notre intellect.

Nos Maitres (dont) le Or Ha’Haïm HaKadoch soulignent que ce n’est pas uniquement cette Mitsva que la Torah qualifie de « ‘Houka », mais du fait qu’elle est introduite par les mots : « Ceci est la « ‘Houka » de la Torah » (19, 2), le verset étend manifestement cette définition à la Torah entière ! Il en ressort que, loin d’être considéré comme un défaut, le caractère « ‘Hok » est la « marque de grandeur » de la Torah

Pourquoi toute la Torah est-elle qualifiée de ‘Houka, alors que tant de Mitsvot sont accessibles à notre compréhension ?

Pourquoi, si déjà une telle précision est justifiée, s’exprime-t-elle précisément dans la Mitsva de la Para Adouma ?

Pourquoi cette Mitsva qui est définie comme particulièrement inaccessible reçoit-elle spécialement une explication : « Para Adouma : Exemple à un fils de servante qui a souillé le palais du Roi. On dit : que sa mère vienne nettoyer l’excrément. Ainsi que vienne la « Para » (Vache) et qu’elle répare la faute du « Eguel » (le Veau d’Or) » ?! (Rachi 19, 22)

D’un côté cette Mitsva est qualifiée de ‘Houka (Décret) pour souligner qu’elle nous échappe, et d’autre part, nos Maitres la rattachent à la faute du Eguel, comme pour lui donner une rationalisation ?! Et de plus en quoi la Para Adouma répare-t-elle particulièrement la faute du Eguel ?!

En quoi consiste la Touma (l’impureté) d’une façon générale, et plus spécialement en ce qui concerne le contact avec un cadavre qui génère la Touma la plus grave, et qui ne peut être purifié qu’à travers un processus de sept jours, en aspergeant la personne devenue « Tamé » d’eau mêlée de cendres de la Para Adouma ?

L’origine de la Touma réside dans la Faute de Adam Harichone qui a amené le décret de la mort sur l’Homme. S’il n’avait pas fauté, Adam Harichone n’était pas destiné à quitter ce Monde. Il était créé pour vivre pendant toute la durée prévue par Hachem pour cette ère … (Beréchit 3, 19)

De même, nos ‘Hakhamim nous enseignent (Guemara Avoda Zara 5a ; Midrach Chir HaChirim Rabah, 8, 3) que, lors de Matane Torah (le Don de la Torah), les Bené Israël avaient atteint le niveau spirituel d’Adam Harichone avant la faute, au point qu’ils avaient été affranchis du Mal’akh HaMavèt (l’Ange de la mort), et qu’ils n’étaient retombés au niveau de mortels qu’après avoir commis la faute du Eguel.

C’est en cela que la Para Adouma vient « réparer » ces deux fautes de Adam Harichone et du Eguel.

Mais en quoi consistent ces deux fautes, et en quoi la Para Adouma vient-elle les « réparer » ?!

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.107) analyse la purification par les cendres de la Para Adouma. Il commence par s’étonner qu’on parle à ce sujet de « réparation des fautes » alors qu’il est question dans les versets uniquement de Touma (Impureté) et Tahara (Pureté) ?!

Il explique que l’objectif de toute la Torah et des Mitsvot est de s’attacher à Hachem (en se référant aux enseignements des disciples du Baal Chem Tov, et en amont, de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato, et de Rabbi Avraham Ibn Ezra), que la Nechama de la Torah est l’attachement à Hachem ! Il cite que c’est l’ »égo » de l’Homme qui fait écran entre le Juif et Hachem. L’égoïsme et l’ »égo » sont en eux-mêmes la plus grande opposition à l’attachement à Hachem, comme nos ‘Hakhamim citent (Guemara Sotah 5a) que Hachem dit concernant l’orgueilleux : « Moi et lui ne pouvons pas résider ensemble ! ». De même ils disent (Sotah 4b) que celui qui s’enorgueillit est comme s’il s’était livré à l’idolâtrie, ou comme s’il niait l’existence de Hachem …

Rav Bérézovski explique ainsi que la combustion de la Para Adouma représente l’annulation de l’ »égo ». C’est ce que Rachi rapporte que la Para Adouma répare la faute du Eguel, car cette faute était issue d’une volonté que le monde soit conduit de façon accessible, même au niveau de la spiritualité. C’est pourquoi Moché Rabénou brûla le Eguel pour éliminer les traces d’une telle démarche.

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, IV, p.172) explique qu’un corps que la Nechama a quitté témoigne de la faute qui a entrainé le décret de la mort. Le simple contact agit sur l’intériorité de l’homme et introduit la Touma (l’impureté dans son cœur). La cendre de la Para Adouma, qui représente l’annulation totale de la faute élève l’homme au-dessus de cette Touma. Par contre celui qui est pur et entre en contact avec les cendres contracte une certaine Touma, car la mention-même de la faute est cause de Touma !

