Parasha – 94 Shavouot – Nasso 5783

בס”ד

Cette année, en Erets Israël, Chavouot vient un vendredi, alors qu’en dehors d’Erets Israël, Chavouot aura lieu vendredi et Chabat.

De ce fait il y aura un décalage de Paracha, car en Erets Israël on lira la Parachat Nasso ce Chabat, tandis qu’en dehors d’Erets Israël on ne lira qu’un passage dédié à Chavouot.

Ce décalage se poursuivra jusqu’au Chabat 12 Tamouz (1er Juillet), où on lira en Erets Israël la Paracha Balak, et en dehors d’Erets Israël, les deux Parachiot ‘Houkat et Balak.

Le Chabat suivant, nous lirons tous la Paracha Pin’has, et le rythme uni reprendra.

La fête de Chavouot (littéralement : Semaines), appelée ainsi dans la Torah, est définie dans la Tefila comme “Zman Matane Toraténou”, le moment du Don de notre Torah.

Pourtant la Torah ne fait pas mention du lien entre cette fête et le Don de la Torah.

De plus, Chavouot qui est rattaché à Pessa’h par le décompte des 49 jours du Omer, n’a pas de date fixe dans la Torah.

La date de Chavouot dépend de la fixation de Roch ‘Hodech (Tête du mois) par le Sanhédrin, et du fait que le cycle lunaire compte environ 29 jours 1/2, Les mois juifs comptent 29 ou 30 jours. Aussi Chavouot peut survenir du 5 au 7 Sivan, selon que les mois de Nissan et Iyar comptaient 29 jours (dans ce cas, Chavouot survient le 7 Sivan), ou l’un 29 et l’autre 30 jours (Chavouot tombe alors le 6 Sivan), ou tous deux 30 jours (Chavouot sera alors fixé au 5 Sivan).

Or, dans la Torah, le jour de Matane Torah est lié à l’arrivée des Bené Israël dans le désert du Sinaï le jour de Roch ‘Hodech Sivan (Chemot 19,1).

De plus, le fait de Matane Torah lui-même nécessite explication !

Nous sommes habitués à considérer que c’est lors de Maamad Har Sinaï (la “réunion” au Mont Sinaï) que Hachem nous a communiqué les Mitsvot de la Torah. Cette impression est renforcée par le fait que c’est au cours de cette révélation que Hachem a proclamé les Asséret HaDibrot (Dix Commandements). Pourtant, il apparait clairement dans la Torah que Hachem a transmis l’essentiel des Mitsvot à Moché Rabénou au fil du temps dans le désert.

Rav Matitiahou Salomon (Matnat ‘Haïm, Moadim, p.285) souligne une difficulté supplémentaire : puisque Moché Rabénou a brisé les premières Lou’hot (les Tables de la loi) et que nous avons ensuite reçu les secondes Lou’hot le 10 Tichri (Yom Kippour), lesquelles furent placées dans le Aron HaKodech, que nous reste-t-il de ce jour de Matane Torah de Chavouot ?! Pourquoi alors appelons-nous ce jour “Zman Matane Toraténou” (le moment du don de notre Torah) ?!

Dans son commentaire sur la Guemara (Avoda Zara 3a) le Maharcha soulève la question suivante : La Guemara dit que Hachem a fait dépendre l’existence de la Création de l’acceptation de la Torah par les Bené Israël le “6” (c’est une allusion dès le sixième jour de la Création au “6” Sivan, où a eu lieu Maamad Har Sinaï …)

Le Maharcha remarque que la Torah a été donnée le 51ème jour du Omer, et non le 50ème (La sortie d’Egypte eu lieu un Jeudi, et Matane Torah Chabat …donc le 51ème jour depuis la Sortie d’Egypte).

Pourquoi alors Hachem a-t-Il fixé Chavouot le 50ème du jour du Omer ?!

Le Maharcha répond que les Bené Israël n’étaient pas aptes à recevoir la Torah avant d’avoir été purifiés de l’impureté de l’Egypte.

Le “travail” de purification s’étendit sur 7 semaines, et s’acheva le 50ème jour. Après quoi, les Bené Israël furent aptes à recevoir la Torah le lendemain.

Hachem fixa le Yom Tov de Chavouot le jour où les Bené Israël atteignirent leur pleine purification.

Rav Matitiahou Salomon cite Rav Moché ‘Haïm Luzzato (Daat Tevounot) qui explique que Hachem nous octroya deux cadeaux : la capacité de “servir” Hachem en accomplissant toutes Ses Mitsvot, et la puissance qu’ont nos actes d’accomplir de grandes réalisations dans la Création.

Rav Luzzato ajoute que la faute d’Adam Harichon eut pour conséquence que l’Homme s’abaissa à être susceptible d’un Penchant au Mal.

Lorsque les Bené Israël arrivèrent au Har Sinaï, Hachem restaura leur aptitude à Le servir.

C’est là le sens des paroles de la Hagada de Pessa’h qui dissocie : “Il nous a approchés devant le Har Sinaï” de : “Il nous a donné la Torah”.

C’est également le sens des Paroles de Hachem : “et vous serez pour Moi une nation de Cohanim et un Peuple Kadoch (“Saint”). Telle est la distinction définitive entre les Bené Israël et les nations.  

Rav Salomon conclut que lors de Matane Torah nous n’avons pas reçu les Mitsvot, mais nous sommes devenus “assujettis aux Mitsvot”.

