Parasha – 133 Yitro 5784

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La Paracha Yitro traite essentiellement de la Révélation au Har Sinaï et du Don des Asséret HaDibrot (Les Dix Commandements).

Toutefois, le début de la Paracha (Chemot 18, 1-27) se démarque apparemment de cette grandeur particulière. Il est entièrement dédié à l’arrivée de Yitro, le beau-père de Moché Rabénou (18, 1-6), à son accueil spectaculaire (18, 7-12), et au conseil qu’il donna à Moché Rabénou concernant l’organisation de la Justice (18, 13-27).

Quelle est la place de cet épisode dans la Torah juste avant l’évènement le plus grandiose de toute l’Histoire du Monde : la Manifestation Prophétique de Hachem à tout Son Peuple, et l’intégration de la Torah totalement spirituelle au monde physique ?!

Par quel mérite Yitro a-t-il trouvé une telle place d’honneur dans la Torah ?

Qu’est ce qui a amené Yitro, à peine arrivé au sein des Bené Israël, à s’autoriser à conseiller Moché Rabénou ?! Et qu’est ce qui lui a valu d’être l’initiateur d’une démarche fondamentale (la mise en place des juges) dans le fonctionnement du Peuple de la Torah ?!

Pour accentuer ces dernières questions, voyons le Midrach (Chemot Rabah 30, 3) qui explique que Matane Torah (le Don de la Torah) est encadré par des lois “civiles”, la mise en place du système judiciaire sur le conseil de Yitro et la Paracha Michpatim (les Lois) qui suit immédiatement la Paracha Yitro.

Le Midrach compare la Torah reçue au Sinaï à une grande dame encadrée par une garde d’honneur devant et derrière elle : ainsi la Torah est “encadrée” de lois “civiles …

Qu’est ce qui a propulsé Yitro à une telle place ?! Et que vient nous apprendre ce passage pour notre propre accès à la Torah ?

La Paracha commence par les mots : “Yitro le “Cohen” (prêtre) de Midyan, le beau-père de Moché, entendit tout ce que Hachem avait fait pour Moché et pour Israël Son Peuple …”

Rachi rapporte que Yitro avait sept noms … Yéter parce qu’il a “ajouté” une Paracha dans la Torah, le conseil de nommer des juges ; Yitro, lorsqu’il s’intégra dans le Peuple d’Israël et accomplit les Mitsvot, on lui ajouta une lettre à son nom (Yéter-Yitro).

Rav Yaacov Neyman (Darké Moussar, p.119) cite le Alchikh qui s’étonne de ce que la Torah le nomme ici Yitro, avant même qu’il se soit joint aux Bené Israël ?!

De plus, comment après cette allusion à sa grandeur, la Torah l’abaisse-t-elle au plus profond de l’abime en le désignant comme “le prêtre de Midyan”, (car précédemment il avait été prêtre de l’idolâtrie) ?!

Le verset le désigne ensuite comme le “beau-père de Moché”, ce que nous avions déjà appris de la Paracha Chemot (Chemot 3, 1).

Le Alchikh explique que la Torah vient nous apprendre ici que le chemin direct pour atteindre l’accomplissement personnel passe par “l’écoute” !

Par le fait de se mettre à l’écoute de la Parole Divine, l’homme s’élève aux niveaux les plus hauts du bonheur.

Rav Neyman développe que toute la Terre a entendu le fait que Hachem a asséché la Mer pour permettre au Peuple Juif de traverser la mer à sec. Le monde entier a tremblé, comme cela est mentionné dans la Chira de Bechala’h (Chemot 15, 14-16).

Pourquoi parmi toute l’humanité, même ceux qui n’étaient pas attachés profondément à l’idolâtrie comme Yitro, aucun n’a abandonné son mode de vie pour venir se blottir sous l’autorité de la Chekhina (Présence Divine) ?!

Rav Neyman répond que cela est dû à “l’écoute” exceptionnelle que Yitro avait acquise bien avant. C’est là la raison pour laquelle le verset peut d’ores et déjà le nommer “Yitro”, car son “écoute” l’a amené au rapprochement vers Hachem.

Lorsque Moché Rabénou fait le récit des Nissim (les Miracles que Hachem a accomplis pour les Bené Israël), Yitro s’écrie : “Maintenant je sais que Hachem est plus Grand que toutes les divinités, car par la chose par laquelle ils ont voulu (anéantir les Bené Israël – l’eau, ils ont été anéantis ; Rachi (18, 11)” ! Nos ‘Hakhamim (Mekhilta, 12, 11) expliquent que Yitro était “expert” en idolâtrie, car il les avait toutes “essayées” ; c’est pourquoi il pouvait faire cette déclaration.

Yitro cherchait la Vérité avec obstination. Il passait d’une idolâtrie à la suivante dès lors qu’il voyait le “vide” qui s’y trouvait. C’est cette recherche inlassable de la Vérité qui l’amena en premier à s’intégrer aux Bené Israël. Et C’est encore cette même soif d’authenticité qui le mena à analyser le contact quotidien de Moché Rabénou avec les Bené Israël.

Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga p.122) analyse ce qui a valu à Yitro ce mérite unique de percevoir la “faille” et faire une suggestion qui a été confirmée par Hachem. Il explique que c’est la recherche inlassable de Vérité qui animait toute l’existence de Yitro qui lui a donné cette acuité de critique.

