Parasha – 33 PESSAH 5782

Pessa’h 5782…
Ce Pessa’h sera-t-il un simple Pessa’h de plus, avec ses Mitsvot accomplies dans une certaine routine, depuis l’élimination énergique du ‘Hamèts, jusqu’aux moindres détails du Séder ?!
Réussirons-nous enfin à dépasser le niveau “de base”, pour réaliser que même une période “relativement banale”, sans difficultés personnelles particulières, peut être vécue avec la conscience du “sens de l’Histoire” ?!
A toutes les époques et partout dans le monde, nos ancêtres affrontèrent des circonstances troublées et vécurent des “Pessa’h” chargés d’une émotion particulière.
Quant à nous, les secousses du Corona et de son cortège de restrictions, vécues avec plus ou moins d’appréhension pour notre santé et notre existence, ne sont pour la plupart que des mauvais souvenirs.
L’actualité du Monde, depuis les troubles politiques ou militaires, jusqu’aux menaces réelles pour la pérennité de la Torah dans notre “bastion”, Erets Israël, sous les coups des militants acharnés de l’assimilation accélérée menant à un pays laïc et mondialisé, ne semblent pas devoir avoir d’influence sur notre Pessa’h annuel !
Mais, est-ce là l’objectif que Hachem nous a communiqué en nous soustrayant à l’imprégnation de la culture de l’Egypte antique ?!
Devons-nous continuer à vivre le souvenir de cette Galout (exil) comme celui d’une période d’obscurantisme “primitif”, à laquelle ne serait pas à comparer notre monde “évolué” et en progrès sous tous les aspects ?!
Ce monde qui nous est familier, et auquel nous nous attachons par besoin de nous “sécuriser” en nous appuyant sur ce que nous persistons à considérer comme des “valeurs sûres” …
Que reste-t-il de ces certitudes, après que :

