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Parasha – 184 – Vaye’hi – Assara BeTévèt 5785

בס »ד
La Paracha Vaye’hi complète le Sefer Beréchit, que le Ramban définit (dans son introduction au Sefer Chemot) comme le Livre de la « Formation », c’est-à-dire la base de l’Histoire de la Création jusqu’à son aboutissement avec la Gueoula (Délivrance) ultime, bientôt de nos jours.
Toutefois cette Paracha marque le début de la Galout (l’Exil), comme Rachi le souligne : « Pourquoi cette Paracha est-elle « setouma » (« fermée ») ? (Beréchit 47, 28), car dès lors que Yaacov Avinou est mort, les yeux et le cœur d’Israël se sont « fermés » du fait de la détresse de l’asservissement, car ils (les Egyptiens) commencèrent à les asservir. Rachi donne également une autre explication : (la Paracha est « fermée ») car Yaacov Avinou voulut dévoiler la « Fin » (l’Aboutissement de l’Histoire) à ses fils, et cela se « ferma » de lui ».
Quelle est donc la nature de cette « fermeture » mentionnée relativement à la Paracha Vaye’hi ? Chaque passage dans la Torah se distingue de celui qui le précède par un « blanc » dans l’écriture du Sefer Torah. Il y a des passages « ouverts » car l’écriture ne reprend qu’à la ligne suivante. Il y a des passages « fermés » car l’écriture du Sefer Torah reprend après un espace « blanc » de la longueur de neuf lettres. Toutefois, la Paracha Vaye’hi se singularise par le fait qu’il n’y a aucun espace entre le verset précédent (fin de la Paracha Vayigach) et le premier verset de cette Paracha. Et pourtant nos ‘Hakhamim avaient reçu l’enseignement que le verset « Vaye’hi Yaacov … » représente une Paracha distincte.
Paradoxalement, le premier verset exprime « Vaye’hi Yaacov BeErets Mitsraïm… » : « Yaacov « vécut » en pays d’Egypte … ». Cette période de la fin de l’existence de Yaacov Avinou qui représente le début de la Galout (Exil), est cependant définie particulièrement comme « vie », car elle a été marquée par l’arrêt des épreuves spécifiques qui ont marqué toute l’existence de Yaacov Avinou. Elle semble être privée du sens particulier de son parcours où les épreuves étaient certainement un facteur de son évolution.
Dès le second verset de la Paracha, la Torah mentionne l’approche de la fin de la vie sur terre de Yaacov Avinou. Il appelle son fils Yossef. Il s’adresse à lui particulièrement du fait qu’en tant que Vice-Roi d’Egypte il aura plus que ses frères la possibilité d’accomplir la mission qu’il s’apprête à lui confier. De plus Yossef est le principal représentant de la continuité du Peuple issu des Avot (nos Patriarches) comme le souligne Rachi au seuil des péripéties de la vie de Yossef : « Le verset lie les descendances de Yaacov à Yossef pour plusieurs raisons … » (Beréchit 37, 2. Voir là-bas le développement dans Rachi).
Yaacov veut préparer ses derniers moments, aussi il demande à Yossef : « Tu feras pour moi « ‘Hessed et Emeth » (‘Hessed- Don gratuit, Emeth-« Vérité »). Il s’agit de programmer son enterrement en Canaan, dans la caverne de Makhpéla, là où sont enterrés Adam et ‘Hava, Avraham et Sarah, Its’hak et Rivka, et Léa.
L’association des termes ‘Hessed et Emeth est surprenante ! On considère généralement le ‘Hessed comme un « don gratuit » qui ne prend pas en considération la « qualité » du bénéficiaire et ne s’associe pas ainsi avec la démarche du Emeth (Vérité) qui semble plus centrée sur « l’objectivité » d’une action et le mérite du bénéficiaire ?!
De plus pourquoi une telle insistance de la part de Yaacov ? N’est-ce pas évident et naturel, venant de son fils chéri qui depuis déjà dix-sept ans, soutient toute sa famille en Egypte ?! Le fait d’enterrer dignement son père serait-il un tel « challenge » ?!
Rachi ajoute à notre étonnement en commentant le fait que « le ‘Hessed qu’on accomplit envers les morts est un ‘Hessed de Emeth (Vérité) car on n’attend pas de rétribution (de la part du bénéficiaire …) ! »
Nombre des commentateurs s’interrogent sur cette explication de Rachi, issue du Midrach (Beréchit Raba 96, 5).
