בס »ד
La Paracha Vayichlah (Beréchit 32, 4) s’ouvre avec ce verset : « Yaacov envoya des « Mal’akhim » devant lui, vers Essav son frère … ».
Rachi traduit « Mal’akhim » par « Anges ».
Le terme « Mal’akh » signifie généralement : « émissaire », et peut tout aussi bien désigner un émissaire humain qu’un « Mal’akh » dans le sens couramment admis, d’un « émissaire » de Hachem portant une fonction particulière dans le Monde.
Dans le Midrach, (Beréchit Raba 75, 4) nos ‘Hakhamim présentent deux interprétations de notre verset : soit il s’agissait de simples émissaires humains, soit de « Mal’akhim » (d’Anges). Les raisons de chaque opiniondans ce Midrach sont abondamment développées par les Commentateurs, et pareillement pour expliquer le choix de Rachi de présenter la traduction du mot « Mal’akhim » comme « Anges » plutôt que comme messagers ordinaires.
Tâchons de comprendre la signification profonde de ce fait ?!
La lecture de Rachi ici tendrait à faire froncer nos sourcils avec une dose « d’incrédulité » ?!
Qu’est-ce, pour commencer, que les Mal’akhim ?! « à quoi ressemblent-ils ?! à quoi « servent-ils ?!
Tout cela parait « magique », et loin de l’existence quotidienne !
La Torah souhaiterait-elle nous « impressionner » par un fait extra-ordinaire, en rupture avec tout l’aspect général de la Torah sous la forme « accessible » sous laquelle elle nous a été donnée ?!
De nombreux ‘Hakhamim se sont interrogés sur l’opportunité qu’a eu Yaacov de faire appel à ces Mal’akhim…
Le Alchikh (contemporain du Ari Zal, et de Rabbi Yossef Caro) pose cette question dans son commentaire Torat Moché. Pourquoi Yaacov Avinou a-t-il envoyé des Mal’akhim plutôt que des émissaires humains ?
De façon comparable, Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat ‘Hokhma OuMoussar, I, p.321) s’étonne : « Que faisaient les Mal’akhim auprès de Yaacov ?! Est-ce que Yaacov se « servait » de Mal’akhim, et est-ce qu’ils se tenaient devant lui pour son « honneur » et sa satisfaction ?!
Rav Moché Feinstein (Darach Moché, p.25) formule ainsi son questionnement : pourquoi Yaacov Avinou a-t-il envoyé des Mal’akhim, faisant ainsi appel au Ness (Miracle) ? N’aurait-il pas pu envoyer de simples messagers sans faire appel au Ness, sachant que la contrepartie du Ness coutera de nombreux mérites ?!
Nos ‘Hakhamim donnent de nombreuses réponses à leurs questions :
– Le Alchikh s’étonne que Yaacov ait choisi des Mal’akhim plutôt que des hommes et propose plusieurs réponses. L’une d’elles est qu’il s’agissait de scruter les intentions réelles d’Essav, au-delà de ses déclarations. Des hommes ne pourraient pas discerner une manifestation d’apaisement sincère d’une affirmation de bonne volonté mensongère. Yaacov devait savoir à quoi s’en tenir sur la disposition véritable d’Essav à son égard.
– Selon Rabbi Yerou’ham, l’emploi de Mal’akhim était incontournable pour Yaacov, et c’est pourquoi il n’était en rien critiquable. Rien de ce que Hachem nous octroie n’est superflu. Tout ce que nous recevons nous est indispensable. Aussi, si Yaacov a reçu de Hachem des Mal’akhim, c’est que cette opportunité lui était indispensable. Rabbi Yerou’ham compare cette situation aux « légions » de globules blancs que véhicule le sang. Cette multitude de globules est nécessaire pour faire face aux non-moins nombreux microbes qui attaquent l’organisme. De- même, la multitude de Mal’akhim qui entouraient Yaacov est le signe qu’il y avait une quantité correspondante de « Mal’akhim », mais de catégorie « négative », du « camp » d’Essav.
– Rav Moché Feinstein répond plus fondamentalement encore que la différence entre « nature » et « Ness » ne concerne que celui qui n’est pas arrivé au niveau de conscience que la nature ordinaire est tout autant créée par Hachem. En revanche, celui qui, comme Yaacov Avinou voit clairement dans la nature la Création de Hachem, la nature constitue pour lui le plus grand des Nissim (Miracles). Aussi un tel homme est conscient de ce que Hachem peut agir à chaque instant selon Sa volonté. En fait, ressentir de l’émerveillement devant un Ness est la marque d’une Emouna déficiente. C’est pourquoi pour un tel homme Hachem ne fait pas de Ness, et s’Il en fait, cela sera au débit des mérites de l’homme.
Par contre, pour un homme particulièrement accompli, pour lequel il n’y a pas de différence entre Ness et nature, il n’importe pas à Hachem de lui faire des Nissim à chaque moment, comme, par exemple, à Rabbi ‘Hanina Ben Dossa (Guemara Taanit 25a) lorsqu’il arriva que sa fille avait allumé la lampe pour Chabat avec du vinaigre à la place de l’huile. Il dit alors : « Celui Qui a dit à l’huile de brûler (Hachem) ordonnera au vinaigre de brûler !! ». Cette déclaration montre indiscutablement que pour lui il n’y avait aucune différence entre le fait que l’huile brûle, et le fait exceptionnel que ce soit du vinaigre. De même pour Yaacov Avinou, il n’y avait aucune différence entre Ness et nature, il ne lui importait pas spécialement d’envoyer même des Mal’akhim, si tel était l’utilité du moment.
