Parasha – 228 – Lekh Lekha – 5786

בס »ד

Paracha Lekh Lekha

Notre Paracha présente Avraham Avinou et développe les évènements qui suivirent son installation en Pays de Canaan. Son neveu Lot qui jusqu’à cette période avait suivi Avraham, se sépara de son oncle et Maitre et s’installa dans la ville de Sedom.

La Torah raconte la guerre que menèrent quatre rois, dont le suzerain de Sedom et des villes voisines, contre tous les peuples de la région qui s’étaient rebellés contre son autorité. Dans cette campagne, ils vainquirent les cinq rois, prirent leur butin, et emmenèrent leur population en captivité, ainsi que Lot parmi les captifs. 

Informé de la situation de Lot, Avraham partit en guerre contre ces quatre rois puissants afin de délivrer son neveu. Après une victoire éclatante, Avraham revint et présenta le Maasser (Dime) du butin à Malki-Tsédek (Chem, fils de Noa’h ; Rachi), mais refusa par contre de garder pour lui-même quoi que ce soit du butin de la guerre, rendant le tout au Roi de Sedom. (Beréchit 14 ; 1-24).

 Cet épisode représente 24 versets de la Torah ! 

Que vient nous apprendre ici la Torah, par ailleurs si « économe » de ses mots ?!

Quel message devons-nous retenir de ce récit ?

Plusieurs facettes sont soulignées par nos ‘Hakhamim dans le Midrach et dans les commentaires :

– Le verset dit qu’Avram entendit que son « frère » (son proche, Lot) avait été pris en captivité … et il poursuivit … » (14, 14). Comment Avram s’est-il mis en danger en partant en guerre contre ces rois puissants dans le but de sauver Lot dont l’inconduite avait contraint Avram à l’éloigner de son foyer, et alors que Lot avait tourné le dos aux valeurs qu’Avram représentait et avait choisi de s’installer à Sedom, lieu de tous les vices. 

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p.93) cite le Ramban (19, 29), et explique que Lot ayant suivi Avram dans ses pérégrinations, Avram avait contracté une responsabilité à son égard, jusqu’à devoir se mettre en danger pour le sauver. Rabbi Yerou’ham ajoute au nom du Gaon de Vilna que partout où est mentionné qu’un homme a une « obligation », cela va jusqu’à devoir faire « Messirout Néfech » (donner sa vie).

Rav Yossef Tsvi Salant (Beér Yossef, p.36) explique que lorsque Lot quitta Avram, celui-ci lui dit qu’il serait toujours « à ses côtés » face aux besoins (Beréchit 13, 9). Cet engagement le liait jusqu’au point d’entreprendre cette démarche dangereuse.

– La Torah met encore en valeur le Ness (miracle) du sauvetage du roi de Sedom d’un puits de glaise dans lequel il était tombé dans sa fuite (14, 10). Rachi souligne que ce Ness eut comme effet de rendre plus crédible aux contemporains le Ness par lequel Avram échappa à la fournaise où l’avait jeté Nimrod. 

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah p.91) rapporte l’étonnement du Ramban sur un tel rapprochement : en quoi le miracle dont a bénéficié un idolâtre serait-il une référence pour le Ness du Tsadik ?! 

Rabbi Yerou’ham répond que le scepticisme face au Ness est essentiellement dû au doute sur l’existence de faits échappant aux lois de la nature. A partir du moment où quelqu’un est confronté à cette réalité, plus rien ne s’oppose à la Emouna dans le Ness du Tsadik. 

– A l’issue de ces évènements, Avram refuse de conserver le butin de son expédition qui lui appartient en vertu du droit de guerre, afin que le Roi de Sedom ne s’attribue pas le mérite d’avoir enrichi Avram, occultant ainsi l’intervention Divine dans la fortune d’Avram, diminuant ainsi le « Kiddouch Hachem » (« Sanctification du Nom de Hachem »). 

Ces divers éléments sont certainement autant d’enseignements précieux. Toutefois ils n’expliquent pas réellement le récit exhaustif de la campagne des quatre rois contre les divers peuples de la région !

Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, p.89) rapporte un Midrach (Beréchit Rabah 42, 1) relatif à cet épisode. Nos ‘Hakhamim racontent les « débuts » d’un grand parmi nos Maitres, Rabbi Eliezer Ben Hourkenous. Il labourait les champs de son père lorsque sa vache fit une chute et se cassa une patte. Il prit appui sur ce fait pour conforter son aspiration à étudier la Torah, et s’enfuit chez Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï. Il se consacra avec « Messirout Nefech » à son étude, au point de s’alimenter dans son dénuement avec de la terre qui pollua son haleine. 

Après une longue période, son père vint à Yerouchalaïm pour lui interdire le profit de ses biens à l’avantage de ses frères qui étaient restés à ses côtés pour travailler ses champs. 

Il arriva alors que son fils faisait un exposé. Rabbi Eliezer analysait le verset : « Les Rechaïm (méchants) ont dégainé l’épée et tendu leur arc, pour faire tomber le pauvre et l’indigent, pour égorger ceux qui ont une voie droite. Leur épée viendra dans leur cœur, et leurs arcs seront cassés ! » (Tehilim 37, 14). 

Rabbi Eliezer relia ce verset aux quatre rois de notre Paracha : « Pour faire tomber le pauvre et l’indigent », il s’agit de Lot. « Pour égorger ceux qui ont une voie droite », c’est Avraham ! 

« Leur épée viendra dans leur cœur »… « il se partagea à leur poursuite de nuit, lui et ses serviteurs, et les battit. 

Son père lui dit : « Mon fils je n’étais venu ici que pour t’interdire de profiter de mes biens ; Maintenant, tous mes biens te sont donnés en cadeau ». Il (Rabbi Eliezer) dit :  » Qu’ils me soient interdits, et que je ne sois dans eux qu’égal à mes frères ! ». 

Rav Chalom Chapira cite une autre version de cet épisode (Avot De Rabbi Nathan, Chapitre 6), où il est dit qu’il (Rabbi Eliezer) enseigna des choses qu’aucune oreille n’avait jamais entendues, et à chaque parole qui sortait de sa bouche, Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï se levait et l’embrassait sur sa tête ».

Rav Chapira s’étonne de l’émerveillement de son père face à cet enseignement au point de lui donner tous ses biens, déshéritant ainsi ses autres fils ?! Qu’y avait-il de si extraordinaire dans cet exposé ?!

Rav Chapira explique que notre incompréhension vient de ce que nous voyons dans cette guerre un fait qui ne nous concerne en rien, et que seule l’intervention d’Avram et sa victoire et le sauvetage de Lot justifieraient tout ce récit. 

Or, en réalité ce passage révèle toute la relation entre Israël et les nations tout au long de l’Histoire

La profondeur de l’analyse de Rabbi Eliezer réside dans cette compréhension que l’essentiel de cette guerre était en vérité tourné vers Avram, la capture de Lot elle-même devant servir « d’appât » pour attirer Avram dans le piège qui leur permettrait de le tuer. 

Comprendre que les conflits entre nations visent fondamentalement Israël et préparent l’aboutissement de l’Histoire, la venue du Machia’h, telle était la grandeur de Rabbi Eliezer que son père et Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï ont reconnue. Cette explication est confirmée dans le Zohar HaKadoch (86b) qui souligne que dès qu’ils eurent capturé Lot, les rois se préparèrent à repartir (14, 12). 

Rav Chapira compare cette analyse à notre attitude face aux évènements

Lorsque nous voyons que le Monde entier nous est hostile, d’Est en Ouest (Rav Chapira édita ses enseignements il y a près de soixante ans …), nous relions cela aux « mouvements de politique générale », et considérons que nous ne sommes que des « victimes collatérales » … 

C’est pour corriger cette vision erronée que ces évènements sont rapportés dans la Torah, afin de nous apprendre que la source initiale de ces faits visait Avram. 

C’est cette lecture profonde d’un passage apparemment « anodin » de la Torah qui provoqua l’enthousiasme de Rabbi Yo’hanan Ben Zakaï. 

Au-delà des années depuis son enseignement, Rav Chalom Chapira nous apprend à déchiffrer l’actualité …

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