LE RABBI DE KALOV – 157 – Shoftim – 5785

L’importance de l’étude du Moussar

« afin qu’il s’habitue à révérer l’Éternel, son D.ieu (…) afin que son cœur ne s’enorgueillisse point à l’égard de ses frères, et qu’il ne s’écarte de la Loi ni à droite ni à gauche. »

Un jour, des hommes se rendirent chez le Ramban zal et lui rapportèrent qu’un certain prêtre était très humble, il s’annulait devant tout un chacun et discutait même à des enfants, etc. Mais le Ramban mit en doute l’humilité authentique de l’homme. En effet, l’humilité authentique n’est présente que chez un Juif qui croit à la Providence divine.
Le Ramban partit avec eux pour observer la conduite du prêtre et remarqua qu’il se conduisait avec une grande humilité. Lorsqu’il prit congé du prêtre pour rentrer chez lui, le prêtre lui demanda : « Alors, que dit votre honneur sur mon humilité ? » On vit ainsi que toute sa conduite n’émanait pas d’une humilité réelle, mais de la volonté de se vanter de celle-ci.
Pour ancrer cette idée encore plus profondément, le Ramban répondit au prêtre : « Je me pose une question importante. Dans notre Torah, il est écrit : ‘Cet homme Moché était fort humble, plus humble que tout homme qui fût sur terre », or vous êtes plus humble que lui. » Le prêtre répondit : « En effet, cette question me perturbe depuis bien longtemps. » Le Ramban rétorqua alors : « Comme vous vous posez cette question, pour moi, cette question n’a plus de sens. »
Nous vivons une époque d’exil parmi les nations du monde, dont les dirigeants se conduisent souvent avec fierté et grossièreté, et même chez ceux qui tentent de présenter une image de modestie, le font pour s’enorgueillir et se faire honorer.
Cela démontre qu’il est très difficile de trouver une entente et de parvenir à une résolution des conflits entre pays, car même lorsqu’un pays remarque que le conflit est très gênant pour lui, il estime que faire la paix constituerait une atteinte à son honneur, et pour cette arrogance, il est prêt à renoncer à l’intérêt de sa nation pour protéger son honneur.
Il faut donc déployer des efforts particuliers pour ne pas s’habituer à tolérer et à accepter comme la norme ce défaut de l’orgueil, au risque de l’adopter et de suivre les voies des nations. La solution consiste à intensifier l’étude d’ouvrages qui renforcent la Émouna, la foi dans la Providence divine, qui conduit à l’humilité.
Le fondement de cette idée, stipulant que l’humilité sincère provient de la Émouna dans la Providence divine, est explicité avec brio dans la célèbre missive envoyée par le Ramban, alors résident d’Acco, à son fils en Catalogne : celui pour qui la Émouna est ancrée solidement dans son cœur sait que tout qu’il possède ne résulte pas de ses propres efforts et de sa puissance et comprend qu’il n’a aucune raison de s’enorgueillir. Il s’exprime en ces termes : « Celui qui s’enorgueillit dans son cœur sur les créatures se rebelle contre le royaume céleste. À quel sujet l’homme pourra-t-il s’enorgueillir ? Sur la richesse ? ‘L’Éternel appauvrit et enrichit’ (Chemouël I 2,7), et s’il se vante de son intelligence : ‘Il enlève la parole aux orateurs éprouvés et ôte le jugement aux vieillards.’ (Yov 12,20). »
Lorsqu’on n’étudie pas de livres qui renforcent la foi dans la Providence et la grandeur du Créateur, on glisse vers l’orgueil et cela engendre une grande impureté et multiplie les disputes, la jalousie, la haine, la médisance, la colère, le mensonge et la moquerie. Cela entraîne aussi la disparition de la Présence divine chez l’homme, comme l’indique ce passage (Sota 5a) : Hachem dit à propos des hommes orgueilleux : « Lui et Moi ne pouvons cohabiter sous le même toit. » Ainsi, les forces du mal peuvent influer sur lui et le conduire à négliger sa pratique des Mitsvot.
À mon grand regret, j’ai constaté, au fil des ans, que dans certaines Yéchivot, une session d’étude des livres de Moussar (éthique juive) est omise. Avant la Première Guerre mondiale, certains grands Maîtres lituaniens avaient jugé qu’il n’était pas nécessaire de fixer un cours de Moussar chaque jour dans leur Yéchiva, estimant qu’on pouvait se suffire du pouvoir de pureté contenu dans l’étude de la sainte Torah. Mais le ‘Hafets ‘Haïm zatsal, dans son ouvrage Beth Israël, publié en 1928 – qui s’était entretenu quelques années plus tard avec ces Maîtres, qui avaient admis que les idéologies erronées s’étant beaucoup répandues – insiste sur la nécessité impérieuse d’introduire l’étude du Moussar dans les Yéchivot. En effet, en son absence, le maintien de la Torah et la crainte du Ciel n’est pas assuré.
Ce principe est explicité dans les propos de nos Sages (Chabbath 31a) au travers d’une parabole : tout comme lorsqu’on entrepose du blé, on est tenu d’y mêler de la terre salée pour éviter qu’il ne pourrisse, de la même manière, on est tenu de mêler à l’étude de la Torah la crainte du Ciel, car c’est uniquement de cette façon que l’homme pourra se conduire toute sa vie, conformément à la Torah.
Dans cette perspective, le Ba’al Chem Tov, que son mérite nous protège, interprète ce verset des Téhilim (36,4) : « Les paroles de sa bouche ne sont que fausseté et perfidie, il renonce à être sage, à bien agir », l’essentiel de la perfidie du Yetser Hara adressée à l’homme consiste à l’éloigner de l’étude des livres de Moussar et de ‘Hassidout , qui lui apportent un bienfait réel et le conduisent à la crainte du Ciel. Et lorsque le mauvais penchant parvient à écarter l’homme de cette étude des textes du Moussar, le Yetser Hara est moins dérangé par l’étude de la Torah, car la Torah sans la crainte du Ciel, ne peut perdurer.
Il est donc absolument impératif pour les Yéchivot et les institutions de Torah d’introduire des sessions d’étude régulière des ouvrages de Moussar. Nous constatons, en effet, que des élèves de Yéchiva issus de Yéchivot où l’on n’étudie pas des ouvrages de Moussar, qui enseignent à l’homme la grandeur du Créateur et sa propre insignifiance, vivent souvent une baisse spirituelle après leur mariage, pour n’avoir pas purifié leur cœur avec la vertu de l’humilité. Lorsqu’ils en viennent au stade de construire leur foyer et de vivre avec de nombreuses personnes, l’orgueil conduit à la jalousie et à la haine et les fait perdre leur raison et leur foi, et ainsi, ils se gâchent la vie sur le plan spirituel et matériel.
C’est l’idée exprimée dans notre verset : « afin qu’il s’habitue à révérer l’Éternel, son D.ieu » : il faut étudier les ouvrages de crainte du Ciel et de Moussar, « afin que son cœur ne s’enorgueillisse point à l’égard de ses frères » : afin qu’il évite de s’enorgueillir dans son cœur, et ainsi il mérite de « ne s’écarter de la Loi ni à droite ni à gauche. »
Chabbath Chalom !

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