Parasha – 187 – Bo 5785

בס »ד

La Paracha Bo marque la fin des dix Makot (Plaies) que Hachem a infligées aux Egyptiens, et enfin la Sortie d’Egypte.

Au milieu de la Paracha, la Torah donne les Mitsvot relatives à Pessa’h, que ce soit le « Pessa’h » de la veille de la sortie d’Egypte, ou la Mitsva pour toutes les générations à venir de célébrer Pessa’h chaque année (Chemot 12, 3-13, 27).

Toutefois, avant ces règles, Hachem enseigne à Moché Rabénou les règles relatives à l’établissement de notre calendrier (12, 1-2) la fixation de Roch ‘Hodech (la Tête du mois), et le décompte des mois à partir de Nissan, mois de la Sortie d’Egypte.

Ce passage soulève diverses questions :

  • Pour quelle raison ces Mitsvot ont-elles été placées juste à ce moment « clé » de l’Histoire du Peuple Juif, encore avant d’être libéré d’Egypte ?!
  • Dans le premier paragraphe de son commentaire de la Torah (Beréchit 1, 1) Rachi dit que la Torah aurait dû commencer par ce verset : « Ha’Hodech hazé lakhèm Roch ‘Hodachim » (ce Mois sera pour vous la Tête des mois).

La Mitsva de fixer Roch ‘Hodech est donc la toute première Mitsva que les Bené Israël ont reçue alors qu’ils se trouvaient encore en Egypte, avant la Délivrance.

Quelle est donc la particularité de cette Mitsva pour avoir été choisie par Hachem comme la base de l’existence de Son Peuple ?!

  • De plus, Nos ‘Hakhamim (Guemara Sanhédrin 42a) disent que « celui qui bénit (il s’agit du « Kiddouch Levana » la Tefila récitée dans la première moitié du mois en présence de la Lune) en son temps est comme s’il avait accueilli la Chekhina (la Présence de Hachem).

En quoi cette Mitsva est-elle remarquable au point qu’elle soit associée à une telle grandeur ?!

Les ‘Hakhamim soulignent que le verset dit : « pour vous », et expliquent que le décompte du calendrier initié ici n’existait pas avant la Sortie d’Egypte, pour Adam Harichone, par exemple.

La particularité du calendrier juif est que le calendrier des autres nations est basé sur le Soleil, et le nôtre sur le cycle de la Lune (Mekhilta 1, 8).

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p. 85) analyse ce passage et pose diverses questions citées ici. Il explique que la particularité de la lune est d’être par moments à l’extrême de l’obscurité, au point de n’être plus visible du tout. Toutefois nous savons qu’elle recommencera à éclairer comme avant. Ainsi le Peuple d’Israël, comparable à la Lune, vit une existence pleine de périodes de ténèbres, de Galout (Exil), et de difficultés. Israël compte selon la Lune et sait que le temps reviendra où il brillera comme initialement. Dans le « Kiddouch Levana » nous disons que les astres « se réjouissent » d’accomplir la Volonté de leur Créateur, même dans les moments d’effacement ils se « réjouissent » d’accomplir la volonté de leur Créateur. Il en est de même pour le Peuple d’Israël, qui, même dans les périodes sombres de son Histoire, la Joie de l’accomplissement des Mitsvot ne le quitte pas.

Rav Bérézovski dit que c’est pour cette raison que cette Mitsva nous a été donnée encore avant la Mitsva du Korban (Offrande) Pessa’h, pour faire allusion au fait que les périodes de ténèbres ne sont pas accidentelles, mais sont le résultat du suivi personnalisé de notre existence par Hachem.

Le Haamek Davar (Chemot 12, 2) dit que nous avons la Mitsva de compter les mois à partir de Nissan, qui est le mois de la Gueoula (la Délivrance) de l’exil d’Egypte, pour nous rappeler que l’essentiel de notre dimension est la dimension particulière de Juif, et non la dimension humaine ordinaire comme à toute l’humanité.

La Guemara (Roch Hachana 25a) déduit du verset : « Voici les « rendez-vous que vous proclamerez … » (Vayikra 23, 4) que la fixation de Roch ‘Hodech, et en conséquence des Moadim (« Fêtes ») dépend de la décision du Sanhédrin des Bené Israël. Roch ‘Hodech et les « Fêtes » sont appelés par la Torah « Moadim », « rendez-vous », car ce sont des moments de « rencontre » avec Hachem.

Le Midrach souligne qu’à partir de Matane Torah (le Don de la Torah) la décision du calendrier, même aux niveaux les plus hauts de la Création, dans les dimensions spirituelles des Mal’akhim (« Anges »), dépend de la décision du Sanhédrin qui proclame le Roch ‘Hodech (Chemot Raba, 15, 3).

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Chemot 12, 1-2) cite le commentaire sur le Michné Torah du Rambam (Hilkhot Kiddouch Ha’Hodech, 2, 8) qui souligne que les jours de Roch ‘Hodech et des Moadim sont appelés dans la Torah « Vos Moadim et vos Roch ‘Hodech … » (Bamidbar 10,10), contrairement au Chabat qui n’est jamais qualifié de « votre », car il ne dépend pas de la décision humaine.

