Parasha – 180 – Vayétsé 5785

בס « ד

Au début de la Paracha, Yaacov part à ‘Haran chez son oncle Lavan, le frère de sa mère, Rivka, pour séjourner chez lui le temps que la colère d’Essav suite à l’obtention des Berakhot par Yaacov (Beréchit 27, 1-45) s’estompe, et pour prendre épouse dans la famille de Lavan. Au seuil de son arrivée à ‘Haran, Yaacov voit un spectacle insolite : trois troupeaux sont regroupés autour d’un puits en attente (29, 1-10). Répondant à son étonnement, les bergers lui expliquent qu’ils doivent attendre que les troupeaux soient tous réunis pour les abreuver afin que les bergers puissent déplacer, tous ensemble, la pierre qui recouvre le puits. Et dès que Ra’hel, la fille de son oncle Lavan arrive au puits, avec les moutons de son père, Yaacov déplace à lui-seul la pierre pour abreuver les moutons de son oncle.

Ce n’est évidemment pas pour sa dimension matérielle que la Torah rapporte cet épisode. Certes, il y avait un puits d’eau de source à ‘Haran lorsque Yaacov est arrivé ! Mais ce n’est pas le sens essentiel de l’évènement décrit dans la Torah. Chaque fait, si minime soit-il, qui est mentionné dans la Torah, l’est principalement pour sa dimension spirituelle !

La notion de puits a abondamment été évoquée dans la Paracha précédente, relativement aux puits creusés par Its’hak Avinou. Nous avons vu comment diverses explications rattachent ces mentions à des réalités spirituelles variées, passées ou futures.

Le puits d’eau vive représente dans la Torah les sources profondes de l’épanouissement spirituel, individuel ou collectif.
Le verset dit : « Une source des jardins, 
un puits d’eaux vives, et des eaux courantes du Levanon » (Chir HaChirim, 4, 15). De même, le Navi (Prophète) dit : « …Ils M’ont abandonné, la source d’eaux vives, pour se creuser des citernes, des citernes brisées qui ne contiennent pas d’eau ! » (Yirmeya 2, 13).

Le Ramban (29, 2) explique que la Torah s’étend sur ce récit, y compris l’intervention de Yaacov qui libéra, seul, le puits de la pierre qui l’obturait alors qu’habituellement, la participation de tous les bergers était nécessaire pour bouger cette pierre, pour nous enseigner que ceux qui placent leur espoir en Hachem voient leurs forces se restaurer, et que la Yir’a (la crainte) de Hachem donne la puissance.

Il ne s’agit évidemment pas d’un exploit de « fort des halles », d’une démonstration de force (physique), mais de l’exploitation optimisée des moyens humains grâce à l’aide de Hachem, lorsque l’homme n’est pas bridé par des préoccupations futiles.
Le Ramban ajoute que nos ‘Hakhamim (Midrach Beréchit Raba, 70, 8) expliquent que ce fait était destiné à faire savoir à Yaacov que sa démarche aboutirait et que serait issue de lui une descendance qui accèderait aux évènements auxquels ce puits faisait allusion.

Le puits représente le Beth HaMikdach (Temple), et les trois troupeaux les trois « Fêtes de pèlerinage » (Pessa’h, Chavouot, et Soucot), d’où les Bené Israël puisent leur « Roua’h HaKodech » (l’inspiration Divine)

Le Cli Yakar (Beréchit 29, 2) souligne que le Midrach relie en réalité le puits au Beth HaMikdach, ou encore au Har Sinaï où sera donnée la Torah.

Toutefois tous nos Commentateurs conviennent que le texte ne sort pas de son approche simple, mais que ces faits réels se sont présentés à Yaacov pour lui servir d’allusion à l’avenir.

Rav Sim’ha Zissel Broydé (Sam Derekh, p. 40) cite le Ramban, et relie ses paroles à son explication générale répétée fréquemment que les faits relatifs aux Avot (Patriarches) sont un signe pour les évènements qui arriveront à leurs descendants. Il ajoute que le verset qui mentionne qu’entre deux utilisations du puits les bergers replaçaient la pierre, fait allusion au fait qu’après chaque « Fête de pèlerinage », qui amenait aux Bené Israël le « Roua’h HaKodech » (l’inspiration Divine), il fallait une période de « pose », pour « digérer », comme dans l’alimentation matérielle entre deux repas.

