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Parasha – 208 – Chela’h Lekha – 5785

בס »ד
La Paracha Chela’h Lekha se conclut sur le passage dédié à la Mitsva des Tsitsit, les fils que nous attachons aux quatre coins des vêtements qui en possèdent.
La Torah prescrit cette Mitsva comme suit : « Ils se feront des Tsitsit sur les coins de leurs vêtements … et ce sera pour vous des Tsitsit, et vous les verrez, et vous vous souviendrez de toutes les Mitsvot de Hachem, et vous les accomplirez, et vous « n’explorerez » pas à la suite de votre cœur et à la suite de vos yeux à la suite desquels vous déviez … et vous serez Kedochim (« Saints ») pour votre Dieu. Je suis Hachem votre Dieu Qui vous a fait sortir du Pays d’Egypte, pour être pour vous Elokim (Dieu), Je suis Hachem votre Dieu ! » (Bamidbar 15, 38-41).
Nos ‘Hakhamim expliquent que les termes : Vous « n’explorerez » pas à la suite de votre cœur et à la suite de vos yeux à la suite desquels vous déviez … » comme désignant la « Minout » (le « scepticisme »), les pensées de débauche, et le polythéisme(Guemara Berakhot 12b).
Ces problèmes, au moins le polythéisme, nous semblent tellement lointains, et pas d’actualité. Nous nous considérons comme profondément « croyants » et loin de toute forme de « scepticisme ». Et quant à la débauche, nous serions enclins à n’y voir que des phénomènes « périphériques » à la communauté, et donc « négligeables » … Sans parler de l’idolâtrie qui nous semble une pratique « antique, passée de mode » !
Et si déjà l’un ou l’autre de ces problèmes devaient concerner certains d’entre nous, en quoi les Tsitsit « règleraient-ils » ces problèmes ?!
Cette Mitsva serait-elle « magique » ?! Comment le fait de porter un vêtement garni de fils à ses quatre coins suffirait-il à nous protéger des fautes, d’une part, et à nous rendre diligents dans l’accomplissement des Mitsvot actives, d’autre part ?!
De plus, chacun peut constater dans son quotidien que ses Tsitsit n’ont pas systématiquement cet effet bénéfique …
Et si les Tsitsit – ces fils, ont un pouvoir aussi efficace, pourquoi devraient-ils dépendre d’un vêtement, de forme particulière de surcroit, comportant impérativement quatre coins ?
Rav Chimchon Raphaël Hirsch développe le rôle du vêtement (‘Houmach Beréchit 3, 21 ; Bamidbar 15, 39 ; ‘Horèv Chapitres 4 ; 39). Le rôle du vêtement consiste à établir une distinction entre l’Homme, lié à Hachem et les végétaux et les animaux qui vivent selon leurs besoins naturels.
Sans cette protection octroyée initialement à Adam Harichone par Hachem, l’Homme est à la merci de ses sens qui lui « communiquent » les impressions du Monde sur lesquelles son intellect va « travailler ».
Quant à nous distinguer de l’animal, observons les passantes promenant leur « petit chien » dans les rues, chaudement protégé par son manteau pour comprendre que dans notre environnement, le vêtement ne sert plus du tout à protéger nos yeux et notre pensée, mais au maximum à nous épargner l’agression du climat !
Dans le Monde qui nous entoure, le rôle des vêtements est, à l’opposé du but initial, d’exciter les sens et d’exacerber leur influence sur notre approche de l’existence !
Nous touchons ici au fond de notre incompréhension des Mitsvot en général, et de cette Mitsva précieuse en particulier.
Nous cherchons dans l’accomplissement de la Mitsva un effet magique, approprié à notre époque de « déresponsabilisation » généralisée. Nous voulons vivre en « symbiose » avec le Monde avoisinant, en ajoutant un « zeste » de Mitsva et de Torah, comme les fondateurs de la Haskala (mouvement qui recherchait l’accès à la culture de la société comme « remède » à l’antisémitisme …) voulaient accéder aux « merveilles » du « Monde éclairé » pour s’affranchir de ce qu’ils considéraient comme « l’obscurantisme » de la « religion ». L’attrait culturel de l’époque a laissé la place de nos jours à l’appétit de « réussite » socio-économique, plus prosaïque !
Mais le principe reste le même : céder aux « évidences » que la « réalité » nous impose, face aux « idées » que la Torah nous propose d’intérioriser.
Cette démarche s’appuie sur un regard condescendant sur les « pauvres » générations qui auraient, selon les apparences, baigné dans un aveuglement volontaire ou imposé face aux « évidences » du fonctionnement du Monde et de la société …
Dans ces conditions, nous ne voyons dans les pièges de « Votre cœur et vos yeux » que ce que la « morale » laïque veut bien admettre de condamner, et les dérives des malheureux qui ont totalement rompu avec les Mitsvot, et ne porteront certainement pas des Tsitsit … Dans ces conditions, ceux qui portent des Tsitsit seraient supposés, selon notre regard, ne pas en avoir besoin, et ceux qui en auraient « réellement » besoin seraient trop éloignés des Mitsvot pour s’en préoccuper …
Mais notre regard sur l’existence est totalement faussé par une conception erronée dans ses fondements !