Rav Chalom Chapira (HaMaor ChebaTorah, p.182) s’étonne du Midrach (Beréchit Raba 58, 9) qui souligne le ‘Hessed d’Avraham envers Sarah lorsqu’il l’enterra ?! Est-il nécessaire de chercher un ‘Hessed particulier comme celui-là chez Avraham dont toute la vie est une suite ininterrompue de ‘Hessed ?! Il conclut qu’il y a effectivement deux dimensions dans le ‘Hessed : le ‘Hessed, et le ‘Hessed de Emeth ! Et la Torah vient souligner cette distinction précisément chez Avraham, le « pilier » et la racine du ‘Hessed dans le Monde !
Il ajoute en remarquant que Ruth la Moabite n’a mérité d’être l’ancêtre de David Hamelekh et de vivre encore aux côtés de son descendant le Roi Chlomo, titulaire de la Sagesse de Hachem, que par le ‘Hessed qu’elle a prodigué à son défunt mari, Ma’hlon. Le Midrach (Ruth Raba 2, 14) souligne que la Meguilat Ruth ne contient aucune règle de Halakha (lois de la Torah), et n’a été écrite que pour enseigner la récompense de ceux qui accomplissent le ‘Hessed.
Il rapporte encore la Guemara (Souca 49b) qui définit une « Torah de ‘Hessed » comme une Torah étudiée en vue de l’enseigner.
Il poursuit avec le Midrach (Beréchit Raba 99, 2) qui dit que la « Royauté », c’est-à-dire la domination de la Galout ultime que nous vivons, qui est identifiée à Essav, ne tombera qu’entre les mains de Yossef qui, seul, a surpassé le « Kiboud Av » (le respect de son père) de Essav.
Lorsque Yaacov Avinou envoya Yossef vers ses frères, il n’hésita pas un instant à accomplir cette mission, alors qu’il savait le danger qu’elle comportait du fait des sentiments négatifs de ses frères à son égard …
Même venant de la part d’un tel fils, Yaacov Avinou juge indispensable de demander un « ‘Hessed de Emeth » lorsqu’il lui demande de l’enterrer avec toute la dignité nécessaire !
Rav Chapira conclut que, face à ces enseignements, nous ne devons pas nous illusionner que nos actions sont marquées au sceau du Emeth même face aux vivants …Il s’avère ainsi que la Torah vient effectivement nous apprendre une dimension que nous n’aurions pas été à même d’imaginer dans l’exigence de Hachem sur les actions de l’Homme.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch met en évidence le fait que certaines fois le ‘Hessed mène à des démarches négatives, lorsqu’un homme veut prodiguer un bienfait à un autre : par exemple, lorsqu’Avraham veut marier son fils Its’hak, il pourrait oublier l’essentiel, et, dans un désir effréné de générosité, lui amener une épouse non conforme à l’objectif du Peuple de Hachem, s’il ne trouve pas une épouse digne de Its’hak …
Un tel ‘Hessed ne serait pas un ‘Hessed de Emeth !
De même, lorsque Yossef devra enterrer Yaacov, il pourrait en arriver à l’enterrer en Egypte, si les obstacles s’accumulent sur son chemin. Ce ne serait plus un ‘Hessed de Emeth !
C’est ce que Yaacov dit à Yossef : « Tu me feras ‘Hessed et Emeth : ne m’enterre pas en Egypte ! »
Du fait d’un ‘Hessed « effréné », n’oublies pas le Emeth, qui « encadre » le ‘Hessed !
C’est là le risque des « Midot » (traits de comportement) si elles sont poussées à l’extrême sans « contrôle » …
Rav Sim’ha Zissel Ziv (Or Rechaz, par. 343) explique qu’une « valeur » erronée n’est pas du tout une valeur !
Le Emeth consiste dans l’approfondissement des notions. Ainsi le ‘Hessed ne reçoit sa pleine valeur que par le Emeth qui en confirme l’authenticité.
Rav Its’hak Ayzik Scherr (Leket Si’hot Moussar, p.92) explique la démarche de Yaacov lorsqu’il prit la Bekhora (le Droit d’ainesse) d’Essav et les Berakhot qui s’y rapportent. Dans le cadre de son analyse sur le comportement, il développe que l’homme ne doit pas vivre en fonction de sa nature, que ce soit une tendance au ‘Hessed, ou au Emeth. Il faut soumettre ses élans intégralement à la Avoda (Service) de Hachem. C’est ainsi qu’une démarche appuyée sur le ‘Hessed et le Emeth sera harmonieuse. Dans ce sens, le ‘Hessed ne peut atteindre sa perfection que dans l’association au Emeth. Le Emeth mène à l’accomplissement du ‘Hessed, et encadre le ‘Hessed afin qu’il ne débouche pas sur une démarche négative. Un tel ‘Hessed accompli « par nature » ne serait plus un ‘Hessed véritable et ne serait comparable qu’à l’action d’un non-juif ou un simple être vivant …
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p. 96) explique que le fondement de la Création est le ‘Hessed, un ‘Hessed illimité. Les autres « traits », la Justice, le Emeth, la Droiture, la Anava (« Réserve »), et tout le reste des notions que Hachem nous révèle dans le fonctionnement du Monde, sont certes des facteurs importants. Toutefois, l’axe de tout est le ‘Hessed ! Le Emeth, comme les autres « Midot » a pour rôle « d’encadrer » le ‘Hessed pour qu’il garde toute sa valeur.