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Le Malbim explique que cette discussion portait sur la capacité des Bené Israël en Galout (Exil), loin d’Erets Israël, de revenir en Erets Israël et retrouver la Présence de Hachem à Tsion.

Le Malbim (29, 2-3) considère que Yaacov Avinou a compris que l’épisode du puits constituait une allusion à l’avenir de ses descendants. Il relie, quant à lui, ce fait à la Guemara (Bekhorot 8b) qui rapporte divers débats entre Rabbi Yehochou’a Ben ‘Hananya et les « Sages d’Athènes ». Parmi les « questions » qu’ils lui posèrent, et qui n’avaient comme but que de remettre en question la conception d’Israël du Monde, figure la « question » suivante : Celui qui a un puits à l’écart de l’agglomération, comment peut-il le « ramener » à l’agglomération ?! La réponse de Rabbi Yehochou’a était surprenante, comme d’ailleurs toutes les réponses qu’il faisait à ses adversaires. Il leur dit qu’il fallait confectionner une corde en son de blé (des particules de pellicules de grains de blé) qui est par essence impossible à lier, et au moyen de cette corde ramener le puits dans l’agglomération.

Rabbi Yehochou’a répondit que la Galout est due à la divergence interne des Bené Israël, comme les particules de son. Il leur dit qu’il fallait faire de ce son une « corde », c’est-à-dire une unité, afin de restaurer l’entité du Peuple de Hachem. Le Malbim dit que c’est là le message pour l’avenir de ses descendants que Yaacov a reçu dans la confrontation à ce puits éloigné de la ville.

Rav Its’hak Zeev Yadler (Tiférèt Tsion, 29, 2) explique que nos ‘Hakhamim ont considéré, dans le Midrach, que Yaacov Avinou a vu là, par prophétie, toutes les péripéties de l’Histoire de ses descendants.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Béer Moché, p. 651), explique que « l’exploit » de Yaacov en écartant la pierre correspond à la lutte contre le « Yetser Hara ». C’est pourquoi ce fait est mentionné dans la Tefila pour la pluie récitée à Chemini Atsérêt (fin de Soucot), en ces termes : « il concentra son cœur et dévoila la pierre de l’embouchure du puits ». Il fallait une pureté du cœur et une soumission sans réserve pour préparer l’avenir en écartant la force du Mal. Toutes les épreuves de Yaacov préfiguraient et préparaient l’avenir de toute notre Histoire. Toute notre aptitude à combattre le Yetser Hara vient des efforts de Yaacov Avinou.

Rav Chalom Noa’h Berëzovski (Netivot Chalom, p.198) développe que, la Torah n’étant pas un simple livre d’histoires, chacun doit tirer un enseignement de chaque élément cité dans la Torah !
Il explique ainsi que le puits renferme des enseignements qui permettent d’accomplir la Avoda (le Service de Hachem) individuelle. Ce monde est comparable à un champ, dans lequel on peut faire pousser des fruits exceptionnels ; mais des ronces et des mauvaises herbes peuvent aussi y pousser ! Hachem envoie la Nechama (l’âme) depuis les hauteurs spirituelles les plus élevées dans ce monde matériel inférieur, et Il a préparé pour la Nechama un « puits », la source de la Kedoucha, pour lui permettre d’atteindre son objectif dans ce monde. Divers éléments remplissent ce rôle de « puits » de Kedoucha : le Chabat, la Torah, la Avoda et la Tefila.

Le Yetser Hara (penchant du Mal) est la pierre sur le puits qui empêche de s’y abreuver.
Le verset de notre Paracha (29, 3) nous livre la solution : « …et tous les troupeaux s’assemblent, et ils écartent la pierre … ».

Telle est notre mission sur Terre : réunir nos forces afin de profiter des diverses facettes du « puits » pour vaincre le Yetser Hara.

Cet élément de la Paracha apparemment secondaire renferme ainsi, comme chaque mot de la Torah, un trésor d’enseignements précieux pour nous.

Puissions-nous nous abreuver ainsi avec soif à tous les messages que Hachem a enfouis pour nous dans Sa Torah !