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Parasha – 233 – Vayichla’h – 5786

בס »ד
La Paracha Vayichla’h décrit les péripéties qui ont accompagné le retour de Yaacov Avinou de chez Lavan.
Outre sa confrontation à Essav, la Torah nous relate un épisode particulièrement douloureux de cette période : l’enlèvement et l’agression dont a été victime Dina, la fille de Yaacov Avinou et de Léa et ses conséquences (Beréchit 34, 1-31).
Nos Commentateurs se penchent sur les raisons qui ont valu à Yaacov Avinou un tel Nissayon (épreuve), ainsi que ce qui a causé ce malheur à Dina elle-même.
Nous étudierons ici la réaction des frères de Dina, Chimon et Lévi, sur le « bien-fondé » de leur action, et sur ses répercutions sur l’avenir de leurs descendants.
Commençons par l’aboutissement de cet épisode, le massacre par Chimon et Lévi de toute la ville de Chekhèm dont le Prince était son agresseur, et la réaction critique de Yaacov Avinou.
Nos Commentateurs, depuis les plus anciens comme le Rambam, le Ramban, Rabénou Yona, s’interrogent sur le droit des fils de Yaacov de tuer toute une ville pour la faute d’un seul homme ?!
Le Ramban cite la réponse du Rambam que c’est au titre de leur abstention de juger Chekhèm pour son forfait qui, comme tout « vol », aurait justifié de la peine de mort. En n’accomplissant pas la Mitsva de justice qui s’inscrit dans les obligations des « Bené Noa’h », les sept lois « Noa’hides », les habitants de la ville méritaient la peine de mort comme pour toute infraction des Bené Noa’h.
Le Ramban repousse cette interprétation pour diverses raisons, et propose sa propre explication : « Il n’est pas nécessaire de chercher une cause particulière à la peine de mort méritée par l’ensemble des habitants de Chekhèm. Ils avaient tous certainement à leur actif toutes sortes de fautes (idolâtrie, fautes de mœurs, etc. …) pour chacune desquelles un homme serait passible de mort selon les lois Noa’hides.
Toutefois, il n’incombait pas à Yaacov et ses fils de « faire le ménage » dans le Monde. Aussi Yaacov lui-même n’envisageait pas, à juste titre, de s’en prendre à toute la population de Chekhèm.
Le Ramban explique qu’étant donné que toute la population de la ville justifiait essentiellement d’une telle sentence, les « frères de Dina » (34, 25) choisirent de venger l’agression sur tous les sujets du Roi qui l’avaient soutenu dans son forfait. Quant à la « Brit » (circoncision) que les hommes de Chekhèm avaient accomplie, ce n’était pas dans un esprit d’alliance avec Hachem comme pour les Bené Israël, mais exclusivement par complaisance envers leur Prince ; aussi, rien ne les mettait à l’abri de cette intervention « violente » de Chimon et Lévi.
Toutefois, Yaacov Avinou considérait cette réaction comme injustifiée dans ces circonstances pour diverses raisons, entre autres pour la trahison de leur proposition de s’intégrer à la ville par l’alliance de la Mila (Circoncision), même si cette suggestion n’avait comme but que de les amener à s’affaiblir ce qui permettrait d’extraire Dina de sa captivité, mais Yaacov n’envisageait pas dans cela une action supplémentaire comme Chimon et Lévi le firent …
Rabénou Yona (Contemporain du Ramban) explique (Drachot et Pérouché Rabénou Yona sur la Torah, p. 67) que bien que Yaacov Avinou ait évidemment perçu la tromperie dans la proposition de ses fils à Chekhèm, il ne leur a reproché que les conséquences dangereuses de leur action : « Vous m’avez troublé en me discréditant chez les habitants du pays … ».
Il ne leur a pas reproché d’avoir tué des innocents, car les habitants de Chekhèm n’étaient pas innocents, ne s’étant pas opposés aux actes criminels de leur Prince, et leur « conversion » par la circoncision n’était pas sincère, puisqu’elle n’avait pas d’autre but que de satisfaire les pulsions de leur gouvernant dans son crime envers Dina. Ils étaient donc bien passibles de mort.
Le Or Ha’Haïm HaKadoch explique, quant à lui, que l’intention de Chimon et Lévi n’était pas de tuer tous les hommes de la ville, mais qu’ils s’étaient dressés face à eux pour protéger leur prince, et qu’ils constituaient une menace pour les fils de Yaacov. De plus ils étaient complices du forfait de leur gouvernant.
C’est également l’explication du Malbim (34, 25-26) qui ajoute que leur « conversion » n’avait comme but que de pouvoir voler les biens de Yaacov. Chimon et Lévi durent tuer tous les hommes pour arriver jusqu’à Dina pour la sortir du palais de Chekhèm.
Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah, 34, 25) explique encore différemment. Il dit que cet épisode ne doit pas être considéré comme un conflit entre individus qui doit être réglé selon les lois. Ici il s’agit d’une atteinte à une entité « nationale » : Israël, comme le dit le verset: « Car il avait commis une indignité « dans Israël » … » (34, 7).
Et un conflit entre « groupes nationaux » débouche sur une guerre. Les fils de Yaacov livrèrent donc bataille contre la ville de Chekhèm. Il ajoute toutefois qu’ils avaient certainement eu connaissance des projets de spoliation des biens de Yaacov qui animaient ‘Hamor et son fils Chekhèm, et que ceux-ci avaient communiqués à leurs concitoyens. Ainsi, ils avaient le droit et le devoir de prendre les devants face à cette menace à leur encontre.