Rav Eliahou Lopian (Lev Eliahou, Beréchit, p.127) ne soulève même pas la question de l’utilisation de Mal’akhim. Il demande seulement ce que signifient les mots : « devant lui » ? Il explique à l’aide de la Michna (Avot 4, 11) « Celui qui accomplit une Mitsva s’acquiert un avocat, et celui qui transgresse une interdiction s’acquiert un procureur ! ». C’est-à-dire qu’à chaque action de Mitsva qu’il accomplit, l’homme crée un Mal’akh Kadoch, et ce Mal’akh plaidera en la faveur de l’homme devant le « Trône d’Honneur » de Hachem La fonction de ce Mal’akh sera de lui procurer tout bienfait, tant matériel que spirituel, puisque c’est par son action qu’il a été créé.
Rav Lopian explique ainsi que Yaacov ne voulait pas se servir de Mal’akhim de haut niveau qui « se tiennent » devant le « Trône Divin » (Mal’akhé HaCharèt). Il a seulement envoyé les Mal’akhim créés par ses actions positives qui sont les « avocats » qui se tiennent « devant lui », comme l’exprime le verset. Ces Mal’akhim créés par les Mitsvot sont en permanence devant l’homme pour le protéger de tout dommage, comme le verset le dit (Tehilim 91, 11) : « Car Ses Mal’akhim Il ordonnera pour toi, pour te garder dans tous tes chemins … ».
Rav Lopian cite en illustration le « Maguid » qui enseigna au Beth Yossef (Rabbi Yossef Caro) et qui a regroupé ses enseignements dans le Sefer « Maguid Mécharim ». De même le Chelah Hakadoch rapporte la manifestation extraordinaire à laquelle eurent droit Rabbi Yossef Caro et ses compagnons lors d’une veillée de Chavouot, où s’est révélée à eux une « Voix Céleste » qui était « la Michna » que Rabbi Yossef Caro s’était appliqué à apprendre par cœur. Le Mal’akh créé par l’apprentissage de l’ensemble des traités de la Michna par Rabbi Yossef Caro s’est manifesté à cette occasion, et il se présenta comme : « Je suis la Michna … ».
Ainsi il n’y a pas la moindre doute quant à une « utilisation abusive » de Mal’akhim, et il ne resterait que la question simple du choix par Yaacov des messagers, question résolue par les commentateurs de diverses manières.
Dans le recueil des paroles du ‘Hafets ‘Haïm sur la Torah, (‘Hafets ‘Haïm Ha ‘Hadach, p. 258) il est rapporté au nom du frère du Gaon de Vilna dans son Sefer Maalot HaTorah que l’homme est entouré à perte de vue des Mal’akhim qu’il crée par « son haleine » lorsqu’il étudie la Torah. Chaque mot de Torah est une Mitsva distincte, et chacune de ces Mitsvot produit un Mal’akh.
Le ‘Hafets ‘Haïm illustre ce fait avec l’épisode dans les Neviim (Prophètes) (Melakhim II, 6, 8-18) où le Navi (Prophète) Elicha était menacé par une armée nombreuse. Son serviteur était terrorisé à ce spectacle. Elicha lui dit que leurs troupes étaient bien plus nombreuses. Et pour le rassurer, Elicha pria Hachem de lui « ouvrir les yeux » afin qu’il constate par lui-même la présence d’une multitude venue protéger Elicha. C’étaient les Mal’akhim qui accompagnaient Elicha en permanence, qu’il avait créés par ses Mitsvot innombrables.
Ce recueil rapporte également qu’un disciple du ‘Hafets ‘Haïm eut droit à une aide exceptionnelle de Rav ‘Haïm de Brisk, sur la présentation d’une lettre du ‘Hafets ‘Haïm. Le Rav de Brisk justifia sa disponibilité particulière par le fait qu’il se devait d’obéir au ‘Hafets ‘Haïm qui ordonne même aux Mal’akhim. Le Talmid fut très étonné de ce que le Rav de Brisk sache ce que le Talmid lui-même avait surpris, une fois où en s’approchant de la porte de la pièce privée du ‘Hafets ‘Haïm, il l’avait entendu s’adresser nommément à des Mal’akhim, en leur ordonnant d’effectuer certaines actions.
De tels faits sont bien sûr au-delà de notre perception !
Toutefois, les évènements que nous vivons, avec les Nissim (Miracles) permanents qui nous entourent ne laissent pas place au doute. Ce ne sont certainement ni les « hautes qualités » de Tsahal, ni celles des aides étrangères qui nous ont sauvés plus d’une fois des agressions. Il suffit de comparer avec les victimes de conflits dans le monde pour voir à quel point nous sommes protégés de façon miraculeuse.
Notre niveau ne nous permet hélas pas de voir les Mal’akhim !
Efforçons-nous pour que nos Mitsvot et notre Limoud HaTorah multiplient les Mal’akhim dont tout le Clal Israël a un tel besoin.
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