Rav Dessler développe par ailleurs (Mikhtav MeEliahou V, p.224) le rapport entre les ‘Houkim (« Décrets ») dont la compréhension nous est voilée, et les Michpatim (les lois) qui nous sont (partiellement) accessibles. Il explique que le ‘Hok met l’homme à l’épreuve : pour les non-juifs, c’est une source de contestation, comme Rachi le dit, et comme nos ‘Hakhamim nous rapportent que Hachem proposa la Torah aux nations, mais que chacune refusa, après avoir demandé ce qu’elle contient (Yalkout Chimoni 951) ! Pour Israël, qui, eux, possèdent en eux le point profond de Kedoucha, ils acceptent les ‘Houkim sans en connaître le secret, comme lorsqu’ils ont dit lors de Matane Torah :  « Naassé venichma » (« Nous ferons et nous entendrons »), acceptant sans réserve la Parole de Hachem.

Rav ‘Haïm Chmouelewitz (Si’hot Moussar, 4 Tamouz 5731) explique que lorsqu’un homme accomplit une Mitsva dont il connait la raison, cela ne montre pas qu’il est prêt à accomplir la Mitsva de son Créateur. Peut-être n’agit-il que selon sa propre compréhension …

Il ajoute que même pour les Mitsvot dont l’homme doit éprouver un rejet naturel, comme voler et tuer, il doit les respecter essentiellement en tant que Mitsvot de Hachem, et non au titre de ses propres sentiments.

Là était l’erreur initiale de Yitro qui avait exigé de Moché Rabénou que son premier fils soit élevé dans l’esprit de l’idolâtrie. Comment comprendre une telle exigence alors que Yitro lui-même avait tourné le dos à son passé d’idolâtre au prix de sa sécurité et de celle de ses filles …

En réalité, Yitro souhaitait que son petit-fils reproduise son propre cheminement spontané vers la vérité. Son erreur était de ne pas comprendre qu’au contraire, l’essentiel de la Torah réside dans la soumission de l’Homme à Hachem sans réserve, et non selon sa compréhension !

Rabbi Yerou’ham Levovitz développe que nous sommes habitués à ne considérer comme réel que ce que nos sens nous permettent d’appréhender (Daat ‘Hokhma OuMoussar, II, p.94). Tout ce qui échappe à notre perception nous semble irréel ! Le contraire est vrai ! La véritable réalité réside dans ce qui dépasse nos sens, et les contredit.

L’épreuve suprême d’Avraham consista à accepter la Mitsva de la Akéda (le « sacrifice » de Its’hak) sans s’interroger si peu que ce soit sur la contradiction avec la promesse que Hachem lui avait faite : « Car dans Its’hak sera appelée pour toi une descendance » ! Le Nissayon (épreuve) ne résidait pas tant dans l’action que dans le fait de na pas se poser la moindre question !

Rabbi Yerou’ham cite le Ramban qui critique fortement les adeptes d’Aristote qui professait que seul ce qu’il percevait existait … Pour ces gens, seul ce qui est dévoilé existe.

A l’opposé, la situation des Bené Israël dans le désert était totalement incompréhensible, inaccessible … Le moindre déplacement était dicté par Hachem (Bamidbar 9, 17-23). Ce n’est que dans une telle Emouna que réside la grandeur d’Israël ! Là, le Yetser Hara (Penchant du Mal) n’a plus aucune prise … Seul l’homme qui veut tout comprendre, tout maitriser, peut être troublé par le Yetser Hara… Rabbi Yerou’ham ajoute qu’à la période pré-Messianique tout nous échappera, plus rien ne sera déchiffrable, et il ne nous restera qu’à nous en remettre à notre Père Qui est dans les Cieux.

Rav Yaacov Neyman (Darké Moussar, p.196) explique que non seulement l’accomplissement des Mitsvot, y compris les Michpatim (les lois « compréhensibles ») doit être totalement soumis à Hachem, au-delà de l’intellect humain, mais même l’étude des Michpatim n’est possible que dans la Nechama et la Kedoucha d’Israël, car la Torah est intégralement au-dessus de l’intellect de l’Homme. C’est pourquoi le verset dit : « Il enseigne Ses Paroles à Yaacov, Ses ‘Houkim et Ses Michpatim à Israël. Il n’a pas fait ainsi pour chaque peuple, et les Michpatim, ils ne les connaissent pas … » (Tehilim 147, 19-20). La différence dans la compréhension se situe dans le « cœur » qui fait la distinction entre un Juif et un non-juif …

C’est à ce niveau de Emouna totale que la Torah nous appelle, et particulièrement à travers cette Mitsva grandiose qui a pour but de réparer les errances de la faute d’Adam Harichone et de la faute du Eguel !