Parasha – 192 – Tetsavé 5785

בס »ד

Au début de la Paracha (Chemot 27, 20-21), Hachem dit à Moché Rabénou : « Et toi, tu ordonneras aux Bené Israël qu’ils prennent vers toi de l’huile d’olive pure, concassée pour la lumière, pour élever une lampe permanente. Dans la Tente de Rendez-vous (Le Michkan- Tabernacle) à l’extérieur du Parokhèt (le Rideau) qui isole les Lou’hot (les Tables des Dix Commandements), Aharon et ses fils, l’arrangera du soir au matin devant Hachem, un décret éternel pour leurs générations, des Bené Israël ».

L’essentiel de la Paracha Tetsavé (Chemot 28, 1-43) est consacré aux vêtements des Cohanim pour le Service Divin qu’ils accompliront dans le Michkan (Tabernacle), et plus tard dans le Beth HaMikdach (Temple) à Yerouchalaïm.

Puis vient la Mitsva du processus « d’inauguration » du Michkan (Chemot 29, 1-37), suivie de la Mitsva du Korban Tamid (l’Offrande quotidienne) qui marque le lien permanent avec Hachem (29, 43-46).

La conclusion de la Paracha est dédiée au Mizbéa’h HaKetorèt (l’Autel des encens), complétant ainsi la description des éléments intérieurs du Michkan.

La place des deux passages dédiés à l’huile pour la Menora (Candélabre) et au Mizbéa’h HaKetorèt soulève des interrogations ?!

De plus les versets relatifs à l’huile sont particulièrement surprenants !

– Le Keli Yakar cite nos Commentateurs qui remarquent que la place de cette Mitsva se situenormalement après la confection du Michkan et la mise en place de la Menora ?!

– De plus la Menora comporte plusieurs lampes. Or le verset mentionne « la » lampe au singulier ?!

– L’insistance sur la position de la Menora :  » Dans la Tente de Rendez-vous (Le Michkan- Tabernacle) à l’extérieur du Parokhèt … » semble superflue ?!

Le Ramban explique que les Bené Israël devaient apporter l’huile à Moché Rabénou lui-même pour qu’il s’assure qu’elle est bien conforme à la norme prescrite par Hachem.

Dans son Séfer Toldot Yaacov Yossef, le Rav de Polnaa, Talmid du Baal Chem Tov, pose la même question qu’il a soulevée dans la Paracha précédente relativement à la construction du Michkan ou du Beth HaMikdach : les Mitsvot de la Torah sont éternelles ! Comment se concrétise à notre époque la Mitsva d’allumer les lumières de la Menora, alors qu’il n’y a pas de Beth HaMikdach où les Lumières de la Menora pourraient briller ?! Il demande encore que signifie : « ils prendront » plutôt qu’ils « donneront » ?!

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom p.212) explique que le mot « tamid » – « permanente » – pour toujours, signifie une notion éternelle. Il relie cette notion au Midrach (Bamidbar Raba, 15, 5) qui dit que Hachem a réconforté Aharon de ce qu’il était absent parmi les Nessiim (les Princes des Tribus) dans les Korbanot (Offrandes) d’inauguration du Michkan en lui annonçant que sa part serait plus importante que la leur car les Lumières de la Menora éclaireront éternellement, à la différence des Korbanot qui sont tributaires de l’existence du Beth HaMikdach.

Les Commentateurs, dont le Ramban, s’étonnent que l’allumage de la Menora a également pris fin avec la destruction du Beth HaMikdach ?!

Rav Bérézovski répond en citant le Midrach (Tan’houma, Behaalotekha, 6) qui cite la Menora parmi les ustensiles du Beth Hamikdach qui ont été enfouis avant sa destruction. Il explique que la Menora représente, comme les autres éléments qui ont échappé aux ennemis, une dimension au-dessus de la Nature. La différence avec les autres ustensiles du Michkan tient au fait que la Menora a été intégralement réalisée par Hachem, sans aucune intervention humaine (Rachi, Chemot 25, 31).