Nous sommes influencés par « nos yeux et notre cœur » qui voient le Monde et ne perçoivent pas Le Créateur !
Voltaire, un philosophe non-juif, a défini son environnement culturel comme suit : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu » !
Cet aveu est la définition exacte du regard païen sur la vie. Confronté à tous les « mécanismes » de la nature, l’Homme projette cette compréhension déformée sur le Monde. Dès lors, toutes ses décisions et actions sont programmées par ces postulats.
C’est là l’erreur première qui mène à tous les écarts, que ce soit dans les conceptions, la « Minout » (le scepticisme), ou dans les actes, les pensées de débauche (« tête de file » de la soumission aux pulsions…).
Rav Chlomo Wolbé analyse la Mitsva des Tsitsit, parmi les Mitsvot « Chekoulot », c’est-à-dire qui « pèsent » comme toutes les autres Mitsvot (HaMitsvot Hachekoulot Chapitre 4). Il cite deux enseignements de nos ‘Hakhamim qui définissent la Mitsva des Tsitsit :
– La Guemara (Mena’hot 43b) définit les Tsitsit comme le sceau de son maître que porte un esclave. Les Tsitsit sont ainsi la marque de notre soumission totale à Hachem.
– Le Midrach (Bamidbar Rabah, 17, 6) définit les Tsitsit comme la corde que le capitaine tend à l’homme qui est tombé à la mer. Tant qu’il tient cette corde, il est sauvé de la noyade …
Rav Wolbé souligne que l’Homme est en permanence « écartelé » entre deux extrêmes opposés, le Monde « visible » d’un côté, et Hachem de l’autre. Il explique que les deux aspects des Tsitsit sont vrais : ils nous sauvent de nous noyer dans les appétits du Monde, et nous attachent solidement à Hachem. Il explique que la « Minout » dont les Tsitsit doivent nous protéger est la conception du « dualisme », qu’il y aurait deux « pouvoirs » l’un face à l’autre : Hachem et le Monde. Une telle conception fait que l’homme sert deux « Maitres », Hachem et ses propres aspirations matérielles ! En accordant une place distincte aux contingences matérielles, le Monde matériel devient son maître …
C’est pour répondre à cela que le passage des Tsitsit se conclut par le verset : « Je suis Hachem votre Dieu Qui vous a fait sortir du pays d’Egypte, pour être pour vous « Elokim » Je suis Hachem votre Dieu ! » Hachem nous a sortis d’Egypte pour nous affranchir de l’esclavage aux hommes et au Monde matériel qui nous menaient jusqu’à l’idolâtrie. Nous sommes ainsi libérés de toute contrainte extérieure, et liés exclusivement à notre Créateur.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch souligne que diverses Mitsvot nous lient fermement à Hachem : la Mila est un sceau dans notre corps, les Tefillin posés sur notre bras et notre tête attachent nos actes et nos pensées, la Mezouza notre lieu de résidence (Bamidbar 15, 41). Les Tsitsit apportent la Kedoucha (« Sainteté ») à nos vêtements. Comme Rav Hirsch le souligne abondamment, le vêtement est le cadeau que Hachem a octroyé à Adam Harichone après la faute, pour lui signifier la différence entre lui et les êtres simplement naturels, dépendants de leurs pulsions. Le vêtement est « l’interface » entre l’Homme et le Monde, destiné à lui rappeler son indépendance des contingences matérielles, dans son lien exclusif à Hachem.
Rav Hirsch remarque encore qu’à l’instar des autres Mitsvot de « témoignage », qui ont pour but de nous rappeler des principes fondamentaux, comme la Souca qui attire notre regard sur la protection permanente de Hachem comme ce fut le cas dans le désert, les Tsitsit doivent être confectionnés initialement pour la Mitsva. Toutes les Mitsvot de « témoignage » doivent porter le sceau de la Mitsva, et ne peuvent pas atteindre leur objectif « accidentellement ».
Le fait de porter des Tsitsit ou de résider dans la Souca ne suffisent pas à nous rendre conscients de leur message. L’essentiel est dans la valorisation que nous apportons à ces actions, et ce, depuis leur préparation.
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 129) souligne que le « souvenir » n’est pas une simple question de « mémoire ». Il s’agit essentiellement d’une conscience profonde qui tient plus du sentiment intime que d’un savoir intellectuel.
Les Tsitsit sont ainsi un cadeau magnifique que Hachem nous a accordé, destiné particulièrement aux hommes de « réflexion » pour nous protéger d’une existence en mode « automatique », même dans une vie riche en Mitsvot actives !
Chabbath Chalom !

