Parasha – 153 Shavouot 5784

בס”ד

Un nouveau Chavouot, Moèd (“Fête”) du jour de Matane Torah (le Don de la Torah), comme nous l’appelons dans la Tefila !

Dans le Dvar Torah sur la Paracha Bamidbar qui précède toujours Chavouot, nous avons vu que Matane Torah ne se résume pas à l’octroi “d’enseignements” et de lois.

Matane Torah est le moment de la plus grande révélation que Hachem ait octroyé aux hommes.Moché Rabénou dit aux Bené Israël : “Il t’a été montré pour reconnaitre que Hachem est Dieu, il n’y a pas autre hormis Lui !” (Devarim 4, 35). Puis Moché Rabénou ajoute : “Tu sauras aujourd’hui, et tu ramèneras vers ton cœur, que Hachem est Dieu, dans les Cieux au-dessus, et sur la Terre en-dessous, il n’y a pas encore !” (39).  

Dans la Haggadah de Pessa’h, nous chantons à Hachem une louange qui détaille les 15 “cadeaux” que Hachem nous a accordés depuis la Sortie d’Egypte, jusqu’à l’érection du Beth HaMikdach qui “répare” nos fautes.

Parmi ces faveurs, nous citons distinctement le fait de nous avoir “rapproché” devant le Mont Sinaï, et le fait de nous avoir donné la Torah.

Ce partage est plutôt étonnant ! Quel sens a le premier élément : “Que Hachem nous a rapproché devant le Mont Sinaï” si ce n’est de nous donner la Torah ?! S’agirait-il de “tourisme”, de “visiter” un site particulièrement intéressant, ou attractif ?!

La réponse se trouve dans le Midrach (Chemot Rabah 29, 9). Ce Midrach qui développe le début des Asséret HaDibrot (les Dix Commandements) conclut ainsi : “Lorsque Hachem a donné la Torah, aucun oiseau ne gazouilla, aucun volatile ne vola, aucun taureau ne mugit, les “Ofanim” (une catégorie de Mal’akhim-Anges) cessèrent de voler, les “Serafim” (une autre catégorie de Mal’akhim) ne dirent pas “Kadoch, Kadoch”, la mer ne s’agita pas, les créatures ne parlèrent pas, le Monde était silencieux et à l’écoute, et la Voix (de Hachem) s’exprima :”Je suis Hachem ton Dieu” !

Rachi explique ainsi le verset cité plus haut : “Il t’a été montré pour savoir…” : “Lorsque Hachem donna la Torah à Son Peuple, Il leur ouvrit les sept cieux, et de même qu’Il déchira les Mondes supérieurs, ainsi Il déchira les mondes inférieurs, et ils virent qu’Il était Unique. C’est pourquoi il est dit “Il t’a été montré pour savoir …”.

Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah Devarim 4, 35) demande en quoi consiste cette “déchirure” des Mondes ?!

Il répond qu’il s’agit de ce que le Midrach décrit. Lorsque Hachem parla au Mont Sinaï, Il réduisit tout le Monde au “silence”, à l’inertie, afin que les créatures sachent qu’il n’y a rien en dehors de Lui, et Il dit : “Je suis Hachem ton Dieu …” !

Rav Tsvi Hirsch Ferber (Moadé Tsvi, p.37) explique que la Création entière témoigne de la Présence du Créateur, comme l’exprime le Psaume : “Les Cieux racontent la gloire de Dieu, et le Ciel développe l’action de Ses Mains …” (Tehilim 19, 2). Comme Avraham qui a découvert la Présence de Hachem en observant le fonctionnementdu Monde (Midrach Beréchit Rabah 39, 1).

La Guemara (Erouvin 100b) dit que si la Torah n’avait pas été donnée, nous aurions pu apprendre les Mitsvot par l’observation des diverses créatures. C’est ainsi que les Avot (Patriarches) avaient procédé avant la Révélation au Har Sinaï. Mais maintenant que la Torah nous a été donnée, nous n’avons plus besoin de toutes ces sources d’enseignement “naturelles”, car tout se trouve dans la Torah ! Seule la Torah doit dorénavant nous enseigner le “mode d’emploi” de l’existence.

