Parasha – 196 – Vayikra – 5785

בס »ד

La Paracha Vayikra décrit les diverses sortes de Korbanot (Offrandes) individuelles qu’on offre au Beth HaMikdach (Temple).

Ces offrandes comprennent des Korbanot offerts spontanément, la Ola (Holocauste) qui sera intégralement consumée sur le Mizbéa’h (l’Autel) (Vayikra 1, 1-17), et les Chelamim (les Offrandes de Chalom) (3, 1-16) dont une partie sera consumée sur le Mizbéa’h, une autre partie qui sera consommée par les Cohanim, et enfin le reste qui pourra être consommé par celui qui l’a offert, en compagnie de ses invités. S’ajoutent enfin les Mena’hot (Offrandes à base de farine) (2, 1-13).

La seconde catégorie de Korbanot individuels est constituée par les Korbanot obligatoires destinés à réparer une faute :

– Le premier groupe est appelé ‘Hatat (de la racine ‘Haté, échouer). Ce groupe se décompose en quatre cas, tous relatifs à une faute commise par inadvertance relativement à une interdiction majeure qui en cas de transgression délibérée entrainerait la peine de Carèt (« retranchement »), c’est à dire la rupture du lien profond collectif d’Israël avec Hachem. Ces quatre cas sont la faute personnelle du Cohen Gadol suite à une erreur de décision de sa part, une faute commise par la majorité des Juifs à la suite d’une erreur de décision du Sanhédrin qui a conduit à la transgression d’une interdiction passible de Carèt, la faute du Nassi (le Roi), et enfin la faute commise individuellement par un ou des membres du Peuple Juif.

Que ce soit en ce qui concerne le Roi ou un particulier, la faute consiste dans l’action elle-même, tandis que pour les « autorités » suprêmes du Peuple d’Israël, le Cohen Gadol et le Sanhédrin, la faute est liée à leur erreur de décision suivie d’une action non délibérée.

-La suite de la Paracha décrit divers Korbanot appropriés à certaines fautes spécifiques.

Parmi ces fautes figure le passage relatif au Korban « Olé Veyored » (littéralement « qui monte et descend ») (5, 1-13). Ce Korban a la particularité de dépendre des moyens financiers de celui qui en a l’obligation. Le cas général consiste à apporter un Korban constitué d’une brebis ou d’une chèvre, comme pour le Korban ‘Hatat mentionné ci-dessus. Si l’homme se trouve dans une situation financière difficile, il amènera deux jeunes colombes ou deux tourterelles. Et si même cela dépasse ses possibilités, il amènera une simple offrande de farine.

La Michna (Keritot 27b) dit que la situation financière décisive n’est pas le moment où la faute a été commise, mais le moment où on amène le Korban. Cela s’applique soit en diminuant l’importance du Korban si le fauteur s’est appauvri, soit en augmentant s’il s’est « enrichi ».

Considérons encore la liste des fautes concernées par ce Korban particulier :

– La première faute mentionnée (5, 1) est le déni de témoignage. Lorsqu’un plaideur fait appel à des témoins potentiels, et qu’ils se dérobent en niant connaitre les faits, et qu’ils persistent dans leur dénégation alors que le plaideur les adjure de témoigner en sa faveur. Lorsqu’ils reconnaissent ultérieurement leur faute, ils doivent amener ce Korban « Olé Veyored ».

– La seconde faute (5, 2-3) consiste à entrer dans le Beth HaMikdach (Temple) ou à consommer une nourriture Kodech (Sanctifiée) alors qu’on est tamé (impur). La Guemara (Chevouot 14b) déduit des versets que l’obligation du Korban ne s’applique que dans la mesure où l’homme avait connaissance initialement des circonstances (la « qualité » de l’endroit, le Beth HaMikdach, ou du « produit », l’aliment Kodech ; et son état d’impureté), puis a oublié un des facteurs, et a transgressé, puis ultérieurement s’est souvenu de ce qu’il avait oublié et a pris conscience de sa faute.

– La dernière faute est le serment accompagné du Nom de Hachem. Il s’agit soit d’un serment qu’un homme fait au futur, de faire ou de ne pas faire une action définie, puis cet homme ayant oublié qu’il s’était engagé par ce serment, il le transgresse, soit d’un serment sur une action qu’il aurait accomplie dans le passé, et bien qu’il soit conscient de son mensonge, il lui manque la conscience de la gravité d’un tel serment.

La complexité de ces règles appelle explication, tant relativement à la spécificité des fautes concernées, qu’en ce qui concerne la particularité d’un Korban qui dépend de la situation financière de l’homme, et de plus pas au moment de la faute, mais au moment de sa « réparation » par le Korban.

De même, la question plus vaste pourrait se poser en quoi un Korban est-il susceptible de « réparer » une faute.

Le Sefer Ha’Hinoukh (Mitsva 95) rapporte les paroles du Ramban (Vayikra 1, 9) relativement au sens des Korbanot : « car les actions des hommes sont accomplies par la pensée, la parole et l’acte, Hachem a ordonné que lorsqu’il faute et qu’il amène un Korban, il appuie ses mains sur lui pour l’action, et qu’il exprime sa faute pour la parole, et qu’il brûle dans le feu les entrailles et les reins qui sont les outils de la pensée et des appétits etc. … ».