Toutefois, il reste étonnant que cette critique ait été la source d’une institution aussi fondamentale !

Comme le soulignent certains commentateurs, il est clair que la suggestion elle-même lui a été inspirée par Hachem. Nous voyons pareillement la question des hommes qui étaient Tamé (impurs) par suite du contact avec un cadavre et ne pouvaient pas participer au premier Pessa’h dans le désert. En réponse à leur préoccupation profonde d’être exclus de l’assemblée dans cette Mitsva fondamentale (la perpétuation de la Sortie d’Egypte) Hachem leur a donné le mérite de faire révéler la “cession de rattrapage” : Pessa’h Chéni, le Pessa’h un mois plus tard pour ceux qui ont été empêchés de l’accomplir à la date normale (Bamidbar 9, 6-13).

C’est également le cas des “filles de Tselof’had” qui refusaient que la part en Erets Israël de leur père, mort dans le désert, soit irrémédiablement perdue (Bamidbar 27, 1-11). Leur amour sans limite pour Erets Israël leur acquit le mérite que la loi des héritages soit enseignée à la suite de leur question relative à leur droit d’hériter de leur père. Là encore il est impensable que cette loi fondamentale n’aurait pas été enseignée sans leur intervention. Mais Hachem octroie à ceux qui ont un élan profond le mérite de leur initiative en attendant leur intervention pour transmettre l’enseignement correspondant.

Nos Commentateurs proposent diverses explications relatives au manque que Yitro a identifié dans la démarche de Moché Rabénou.

Rachi explique que Yitro considérait le fait que : “Pourquoi es-tu assis seul, et tout le Peuple se tient debout …” (18, 14) était un manque de considération pour les Bené Israël qui devaient rester debout alors que Moché Rabénou était assis …

Rabbi Yerou’ham Levowicz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, I, 65, p.205) compare la critique de Yitro à celle de Kora’h : “Et pourquoi vous élevez-vous au-dessus de l’assemblée de Hachem ?!” (Bamidbar 16, 3). Pourquoi Kora’h a-t-il été condamné par Hachem pour une critique comparable à celle qui a valu à Yitro la plus haute distinction ?!

Rabbi Yerou’ham explique que ce qui manquait à Kora’h, c’est le niveau de “Lichma” (pour l’Honneur de Hachem exclusivement). Certainement il y a lieu de rechercher les sommets de contact avec Hachem que Kora’h briguait. Mais il faut que ce soit sans la moindre tache de motivation personnelle.

C’est là que se situait la grandeur particulière de Yitro ! Sa soif inextinguible de Vérité l’a amené à une abnégation totale qui, même si la démarche de Moché Rabénou se situait en réalité au-delà de cette critique, la démarche de Yitro garde toute sa valeur. Il parvint ainsi à se hisser au-dessus du niveau de Kora’h qui pourtant était un homme d’une grandeur exceptionnelle, comme nous avons eu l’occasion de le souligner dans le Dvar Torah Kora’h 5776.

Toute critique est concevable pourvu qu’elle soit mue par le désir exclusif de Vérité. Et seule la soumission sans réserve à Hachem est la garantie de cette authenticité !

Rav Yaacov Kamenetski (Emeth LeYaacov 18, 19) souligne que Yitro lui-même conditionne son conseil à la confirmation par Hachem : “Je te conseillerai, et que Hachem soit avec toi !”. Rachi commente : “Vas consulter Hachem” !

Dans une démarche d’analyse différente, Rav Chimchon Pinkus comprend que la critique de Yitro était dirigée vers le fait que “Pourquoi es-tu assis seul ?”, c’est-à-dire pourquoi Moché Rabénou est-il seul pour assumer la charge de juger les Bené Israël ?

Rav Pinkus conclut qu’en réalité cette suggestion n’avait pas d’application immédiate dans la mesure où les Bené Israël n’auraient certainement pas renoncé au privilège d’être jugés par Moché Rabénou, quitte à devoir attendre. Toutefois, de cette manière se serait instituée une démarche où un seul homme, le plus grand dans chaque génération, aurait été apte à juger. Le mérite de Yitro fut ainsi d’enseigner que la grandeur n’est pas le fait exclusif des “plus Grands” ! La grandeur se décline sur divers niveaux : “Princes de milliers, princes de centaines, princes de cinquantaines et princes de dizaines ” (18, 21).

Chacun peut accéder à la grandeur selon son niveau.

Rav Pinkus ajoute que Hachem élargit encore le cadre lors de Matane Torah (Don de la Torah) en disant : “Et vous serez pour Moi un royaume de Cohanim et un Peuple Kadoch (“Saint”)” (19, 6).

Hachem veut voir en nous, Son Peuple, les Grands de toute l’Humanité.

A ce titre, chacun de nous doit viser au maximum de ses capacités à s’élever dans l’étude de la Torah et la Avoda (le Service de Hachem), tout au long de son existence.

Yitro a ainsi bien mérité sa place dans l’introduction à Matane Torah !

Ses enseignements doivent nous inspirer et accompagner chacun de nos pas !

שבת שלום – Chabbat Chalom !