Parasha – 227 – Noa’h – 5786

בס »ד

La Paracha Noa’h, qui décrit les évènements du Maboul (Déluge) et des générations qui l’ont suivi jusqu’à la Tour de Bavel, s’achève sur l’apparition d’Avraham Avinou. 

Pour l’introduire, la Torah dit (Beréchit 11, 26-27) : « Téra’h était âgé de soixante-dix ans, et il engendra Avraham, Na’hor et Haran. Et voici les descendances de Téra’h : Téra’h engendra Avram, Na’hor et Haran. Et Haran engendra Lot ».

L’insistance de la Torah à rattacher Avraham à son père Téra’h dans le second verset a de quoi surprendre. 

Pourquoi la Torah insiste-t-elle tant à rattacher Avraham à son père Téra’h ? 

Cette insistance se répète dans le verset de Yehochou’a (24, 2) : « Yehochou’a dit à tout le peuple : ainsi a dit Hachem Dieu d’Israël : de l’autre côté du fleuve résidaient vos ancêtres depuis toujours, Téra’h le père d’Avraham et le père de Na’hor, et ils servaient des dieux étrangers. Et J’ai pris votre père Avraham de de l’autre côté du fleuve, et Je l’ai amené dans tout le pays de Canaan … »

Comment comprendre ce rappel des origines idolâtres d’Avraham, alors qu’il s’en est délibérément détaché de toutes ses forces ?!

N’est-ce pas comparable à rappeler à un baal Techouva ses erreurs passées, ou à un Guer (converti) son passé ?! (ce qui est interdit !)

De plus le Midrach (Bamidbar Rabah 19, 1) cite le verset (Iyov 14, 4) : « Qui produira le Tahor (Pur) du Tamé (Impur ?! pas un ! ». Le Midrach comprend ce verset ainsi : « Qui pourrait produire le Tahor du Tamé ? si ce n’est « Un«  ! (Celui Qui est Unique : Hachem) « . Le verset vient souligner que seul Hachem peut produire le Tahor à partir du Tamé. Et pour illustrer cette notion, le Midrach cite entre autres « Avraham à partir de Téra’h » … 

Que signifie cette affirmation que « seul Hachem » peut « extraire » le Tahor du Tamé ? 

En quoi Avraham est-il une illustration de ce principe ?

Rav Eliahou Eliezer Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, p.21) répond que la Torah vient ici nous souligner la grandeur d’Avraham Avinou ! Réalisons la force d’Avraham qui « nage contre le courant » général. Il n’est déjà pas facile de s’opposer à un environnement opposé si peu que ce soit. Mais comment nous représenter la force d’Avraham qui lutta contre une génération entière composée uniquement d’idolâtres depuis tant de générations ?! 

Une telle fermeté ne peut provenir que d’une décision comme « de l’acier » de ne pas se soumettre ! Rav Dessler explique que cette force amena à Avraham le « Brit » (l’Alliance) irrévocable que Hachem n’abandonnerait jamais ses descendants. C’est-à-dire que le noyau profond de Kedoucha enfoui au fond de chacun d’Israël ne sera jamais éliminé. Tel est notre héritage, issu de cette opposition sans faille au monde dont était Issu Avraham. C’est ce que la Torah vient nous enseigner ici en soulignant le contraste entre Avraham et son père Téra’h. 

Rav Dessler explique encore (Mikhtav MeEliahou, I, p. 157-160) qu’Avraham prit appui » sur le constat du Mal qui l’entourait, et se renforça d’autant plus dans son attachement sans réserve à Hachem. Il en découle que le Mal lui-même lui servit à gravir les plus hauts niveaux de Kedoucha (« Sainteté ») acquérant ainsi cette grandeur « héréditaire » transmise à tous ses descendants jusqu’à la fin des temps. Dans ce sens le Mal-même devient un outil de Kedoucha et trouve le vrai sens de son existence.