Cette perception de l’impact de Maamad Har Sinaï rejoint les paroles de la Guemara (Yevamot 103b) qui dit que les Bené Israël qui se sont tenus au Har Sinaï, leur souillure (de la faute initiale d’Adam Harichon) a cessé, tandis que les idolâtres qui ne se sont pas tenus au Har Sinaï, leur souillure n’a pas cessé. (La Guemara (Avoda Zara 22b) relie à cette différence la vulnérabilité des non-juifs aux mœurs déviantes comme la zoophilie …).

Rav Salomon explique que la purification des tendances naturelles (les “Midot”) s’est parachevée par les jours de préparation avant Matane Torah dans la Tahara (Pureté). Il explique que les acquis fondamentaux du Peuple Juif se sont enracinés dans leur cœur lorsque la souillure les quitta définitivement, de telle sorte que c’est avec ces “forces” que les Juifs abordent la Torah et les Mitsvot jusqu’à ce jour.

Il cite comme illustration les paroles du Rambam (Hilkhot Guérouchin, 2) citées dans notre Dvar Torah de la semaine passée (Bamidbar) selon lesquelles un Juif qui accomplit une Mitsva à la suite d’une contrainte du Beth Din (Tribunal) est considéré comme l’ayant accomplie de sa pleine volonté, car sa volonté profonde est d’accomplir les Mitsvot, et de s’éloigner des Avérot (fautes), et seule l’attaque du Yétser Hara (le Penchant du mal) l’a contraint à la rébellion.

L’intervention du Beth Din ne fait que rétablir l’équilibre de sa volonté profonde. 

Rav Salomon en conclut que c’est la nature de chaque Juif de vouloir accomplir la totalité des Mitsvot.

Et d’où leur provient une telle Kedoucha ? C’est ce qui résulte du fait que Hachem a rapproché les Bené Israël de Lui afin qu’ils soient “une nation de Cohanim et un Peuple Kadoch” lors de Maamad Har Sinaï, où a cessé leur souillure de la faute.

Le lien du Peuple Juif avec la Torah et les Mitsvot n’est donc pas une question de “philosophie”, ou de “conception intellectuelle”. Il s’agit uniquement de “Kedoucha”, c’est-à-dire un état spirituel “propre” de toute atteinte de Toum’a (impureté) de la faute.

Considérons les racines de la faute d’Adam Harichon et de la souillure qu’elle a imprimée dans l’humanité, et à laquelle les Bené Israël ont échappé par la Sortie d’Egypte, couronnée par Maamad Har Sinaï.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, Devarim, p.704) explique que la souillure que le “Na’hach” (le “Serpent”) a communiqué à ‘Hava lorsqu’il l’a amenée à la faute est la “Gaava” (l’orgueil).

C’est-à-dire que la conscience de soi au-delà de la soumission à Hachem est en soi la déviation la plus grave de l’Homme, qui entraine toutes les fautes à sa suite.

Et selon l’explication de Rav Epstein, c’est également la caractéristique d’Amalek.

L’alternative est donc entre l’abnégation totale et le fait de se voir une existence “indépendante” de Hachem, si peu que ce soit.

Cette année nous lirons la Parachat Nasso après Chavouot. Cette Paracha fait suite à la mise en place des Degalim (campements des Bené Israël autour du Michkan (Tabernacle), et à la place des Leviim dans la Avoda (Service de Hachem). Après le complément de définition des familles des Leviim et leurs rôles respectifs, figure la Mitsva de “Chiloua’h Teméïm” (Bamidbar 5, 1-4), c’est-à-dire l’éloignement des personnes affectées de diverses contaminations de Toum’a (impureté) des zones respectives du campement.

La Toum’a la plus grave est celle du Metsora (une affection de la peau surnaturelle).

La plaie du Metsora vient sanctionner celui qui a commis certaines fautes énumérées dans la Guemara (Arakhin 16a) et justifie de ce fait l’exclusion de la totalité du campement d’Israël.

La Toum’a intermédiaire, celle des écoulements issus du corps, entraine l’éloignement du fauteur loin du campement réservé aux Leviim dans le cadre de leur Avoda.

Enfin, les cas de Toum’a par contact, comme le fait d’avoir approché un cadavre, n’entrainent que l’exclusion du “campement de la Chekhina (Présence Divine)”, c’est-à-dire de l’enceinte du Michkan (ou du Beth HaMikdach (Le Temple, par la suite).

Rav Guedaliahou Schorr (Or Guedaliahou, Nasso) cite le Chela HaKadoch qui relie le “campement” au corps de l’Homme. Tout comme les personnes atteintes de Toum’a doivent être éloignées du campement, les fautes doivent être chassées du corps humain.

Celui-ci comporte trois “zones” : le “cerveau”, le “cœur”, et l’abdomen et ses organes. Ils correspondent aux trois “zones” du campement, et pareillement les fautes aux diverses catégories de Toum’a.

Rav Schorr justifie ainsi tout l’enchainement des passages successifs de la Paracha, comme étant liés à la Kedoucha du campement défini depuis la Paracha Bamidbar.

Chavouot est donc la source de notre purification, placé chaque année entre les premières Parachiot de Bamidbar qui sont le prolongement dans le quotidien des acquis de Matane Torah.

Les 7 semaines du Omer, suivies du rendez-vous annuel avec “l’écho” de Matane Torah, trouvent leur résonnance dans la lecture de la Torah.

Profitons aussi pleinement que possible du renouveau annuel de notre purification à Chavouot ainsi qu’à travers les Parachiot du Séfer Bamidbar qui, comme nous l’avons souligné dans le Dvar Torah de la semaine dernière, ont toujours la même actualité.

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Rav Eliezer RISSMAK     Yechiva OHALE YAACOV    
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