C’est ce que nous enseigne David HaMélekh dans le Psaume en enchainant après la description de la Création “naturelle” la louange de la Torah : “La Torah est intègre …” (19, 8). Il n’est plus nécessaire de “partir” chercher les sources dans l’observation des créatures. C’est ainsi que Rav Ferber comprend le Midrach : Hachem a “réduit au silence” le Monde dans le sens où la Révélation de Sa présence au Mont Sinaï a rendu inutile dorénavant “l’enseignement” issu de l’observation du Monde !

Rav Mekhel Yehouda Levkovitz (Imré Daat I, p.250) explique que lors de Matane Torah, comme le décrivent nos ‘Hakhamim, avec la mise au silence du Monde, nous avons appris les fondements de la Emouna qu’il n’existe rien hormis Le Créateur, comme l’exprime le verset cité plus haut. C’est la condition indispensable à un attachement sans limite à Hachem. Tel est le sens du Midrach qui décrit le “silence” du Monde, l’absence de réalité de quoi que ce soit en dehors de Hachem (voir le développement du Rambam dans Hilkhot Yessodé HaTorah, Chapitre I).

Rav Yossef Yehouda Leib Bloch (Chiouré Daat, Hachga’ha) cite le Midrach et explique que “l’inertie” du Monde au moment où Hachem a fait entendre : “Je suis Hachem ton Dieu …” est venue manifester l’omniprésence de Hachem dans chaque “mouvement” dans la Création. C’est l’introduction à une nouvelle période de l’Histoire, où l’intervention de Hachem accompagnera Israël à chaque pas.Rav Yehouda Arié Leib Steinman (Yemalé Pi Tehilatèkha, p.86) développe le sens de la “fête” renouvelée annuellement. Il rapporte l’enseignement qu’à chaque Moèd (fête) un influx de la nature de ce Moèd revientpour nous. L’essence de Chavouot, le moment de Matane Torah (Don de la Torah) est l’acceptation par les Bené Israël de l’engagement dans la Torah.

En proclamant “Naassé Venichma” (nous ferons et nous entendrons), les Bené Israël ont accédé au niveau des Mal’akhim (“Anges”), qui sont prêts à accomplir la Volonté de Hachem dès avant de l’avoir entendue.

Il n’est évidemment pas question d’agir réellement avant de savoir quoi faire, car ça n’aurait aucun sens. Il s’agit en réalité d’une attitude profonde de disponibilité à agir sans-même s’interroger sur la capacité d’accomplir, ce qui constitue la nature fondamentale des Mal’akhim qui n’existent que pour accomplir ce pour quoi ils ont été créés.

Rav Steinman souligne que l’ordre d’accomplir les Mitsvot ne nécessitait pas ce niveau d’engagement, pas plus que l’obligation pour chaque être humain de respecter les 7 Mitsvot Noa’hides n’a été précédée d’une telle déclaration de l’Homme.

Matane Torah n’est donc ni l’octroi d’un “code” à étudier et à accomplir, ni une série de décrets à respecter.

L’objectif de Matane Torah n’était pas de fonder un Peuple qui accomplirait les Mitsvot, mais de créer un Peuple de “serviteurs” de Hachem comparables aux Mal’akhim.

Ce but a été atteint par la “manifestation” de Maamad Har Sinaï (lorsque les Bené Israël se tinrent au Mont Sinaï) comme la décrit le Midrach, avec la “mise à l’arrêt” instantanée de toute la Création. Ce changement profond a confirmé définitivement la nouvelle nature des Bené Israël. Nous sommes bien sûr très éloignés du niveau des Bené Israël face au Mont Sinaï. Toutefois l’exigence de chacun est à la mesure de sa dimension. Nous devons donc aspirer, au moment où se renouvelle pour nous cette opportunité, au maximum d’adéquation à cette dimension.

Dans son Chiouré Daat, Rav Bloch dit que le même “Anokhi” (Je suis) qui s’est exprimé à Matane Torah, s’adressera à nous pour la Gueoula “Je suis, Je suis celui qui vous réconfortera …” (Yechayahou, 51, 12 – Haftara de la Paracha Choftim, au début de Elloul).

Matane Torah au Mont Sinaï, dans le désert comme le développe la Paracha Bamidbar (voir Dvar Torah du Chabat précédent Chavouot), est un moment d’élévation particulière au-dessus de toutes les conceptions matérialistes et naturelles de l’existence.

Dans l’atmosphère actuelle d’instabilité générale incitant au réveil de notre identité de Peuple de Hachem, faisons un effort pour nous élever vers le niveau de Matane Torah.