Le Sfat Emet (Vayikra 646) explique que les Bené Israël doivent « témoigner » sur le Créateur (c’est-à-dire établir la réalité de la Création par leurs actes). Or le moindre défaut chez un Juif porte atteinte à cette fonction. Il cite au nom du Or Ha’Haïm que même une faute involontaire cause une atteinte dans l’âme. Tel est le sens du verset : « Une âme lorsqu’elle « fautera » (5, 1) … » le mot « Tèhèta » (elle fautera) signifie un « échec », comme « rater la cible » … « la faute » est un « défaut » de la personne profonde.

Tel est donc le sens des Korbanot, de « réparer » l’intériorité de l’homme qui a été « altérée ».  

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (5, 13) détaille la spécificité des trois fautes que le Korban Olé Veyored répare particulièrement. Il souligne qu’elles ont en commun de porter atteinte à la conscience profonde de l’Homme. Il ne s’agit pas de simples fautes dans l’action comme celles qui sont réparées par le ‘Hatat général (4, 1-35). Bien que là-bas également il y ait à la base de la faute une erreur, ce n’est pas ce que la Torah souligne, mais l’action en rupture avec les lois de la Torah. Dans la seconde faute, l’entrée dans le Beth HaMikdach ou la consommation de produits sanctifiés en état de Touma (impureté), la Torah souligne (5, 3) : « cela lui a échappé, et il a su … ».

Rav Hirsch explique que chacune des fautes concerne un autre domaine de la vie. Le déni de témoignage touche à la vie collective. L’homme qui refuse son témoignage manifeste de l’indifférence à l’intérêt d’autrui. La justice dans la Torah n’est pas une simple affaire de défense mutuelle, mais la conscience de la Présence de Hachem dans tous les détails de l’existence. C’est pourquoi le Korban n’est dû que si le déni a été accompagné d’un serment qui met en évidence l’implication de Hachem. Les fautes liées à l’impureté, suite à un « oubli » soit de l’état d’impureté, soit de la qualité de l’endroit (le Beth HaMikdach !!!) où l’homme tamé entre indûment, ou de l’aliment sacré qu’il consomme, touchent à la « liberté » morale.

L’Homme n’est véritablement libre qu’à l’intérieur des règles de la Torah. Sans ces guides, il est asservi à ses pulsions. La faute du serment mensonger (au passé) ou par transgression (au futur) touche au domaine de « l’esprit », la pensée et la volonté.

Rav Hirsch développe que toutes ces fautes concernent la perception par l’Homme de la vérité des faits, sociaux, moraux ou liés directement à sa pensée et à sa volonté. La nécessité de la conscience de ces vérités n’est pas issue d’un calcul d’intérêt individuel ou collectif. C’est Hachem qui exprime cette exigence à l’Homme. Chaque Juif a cette obligation face à la société, au Beth HaMikdach, et à lui-même dans sa relation à Hachem. C’est ce qui fait d’une personne un homme juif !

Le Korban ramène l’homme à cette conscience de la dimension Divine de la préoccupation pour le bien de l’autre qui atteint son sommet dans le témoignage qui permettra à autrui de faire valoir ses droits.

Pareillement, le Korban offert pour réparer un manque de conscience des valeurs du Beth HaMikdach et des aliments sacrés ramènera à la conscience de l’influence du Mikdach sur tous les domaines de l’activité humaine, pour y établir les principes de la véritable liberté morale.

Enfin, le Korban amené pour réparer son serment mensonger ramène l’homme à la conscience que chacune de ses pensées et de ses désirs sont présents face à Hachem.

Ainsi le Korban Olé Veyored rétablit chez l’homme la vraie conscience du réel.

Rav Eliachiv (Divré Aggada p.200) souligne l’incongruité de « l’oubli » du Beth HaMikdach !

Comment un homme peut-il en arriver à ne pas percevoir la Kedoucha de l’endroit ?!

Il répond que c’est le résultat de la banalisation.

L’homme en est arrivé à se comporter dans le Beth HaMikdach (Temple) comme s’il était dans sa maison. (Et Rav Eliachiv ajoute qu’il en est de même à notre époque, au Beth HaMidrach (la Maison d’étude de la Torah…)

Il compare cette banalisation de la Kedoucha à La Guemara (Sanhédrin 52b) qui montre la dégradation de l’image du Talmid ‘Hakham aux yeux de l’ignorant au fur et à mesure de sa familiarité avec lui. Ainsi en est-il, dit Rav Eliachiv, de toute notion de Kedoucha.

Si on ne fait pas des efforts constants de « réactualisation » de nos sentiments, « l’érosion » est inévitable.

Comme nous l’avons souligné plus haut, la Guemara (Keritot 27b) situe au moment de la réparation par le Korban le moment décisif pour la détermination du niveau financier de celui qui a commis la faute. Il n’est manifestement pas question ici « d’expier » une faute commise, comme on pourrait facilement le penser, car alors le moment décisif devrait être le moment de la faute. Il s’agit de rétablir la réalité intérieure chez l’homme, et c’est donc au moment de la réparation que se définit son besoin particulier. Chaque niveau dans ce Korban correspond précisément au « défaut » de conscience relatif à la situation générale de l’homme.

La Torah nous montre le chemin de la pleine conscience de l’existence instant par instant !