Dans son commentaire Tiférèt Tsion, Rav Its’hak Zeev Yadler explique que bien qu’avant Matane Torah le calendrier « spirituel » du Monde dépendait de la Lune, « Roch ‘Hodech » suivait la réalité naturelle du retour mensuel de la Lune. Mais à partir de Matane Torah, le fonctionnement du Monde « naturel » est soumis à être conduit selon la Torah, et Roch ‘Hodech et l’année (à travers la fixation d’un « treizième mois » pour équilibrer la différence entre « douze mois lunaires » soit 354 jours, et le cycle solaire de 365 jours) ne sont fixés que selon les décisions du Sanhédrin des Bené Israël auxquels Hachem a confié la direction du Monde. A partir de là, même les faits « physiques » suivent la Halakha (Décision selon les principes de la Torah), comme le souligne la Guemara (Talmud Yerouchalmi Nedarim, Chapitre 6, fin de la Halakha 8).

Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (Chemot 12, 1-2) la Mitsva de fixation du calendrier avec la proclamation de Roch ‘Hodech par le Sanhédrin. Loin de constituer un « remplacement » du calcul astronomique, la désignation de Roch ‘Hodech par le Sanhédrin suite au témoignage de deux hommes qui ont vu la nouvelle lune est un choix fondamental de Hachem. Nos ‘Hakhamim avaient une parfaite connaissance de ce mode de calcul, comme le prouve l’utilisation par les ‘Hakhamim de tableaux de positions possibles de la lune pour vérifier l’honnêteté des témoins, ou encore comme en témoigne le verset du dialogue de David et Yonathan avant les repas solennels de Roch ‘Hodech à la cour du Roi Chaoul … (Chemouel I, 20, 5).

Rav Hirsch souligne qu’à l’opposé d’une dépendance au rythme des astres, la fixation par le Sanhédrin, assortie d’une latitude à déplacer Roch ‘Hodech du jour de la nouvelle lune pour diverses raisons de nécessité (comme de décaler Yom Kippour de la proximité immédiate avec Chabat, ou autres …) montre la primauté de la décision de l’Homme sur les mécanismes naturels !

Loin d’être une « amélioration », notre utilisation actuelle du calendrier n’est qu’un « pis-aller », qui n’a été mis en place que lorsque l’évolution de la Galout annonçait une époque où il n’y aurait plus de ‘Hakhamim du niveau requis pour fixer chaque mois. C’est pour souligner ce fait que nos ‘Hakhamim ont institué de pérenniser le « second jour de Yom Tov » de la Gola (les lieux trop éloignés de Yerouchalaïm pour pouvoir recevoir les messagers du Sanhédrin qui informaient de la fixation de Roch ‘Hodech avant la date des fêtes). Si le calendrier utilisé actuellement constituait un « progrès », il n’y aurait pas eu de raison de maintenir le second jour de Yom Tov !

Rav Hirsch explique que le phénomène naturel du cycle lunaire ne pourrait pas être la base du contact entre les Bené Israël et Hachem. De même que les autres mécanismes de la nature alimentent la conception « déterministe » du monde qui est la base de toutes les philosophies « idolâtres », ainsi, ce cycle naturel nous laisserait soumis au déterminisme apparent de la nature.

Par « idolâtre », il faut entendre toute conception qui nie la liberté fondamentale de l’Homme, et, au niveau supérieur, du Créateur. Le pouvoir octroyé par Hachem aux ‘Hakhamim, qui sont les représentants supérieurs de Son Peuple, de définir Roch ‘Hodech et d’ajouter un second mois d’Adar selon leur analyse sur la base des principes de la Torah, est la manifestation la plus claire de la « Be’hira » (le libre Arbitre) que Hachem accorde à l’Homme. La rencontre avec Hachem lors des « rendez-vous » que sont Roch ‘Hodech et les Moadim est « libre » des deux côtés, de la part de l’Homme comme de la part de Hachem. La réapparition de la Lune n’est que le symbole du renouveau qui caractérise l’existence de la Be’hira. A l’opposé, les cultures humaines qui ne reconnaissent pas cette liberté reposent sur une conception « déterministe » du monde : les faits humains, individuels ou collectifs, ne peuvent être, selon ces philosophies dévoyées, que les conséquences inéluctables du passé. Le Bien engendrera toujours le Bien, et le Mal produira toujours le Mal !

C’est ainsi que Rav Chimchon Pinkous (Tiférèt Chimchon, p. 115) décrit le dialogue absurde entre la mère d’un enfant violent et le psychologue. Après consultation avec l’enfant, le psychologue explique à la maman que son fils n’est pas fautif ! Ce sont les atteintes affectives qu’il a subies dans son enfance qui éclatent maintenant sous la forme de sa violence. Devant le désarroi de la mère qui comprend qu’elle est donc responsable de l’état de son fils, le psychologue l’apaise en lui disant qu’elle aussi est le résultat du comportement de ses propres parents ! Et ainsi de suite … Selon cette approche, il n’y a aucun responsable ! …

Comme l’explique Rav Hirsch, c’est le message fondamental nécessaire avant la Gueoula (Délivrance) que représentait la première Mitsva, le Kiddouch Ha’Hodech (« Sanctification » du mois) ! Le mot ‘Hodech ne désigne d’ailleurs pas le mois, mais le « renouveau » que nous redécouvrons avec chaque retour de la Lune. L’Egypte était l’apogée du déterminisme et de la négation de la liberté de l’Homme, jusqu’à l’établissement des « castes » desquelles les individus ne pouvaient pas se libérer.

Avant de sortir de l’emprise de ce système, les Bené Israël ont reçu l’octroi éternel du pouvoir de manifester la « liberté » de l’Homme et sa responsabilité !