Rav Bérézovski explique que c’est du fait que la Menora porte une dimension supplémentaire de « Lumière Divine » qui est le prolongement de la « Lumière » Divine de la Création. Cette lumière est éternelle, et la destruction n’a pas prise sur elle. Il explique encore (p. 219) que la « Lumière » de la Menora apporte aux Bené Israël la « Connaissance » de Hachem. C’est pourquoi la Menora est particulièrement reliée à Moché Rabénou qui a atteint le niveau le plus élevé de perception prophétique : « Et il ne s’est pas élevé un prophète encore comme Moché, auquel Hachem S’est révélé « face à face » (Devarim 34, 10) …

Le Haamek Davar (27, 20) souligne que l’essentiel des versets de la Torah à propos de l’huile de la Menora du Beth Hamikdach ne devrait pas être au milieu des versets relatifs à la réalisation du Michkan, mais après le passage relatif à la Menora.

Le Haamek Davar cite les paroles du Ramban qui dit que les Bené Israël devaient apporter l’huile à Moché Rabénou lui-même pour qu’il s’assure qu’elle est bien conforme à la norme prescrite par Hachem. Il s’étonne sur cette exigence : Moché Rabénou serait-il seul compétent pour une telle « certification » ?! et qu’en sera-t-il des générations ultérieures ?!

Il répond en citant le Midrach (Vayikra Raba 31, 4) qui développe que la lumière de la Torah, qui est le but du Michkan, et l’essentiel de la Présence de Hachem au sein d’Israël arrive par l’intermédiaire des deux objets Kodech, le Aron (qui contient les Lou’hot), et la Menora.

Le Aron représente l’influx de la Torah écrite et des ordres de Hachem transmis oralement. Les enseignements déduits par l’analyse de la Torah ont leur source dans la Menora. La première dimension est directement celle de Moché Rabénou. La seconde, qui caractérise Aharon, a également été accordée initialement à Moché Rabénou. C’est pourquoi le passage relatif à l’huile de la Menora précède le passage concernant les vêtements par lesquels Aharon et ses fils accèdent à leur dimension de Cohanim, pour souligner que leur grandeur est en réalité issue de la dimension profonde de Moché Rabénou.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch remarque que l’huile destinée à la Menora est mentionnée parmi les dons initiaux pour la confection du Michkan (Chemot 25,6), et pareillement les encens. Bien que l’huile, tout comme les encens, ne soient pas des éléments constitutifs de la confection du Michkan, mais viennent seulement dans le cadre de la Avoda (Service), ils expriment ensemble l’objectif de purification de l’âme de l’Homme pour laquelle le Beth HaMikdach sera érigé. C’est pourquoi le passage relatif à la Menora doit précéder celui des vêtements du Cohen, car l’éclairage de l’esprit de l’Homme puisé dans la Torah est la source de tout l’accomplissement concret des Mitsvot.

Par ailleurs le verset souligne ainsi que le rôle principal du Cohen est d’épanouir cet éclairage issu de la Torah comme le dit le verset : « car les lèvres du Cohen garderont la connaissance, et la Torah on sollicitera de sa bouche » (Mal’akhi, 2, 7).

La préparation des Lampes de la Menora au fil des générations représente l’étude de la Torah comme une Mitsva prioritaire. Le verset dit ici que l’huile proviendra des Bené Israël, pour souligner que l’étude de la Torah est l’affaire de tous, et pas uniquement de la « caste » des Cohanim … Seule la préparation des Lampes est réservée aux Cohanim, mais pas fondamentalement l’allumage (bien que dans la pratique c’était généralement un Cohen qui allumait), car la préoccupation qui leur incombe est de s’assurer que la lumière de la Torah soit prête et disponible aux Bené Israël.

La place de la Menora, exprimée par le verset : « à l’extérieur du Parokhèt (Rideau) qui isole les Lou’hot » rappelle à l’Homme qu’il se tient « à l’extérieur de la Torah » qui lui est donnée. La Torah n’est pas le fruit de l’esprit de l’Homme, et il ne peut pas y introduire son propre « éclairage » pour la modifier, et « l’arranger » …

Rav Its’hak Zeev Yadler (‘Houmach Tiférèt Tsion 27,20) explique que l’insistance du verset « Et Toi tu ordonneras … » vient dicter à Moché Rabénou un rôle d’explication des Mitsvot, et en particulier de la Menora, en marge de la Mitsva elle-même qu’il transmet de la part de Hachem. Hachem transmet à Moché Rabénou le sens profond de la Mitsva pour le communiquer aux Bené Israël, afin qu’ils aient ainsi « part » à la Mitsva. Si l’Homme accomplit la Mitsva sans en avoir reçu le sens profond, l’action n’est pas « son » action, car elle est comme « mécanique », et lui reste étrangère. Hachem veut que nous participions pleinement. Il faut cependant  » qu’ils prennent vers toi … », c’est-à-dire que l’huile entre sous l’autorité de Moché car l’essentiel de la Mitsva est d’amener par elle la Lumière de la Torah sur Israël. Au moment où ils prennent l’huile, les Bené Israël doivent donc avoir l’intention d’accomplir la mission confiée à Moché, afin que la Kedoucha s’applique à l’huile dès son prélèvement.