Pour ce qui est des prémisses de l’intervention des fils de Yaacov Avinou, la question se pose : comment se fait-il que les Chevatim ont répondu à Chekhèm et ‘Hamor devant leur père (34, 13), alors que la Torah critique Lavan pour ce même comportement : « Et Lavan répondit, et Betouel, et ils dirent … » (Beréchit 24, 50).
Rachi souligne à ce sujet : « C’était un Racha et il a sauté pour répondre avant son père ».
Le Maguid MiDouvna répond (Ohel Yaacov 34,13) que c’est la raison pour laquelle le verset mentionne qu’ils répondirent « avec ruse ». C’est parce qu’il était nécessaire de parler avec ruse, avec celui « qui avait souillé Dina leur sœur », et que ce n’était pas de l’honneur de Yaacov de parler de cette façon.
Aussi, pour son honneur, ils lui épargnèrent cette indignité en l’assumant à sa place. Il compare cela au cheminement d’un père accompagné par son fils. Tant que le chemin est praticable, le père marche devant. Dès lors qu’il faut traverser la boue, le fils marche devant pour préparer ses pas …
La Torah rapporte le dialogue entre les Chevatim (les fils de Yaacov Avinou, ancêtres des 12 Tribus) et Chekhèm, Prince de la ville de ce nom, qui avait fait violence à Dina, et son père ‘Hamor (34, 6-17).
Le verset (13) dit : » Les fils de Yaacov répondirent à Chekhèm et à ‘Hamor son père avec ruse et ils dirent … ».
Le Malbim explique en quoi consistait la ruse : pour endormir la méfiance de leurs interlocuteurs, ils ne s’appesantirent pas sur le « vol », le rapt, qui était l’essentiel de la faute, ce qui aurait amené les cananéens à se méfier de la proposition de faire circoncire toute la population de la ville. Ils affectèrent donc de se focaliser sur l’impossibilité pour Dina d’épouser un « incirconcis » …
Mais où se situait l’opposition de Yaacov Avinou, et la réponse de ses fils ?!
Il dit à Chimon et Lévi : « Vous m’avez troublé en me discréditant chez les habitants du pays … ». Et ils lui répondent : » Notre sœur serait-elle traitée comme une prostituée ?! » (34, 31).
Le Malbim explique que Yaacov soulignait le danger de la réaction possible des peuples avoisinants. Face à cela, Chimon et Lévi répondirent qu’au contraire l’absence de réaction à l’agression de Dina serait perçue comme un signe de faiblesse qui encouragerait à la récidive …
Rav Tsvi Chraga Grossbard (Tiférèt Chraga, p.269) explique que le dialogue entre Yaacov et ses fils portait sur le ‘Hilloul Hachem (la profanation du Nom de Hachem) pouvant résulter de cet épisode. Yaacov Avinou considérait que le châtiment de toute une ville serait perçu défavorablement par les peuples autour et entrainerait un ‘Hilloul Hachem qui justifiait de s’abstenir même d’une action justifiée. Chimon et Lévi répondirent qu’un plus grand ‘Hilloul Hachem résulterait de la passivité qui donnerait à penser qu’une fille de Yaacov est à la disposition du premier venu …
Nous voyons encore que Yaacov Avinou rabroue Chimon et Lévi pour leur initiative (34, 30), puis, lorsqu’il bénit ses fils avant sa mort, il renouvelle sa remontrance à Chimon et Lévi (49, 5-7), mais simultanément il leur attribue les fonctions les plus précieuses du Peuple Juif, la Avoda (le Service) dans le Beth HaMikdach (Temple) pour Lévi, et les rôles essentiels de l’enseignement aux enfants et de l’écriture des Sifré Torah, Tefillin et Mezouzot (Rachi, 49, 7) pour Chimon.
Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov, 49, 7) explique que Yaacov exprime ainsi que Chimon et Lévi ont manifesté dans leur élan une capacité d’abnégation et un « emportement » qui sont indispensables pour mener à bien ces fonctions qui requièrent une énergie considérable. Yaacov leur a donc tracé la route de l’exploitation appropriée de leurs potentialités. Les Berakhot de Yaacov aux Chevatim ne se limitaient pas à ses fils, mais s’adressaient à toute leur descendance.
Toutefois on constate des siècles plus tard à la génération du Désert que les rôles ne sont pas restés identiques. Alors que Pin’has, issu de Lévi, a perpétué « l’emportement » de son ancêtre pour la Kedoucha lors de l’écart de Zimri qui a fauté avec une Midyanite (Bamidbar, 25, 6-8). Dans cet évènement, Zimri lui-même, issu de Chimon, était « du mauvais côté ».
Rav Kamenetski explique qu’en Egypte les descendants de Lévi sont restés attachés à l’étude de la Torah, étant dispensés de ce fait de la servitude de Par’o, aussi leur élan est resté dans la même pureté. Par contre, les descendants de Chimon qui n’ont pas échappé à l’asservissement, comme le reste des Tribus, ont vu l’élan de leur ancêtre continuer à se développer sans être canalisé par la Torah. Aussi son énergie a jailli sous la forme de l’intervention de Zimri qui a bravé Moché Rabénou pour se solidariser avec sa Tribu, particulièrement touchée par la proximité malsaine des Midyanites.
Chaque élément, chaque évènement ou épisode des descriptions « historiques » de la Torah a pour but de nous éclairer sur nos racines, les potentialités que nous avons héritées et que nous devons exploiter, et les faiblesses que nous portons en nous que nous devons surmonter et canaliser.

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