  • Le Corona a bouleversé la confiance dans la Science et la Technique, nouvelles idolâtries de notre temps, bien mises à mal, et ce même si on se rattache encore désespérément aux merveilleux vaccins qui sauvent la situation “in extremis” comme l’arrivée des pompiers pour éteindre un incendie ?
  • Les divers troubles politiques de par le vaste monde ont ébranlé la confiance dans la Démocratie.
  • Les conflits innombrables qui ensanglantent le monde, jusque dans le “bastion de la civilisation”, l’Europe, donnant juste l’occasion aux “bonnes consciences” de toutes sortes de se livrer à des déclarations tonitruantes sur la responsabilité des “criminels” dont chacun sait clairement qu’ils ne seront jamais jugés ni punis (sauf s’ils sont un jour vaincus …).
    La liste des manifestations du ridicule de la “civilisation” serait encore longue. Notre propos n’est pas de dresser ici le bilan d’un monde qui n’est pas le nôtre.
    L’objectif est seulement de réaliser à quel point les dernières générations de notre Peuple ont pu s’égarer du regard sain de nos ancêtres au fil des siècles.
    Hachem nous a “extraits” une première fois de la “boue” des grandes “conceptions” humaines du Bien et du Mal, en nous plongeant en Egypte, apogée de la civilisation de l’époque (qui n’avait en fait rien à envier à celle de nos jours …), puis en nous en sortant énergiquement.
    Ce n’est pas en vain que le fait de nous avoir placé en Egypte est cité ici !
    Le Sfat Emet souligne dans le texte de la Hagadah que nous ne nous contentons pas de “louer” et remercier Hachem de nous avoir sortis d’Egypte.
    Nous devons aussi “reconnaître” (“lehodot”), (ce terme évoque le fait de reconnaître le bien-fondé de ce qui n’était pas évident), le bien-fondé du fait de nous avoir amenés en Egypte. Nous sommes reconnaissants à Hachem non seulement de nous avoir sauvés, mais également de nous avoir amené “à l’hôpital” de la Galout (exil) en Egypte, pour constater par nous-mêmes le désordre de leurs “valeurs”.
    La sortie d’Egypte s’est accomplie “prématurément”, du fait de l’érosion du niveau spirituel des Bené Israël qui en montrait l’urgence. Toutefois, l’effet de la Galout n’avait pas suffisamment préparé les Bené Israël au lien total avec Hachem.
    Les diverses fautes de la génération du désert : le Eguel (le veau d’or), les Meraglim (les explorateurs) etc… étaient dues à ce manque de préparation et ouvrirent la voie aux dégradations qui se manifestèrent au fil des siècles et aboutirent à la destruction des deux Beth HaMikdach et à la Galout dans laquelle nous sommes plongés.
    Toutefois l’objectif de la Galout, comme toutes les “punitions” que Hachem envoie, n’est pas vindicatif, mais curatif.
    Le but de la Galout vise à profiter de la confrontation aux défauts profonds des nations pour affiner notre propre approche de la vie, et atteindre enfin le lien complet avec Hachem.
    Dans la Haftara (le texte des Prophètes que nous lisons après la lecture de la Torah le Chabat) du Chabat Chouva (entre Roch Hachana et Yom Kippour) nous lisons : “Reviens Israël jusqu’à Hachem ton Dieu…”. La Techouva ne consiste pas à se rapprocher un peu de Hachem, mais à arriver jusqu’à Hachem !
    Pessa’h que nous vivons chaque année n’est pas une commémoration, mais un “rappel de vaccin”. Il s’agit de raviver en nous les acquis de la Sortie d’Egypte afin de les amener au niveau de perfection qui permettra enfin la Gueoula ultime.
    Le Monde s’est obscurci suite à la faute d’Adam Harichone, et le but de l’Histoire est de réparer cette faute et de revenir au niveau d’Adam avant son erreur. Nous devons donc affiner notre recul face aux “valeurs” des peuples qui n’ont pas amorcé le retour vers Hachem qui était l’apanage d’Avraham et de ses descendants.
    La Galout est “l’hôpital” destiné à ce soin. Et chaque année Pessa’h est comme une injection de sérum pour renforcer nos “défenses immunitaires” héritées des Avot (Patriarches) et de nos ancêtres sortis d’Egypte.
    Nous devons donc réfléchir avant chaque nouveau Pessa’h que nous abordons à ce que l’année (et même les années précédentes …) nous a “appris” concrètement sur la vie, et dans quelle mesure nous sommes prêts à vivre un Pessa’h d’intimité avec Hachem.
    Les éléments du Séder : le Korban Pessa’h (l’agneau) qui nous manque en Galout, la Matsa, Maror (les herbes amères), et les quatre coupes, sont là pour nous aider à faire le “travail” de réactualisation de nos valeurs.
  • Le Korban Pessa’h, dans son absence, remplacé par la Afikoman (la Matsa consommée à la fin du repas), nous rappelle cruellement l’indigence spirituelle de notre Galout, où Hachem ne se manifeste pas “ouvertement”.
  • La Matsa, pain cuit sans délai et sans processus de ” préparation”, vient nous faire prendre conscience que la Gueoula (Délivrance) se réalisera sans “rouages” historiques, et peut se produire à tout moment, en rupture avec nos préoccupations quotidiennes banales.
  • Le Maror vient nous rappeler que la Galout aux “charmes” (du confort) de laquelle nous nous habituons certaines fois (comme dans l’Espagne de “l’âge d’or” …) n’est finalement qu’un piège, comme le Maror, doux au début et amer ensuite.
  • Les quatre coupes de vin représentent les étapes de la Gueoula : échapper aux sévices, sortir de la servitude, être “rachetés” d’un système de “valeurs” qui nous est profondément étranger… et enfin êtres “pris” par Hachem pour être Son Peuple.
    De même que ces étapes ont caractérisé notre Sortie d’Egypte, ainsi devons-nous aspirer à les revivre pour sortir définitivement de la Galout !
    Prions Hachem de nous donner cette année le “bon-sens” de rompre les attaches avec cette Galout dont nous “chérissons “le confort, et que nous soyons enfin aptes à recevoir le cadeau de la Gueoula.

Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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