Dans son Sefer Olat Chabat BeChabato, Rabbi Mordekhaï Miller, Talmid de Rav Dessler (Auteur du Mikhtav MeEliahou), explique que l’huile de la Menora doit être pure, concassée, pour enseigner que la « nourriture » spirituelle, l’huile de la Menora, plus que l’huile pour les offrandes, la » nourriture » matérielle, doit être pure.

Les pensées de faute sont plus dures que la faute, car elles troublent l’esprit de l’Homme et ses pensées, les « outils » de la spiritualité dont il dispose.

Il ajoute que le sujet qui clôt la Paracha, le Mizbéa’h HaKetorèt (L’Autel des encens), est séparé du reste des accessoires du Michkan décrits dans la Paracha précédente, car ce n’est qu’après les règles relatives aux vêtements des Cohanim et à leur entrée en fonction que peut venir la « Ketorèt » apparenté (en araméen) à la racine « Kécher » (lien en Hébreu).

La Ketorèt représente le lien du Monde avec la Volonté du Créateur. Pour écarter l’erreur de croire que ce lien est arbitraire, indépendant des actions de l’Homme, la Torah fait précéder le passage du Mizbéa’h par les vêtements des Cohanim qui expriment le rejet de toutes les « dérives » humaines, la tendance au meurtre, à l’orgueil, aux appétits etc. … Ce n’est qu’après que les Bené Israël se sont purifiés des traces-même de ces tendances qu’ils peuvent accéder au lien réel avec Hachem !

La Ketorèt ne vient pas « réparer » la faute, mais exprimer la joie et l’amour de Hachem. Le Cohen apporte la Ketorèt matin et soir au moment des Mitsvot relatives à la Menora, préparation le matin, et allumage le soir. Rabbi Miller cite Rabénou Be’hayé qui explique que l’huile d’olive est choisie particulièrement pour être apportée au moment du service de la Ketorèt car l’olive a amené la Lumière au monde, lorsque la colombe a apporté un rameau d’olivier à Noa’h (Beréchit 8, 11) montrant que l’eau du Maboul (Déluge) avait quitté la Terre. Rachi cite cependant le Midrach qui dit qu’en apportant spécialement un rameau d’olivier, la colombe signifiait qu’il vaut mieux recevoir une subsistance amère comme l’olive de la Main de Hachem, plutôt que douce comme le miel des mains de l’Homme.

Il est vital de ne dépendre que de Hachem, même pour des moyens d’existence apparemment restreints, plutôt que des prodigalités des hommes.

Le début de la Paracha et sa conclusion sont donc liés dans le programme que manifeste la Avoda (Service) du Michkan par les Cohanim. La grandeur de la Joie et de l’amour de Hachem est liée à une dépendance exclusive de Hachem et de Sa Torah.

Nous lisons ce Chabat le passage qui nous ordonne d’anéantir Amalek.

Nous croyons fréquemment qu’il s’agit de partir en guerre contre ceux de nos ennemis qui peuvent être assimilés à ce peuple.

Nous devons toutefois apprendre de la Paracha que nous avons lue avant ce passage que l’essentiel de la Mitsva qui nous incombe est d’éradiquer en nous les élans qui s’apparentent à la démarche d’Amalek.

Alors, seulement, Hachem nous donnera l’opportunité d’éliminer les représentants d’Amalek du Monde.

Amalek personnifie la poursuite d’une réussite d’où la Présence de Hachem est bannie.

Toute recherche des buts de notre existence « à la force du poignet » suit l’exemple d’Amalek et renforce son influence dans le Monde.

Même dans l’accomplissement des Mitsvot, nos actes doivent être empreints de l’influence de la Torah, et soumis à Hachem comme l’huile d’olive pure, pour amener la plénitude du lien avec Hachem de la Ketorèt, et permettre enfin d’accomplir concrètement la Avoda à nouveau dans le Beth HaMikdach reconstruit, bientôt, avec l’Aide de Hachem.