Rav Dessler ajoute que c’est pour cette raison que nos ‘Hakhamim enseignent (Guemara Sanhédrin 98a) : « Le Fils de David (le Machia’h) ne viendra que dans une génération totalement méritante, ou totalement condamnable ». 

Pourquoi une génération moins « fautive » ne mériterait-elle pas la venue du Machia’h ?! Mais c’est parce qu’une génération qui aura atteint le fond de l’iniquité ressentira dans sa Techouva un élan exceptionnellement puissant qui la propulsera aux plus hauts niveaux !

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion sur le Midrach, Bamidbar Rabah 19, 1) explique l’enseignement de nos ‘Hakhamim. Le fait que le Tahor (Pur) puisse être issu du Tamé (Impur) comme Avraham à partir de Téra’h, et les autres exemples cités par le Midrach, montre l’Unicité de Hachem, et Sa Présence et Son intervention permanentes dans les moindres détails du fonctionnement du Monde. 

Face à ceux qui prétendent que Hachem est « trop élevé » pour se préoccuper des « petites affaires » du Monde, des interventions comme l’évolution d’Avraham s’inscrivent en réfutation. En effet, si le Monde avait été « confié » comme ils le disent à des « mécanismes » naturels, il ne pourrait pas y avoir place à de telles « ruptures ». Comment concevoir que c’est à partir d’un élément dont la nature consiste à se soumettre à tous ses appétits que proviendra un être qui rejettera cette nature. La présence d’un « Avraham » dans l’Histoire réfute toute thèse « déterministe ». 

C’est donc pour souligner …. que la Torah qui ne contient pas une seule lettre ni un mot superflu,  mentionne le « passage » la filiation ? de Téra’h à Avraham à la fin de la Paracha Noa’h, au seuil des Parachiot consacrées à Avraham. C’est également ce que Yehochou’a souligne dans le verset que nous citons dans la Haggadah le soir de Pessa’h, lorsque nous revivons l’évènement qui marque l’intervention de Hachem dans l’Histoire !

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, III, p.219) développe encore cet enseignement. Il souligne que le fait que du Tamé sorte le Tahor montre qu’il n’y a pas du tout de « Râ » (Mal) dans la Création. Comme la suite du Midrach le dit « le Olam Haba (le Monde à venir) du Olam Hazé (ce Monde) ! Tout l’aboutissement de la Création ne peut être issu que de « ce Monde », « inférieur », plein de « défaut », sans « harmonie ». Et c’est précisément là que se construit le Olam Haba qui est le sommet du Chalom (Harmonie). Cela manifeste l’Unicité de Hachem, et qu’il n’y a pas du tout de Râ (Mal) dans la Création. 

Rabbi Yerou’ham cite les paroles de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato dans le Messilat Yecharim (Chapitre I) : « Hachem a placé l’Homme dans un endroit où nombreux sont les éléments qui l’éloignent de Hachem. Et s’il est un héros et remporte la guerre sous toutes ses facettes, il sera l’homme accompli qui accèdera à s’attacher à son Créateur, et sortira de « l’antichambre » (ce Monde), et entrera dans le « Palais » (le Olam Haba) pour être éclairé de par la lumière de la Vie. C’est ainsi que le Olam Hazé ressemble à une antichambre face au Olam Haba (Michna Avot 4, 16). Là se manifeste pleinement l’Unicité de Hachem. 

Rabbi Yerou’ham conclut sa lettre en soulignant à son destinataire que les péripéties de l’existence que nous percevons comme des entraves à notre Service de Hachem sont en réalité les circonstances de l’épreuve par laquelle Hachem veut nous mener à l’accomplissement, dans la mesure où nous saurons surmonter tous les obstacles avec Emouna. 

C’est à partir des épreuves de la vie, des ténèbres que nous affrontons, que nous sommes appelés à nous attacher pleinement à Hachem. 

Que notre situation de génération tellement plongée dans les ténèbres d’une vie dédiée au confort matériel nous amène à une Techouva « spectaculaire » qui fera jaillir d’une « génération totalement condamnable » la Gueoula Ultime avec la venue du Machia’h ! 

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