Il est rapporté au nom de Rabbi Moché Mordekhaï Epstein (dans le recueil MiChoul’han Gavoa, p.231) que le ‘Hessed qu’un homme accomplit ne peut pas être défini comme ‘Hessed véritable, dans la mesure où il reste un doute sur ses conséquences. Il peut en découler des résultats néfastes. Seul un ‘Hessed dans ce qui concerne le projet de Hachem, et ne débouchera que sur du bien et du ‘Hessed, peut être considéré comme un ‘Hessed véritable. Bien que cela ait été un grand ‘Hessed, l’abondance des bienfaits que Yossef répandit sur sa famille ne pouvait pas être qualifiée de ‘Hessed véritable tant que ses effets n’étaient pas connus. Et effectivement, la faveur de l’accueil des Bené Israël en Egypte se retourna contre eux, en entrainant l’assimilation, débouchant finalement sur les persécutions. Seul le ‘Hessed prodigué à son père Yaacov est resté inaltérable.
Rav Zaydel Epstein (Hèarot, p.173) souligne qu’à la différence du ‘Hessed humain, le ‘Hessed fondamental de la Création est totalement véritable. Hachem n’attend bien évidemment aucune « rétribution » pour le ‘Hessed qu’IL nous octroie ! De plus, lorsque nous approfondissons notre regard, nous pouvons prendre conscience que tout, même ce qui nous semble négatif, est pour notre bien.
Nous rencontrons cette semaine, la veille de Chabat, le premier des Jeûnes instaurés en rappel de la destruction du Bet HaMikdach (Temple).
-Le 10 Tevet marque le début du siège de Yerouchalaïm par Nevou’hadnetsar (Empereur de Bavel).
-Le 17 Tamouz est la date de l’entrée des ennemis dans Yerouchalaïm.
-Le 9 Av, le Beth HaMikdach a été détruit
-Le 3 Tichri, nous rappelons l’assassinat de Guedalia, Gouverneur Juif mis en place par Nevou’hadnetsar pour diriger le reste des Juifs qui n’avaient pas été exilés à Bavel. Son assassinat par des intrigants Juifs déclencha la « liquidation » du dernier noyau de Juifs en Erets Israël.
Bien que les évènements du 17 Tamouz et du 9 Av soient incontestablement plus dramatiques que le début du siège de Yerouchalaïm le 10 Tevet, ce Jeûne est marqué d’une importance particulière.
Rabbi Yossef Caro cite dans le Beth Yossef (Tour Ora’h Haïm Chapitre 150) que Rabbi David Aboudraham dit que ce Jeûne est le seul qui, s’il tombait Chabat, serait jeûné Chabat et non repoussé, comme c’est le cas pour tous les autres Jeûnes institués par nos ‘Hakhamim. De plus, c’est le seul jeûne qui, selon notre calendrier, peut tomber la veille de Chabat, comme cette année.
La dimension particulière du jeûne du 10 Téveth le rend comparable au début de notre Paracha. Dans les deux cas, il s’agit d’un début de Galout qui n’est pas encore perceptible au regard humain. Tant que Yaacov Avinou était de ce monde, les Bené Israël étaient encore à un niveau spirituel qui ne laissait pas présager l’évolution défavorable. De même, lorsque commença le siège de Yerouchalaïm, les Bené Israël pouvaient encore s’illusionner que cette « alerte » aurait une issue heureuse, comme lors de l’attaque de San’hériv à l’époque du roi ‘Hizkyahou. Les débuts de « décadence » dans leur lien avec Hachem leur semblaient « insignifiants ».
Seul le regard de Hachem, ou celui des Neviim (Prophètes), pouvait déceler la gravité du problème.
Le décret de la Galout matérielle ne fit que répondre à la « maladie » qui atteignait la vie Spirituelle des Bené Israël !
Nous devons réaliser que même ces décrets, si dramatiques soient-ils, représentent le ‘Hessed illimité de Hachem Qui veille sur nous au long de l’Histoire. C’est pourquoi nous devons y reconnaître la Main Bienveillante de Hachem.
Peut-être est-ce pour nous enseigner cela que ce Jeûne, qui est lié à un évènement qui semblerait secondaire, revêt une importance particulière.
Prions Hachem qu’Il nous aide à trouver la conscience nécessaire du sérieux de notre situation, et comprendre qu’il est vital pour nous de raviver notre relation à la Torah et au regard qu’elle nous dicte dans l’existence.

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