Parasha – 179 – Toldot 5785

בס « ד

Toldot est la seule Paracha consacrée à Its’hak Avinou. 

A la différence d’Avraham et Yaacov dont les péripéties s’étendent sur plusieurs Parachiot, Its’hak Avinou reste pour nous « dans l’ombre » !

Dans le Dvar Torah sur la Paracha Lekh Lekha, nous avions souligné le fait que chacun de nos Avot (Patriarches) a apporté sa contribution particulière à la construction du Peuple de Hachem. 

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, II, p.160) explique qu’Avraham représente la Mida (Valeur) de ‘Hessed (le don gratuit), Its’hak la Mida de Yir’at Chamaïm (la crainte respectueuse de Hachem), et Yaacov Avinou la Mida de Emet (la « Vérité »), c’est-à-dire le « milieu », l’arbitrage entre les deux extrêmes des Midot représentées par Avraham et Its’hak. 

Nous ne soupçonnons évidemment pas Avraham et Its’hak de « manquer de mesure » dans leur propre existence. Toutefois, leurs enseignements respectifs laissaient place à ce risque chez leurs descendants, et c’est l’apport de Yaacov qui a consolidé « l’équilibre » des Midot des Bené Israël. 

La Mida d’Avraham que nous présente la Torah est caractérisée par une ouverture sans limites, jusqu’à prier Hachem pour sauver Sedom de l’anéantissement. 

Its’hak, quant à lui, représente le « contrôle » absolu sur les élans, sans laisser place à la moindre « brèche » par laquelle l’erreur s’infiltrerait. Les quelques faits que la Torah nous présente dans la Paracha doivent donc nous servir de repères pour nous imprégner de ses valeurs. 

Sa soumission totale à la Volonté de Hachem s’exprime particulièrement dans l’épisode des Berakhot, à la fin de la Paracha (Beréchit 27, 1-40). Its’hak pensait donner certaines Berakhot à Essav, relatives à la gestion matérielle du futur Peuple Juif, réservant la partie plus profonde à Yaacov comme l’explique le Malbim (27, 1). Un équilibre comme celui qui se définit entre l’ensemble des Bené Israël et la Tribu de Lévi devait ainsi se constituer. 

Hachem fit savoir à Rivka qu’Essav était inapte à ce rôle et que Yaacov devait recevoir l’ensemble des fonctions et des Berakhot qui s’y rattachaient. 

Lorsque Its’hak réalisa ce qui s’était passé, et que Yaacov avait reçu les Berakhot et la mission qu’il avait destinées à Essav, il accepta instantanément le fait, en confirmant les Berakhot à Yaacov, comprenant que Hachem avait guidé ses pas (Beréchit 27, 33). 

Un élément particulièrement obscur dans la Paracha est l’épisode des puits (26, 14-22). 

La Torah s’étend abondamment sur le récit des « démêlés » d’Its’hak avec les Philistins relativement à des puits. 

La Torah nous rapporte tout d’abord que les Philistins avaient bouché et rempli de terre les puits qui avaient été creusés par Avraham, et que parallèlement à cela, Avimélekh, leur Roi, chassa Its’hak de leur voisinage (14-17). La Torah nous informe ensuite que Its’hak creusa alors à nouveau ces puits en s’éloignant des Philistins, et leur redonna les mêmes noms que son père Avraham leur avait donnés (18). La Torah poursuit avec le récit des puits creusés par les serviteurs de Its’hak, et dont les deux premiers entraînent les réactions hostiles des Philistins, avant que le troisième soit enfin libre de tension (19-22). 

La place de ces péripéties dans la Torah qui n’est pas un livre « d’histoires », ou même « d’Histoire » au sens plus large, appelle une explication !

Le Ramban (27, 20) soulève cette question et explique que les versets relatifs aux trois puits creusés par les serviteurs d’Its’hak renferment un enseignement profond qui vient annoncer l’avenir. 

La source d’eau vive fait allusion à la Maison de Hachem que construiront les descendants d’Its’hak. Le premier puits, appelé « Essek » (conflit), fait allusion au premier Beth HaMikdach (Temple) pour lequel nous avons dû affronter des conflits jusqu’à sa destruction finale. 

Le second puit est appelé « Sitna » (hostilité), terme plus dur que le premier, se réfère au second Beth HaMikdach qui fut accompagné tout au long de son histoire d’hostilité de la part des nations, jusqu’à sa destruction suivie de la terrible Galout (Exil).

Le troisième puits fut appelé « Re’hovot » (aisance), en référence au troisième Beth HaMikdach, qui sera construit bientôt de nos jours, sans le moindre conflit, et Hachem « élargira » notre territoire, comme Il nous l’a promis (Ye’hezkel 37, 26-28). 

Rabénou Be’hayé (27, 19) ajoute aux explications du Ramban que le verset mentionne le nom de Hachem relativement au troisième puits en particulier, pour souligner la différence entre les deux premiers Beth HaMikdach, qui furent construits par l’Homme, et sujets à la destruction, et le troisième, qui sera l’œuvre de Hachem, et qui ne sera pas soumis à la destruction. 

Reste à étudier l’enseignement des puits d’Avraham, bouchés par les Philistins, puis creusés à nouveau par Its’hak qui leur restitua les noms que son père leur avait donnés. 

Rabénou Be’hayé (27, 15) remarque que la Torah souligne que Its’hak ne se contenta pas de creuser à nouveau les puits qu’avait creusés Avraham, son père, mais il leur donna les mêmes noms que leur avait donnés son père. Il explique que c’est là un mérite particulier d’avoir conservé jusqu’aux noms des puits de son père, et qu’a fortiori il est important de conserver les démarches et recommandations des ancêtres. Il ajoute que certains relient ces puits aux Guérim (les Prosélytes) qu’Avraham avait amenés à Hachem, que les Philistins réussirent à « éteindre » (comme la terre) après le décès d’Avraham, et que Its’hak ramena à la Emouna qu’ils avaient reçue d’Avraham. 

Bien évidemment, il n’est pas question de nier l’existence matérielle des puits. 

Lorsque la Torah nous rapporte que Avraham, puis Its’hak, ont creusé des puits, c’est un fait réel qu’ils ont creusé le sol pour faire apparaître les sources d’eau, vitales à tout être vivant. 

De même, tous les Tsadikim de toutes les générations se sont toujours préoccupés du bien être des gens, tel Avraham dont la Torah nous décrit abondamment les actions de ‘Hessed (don gratuit) par lesquelles il manifestait aux hommes la Présence de Hachem dans le Monde. Ce ‘Hessed était l’accomplissement de la Mitsva de « VeHalakheta biderakhav » (Tu iras dans Ses chemins), c’est-à-dire concrétiser dans l’activité humaine les Midot (« traits ») que Hachem montre dans Sa conduite de la Création. 

Tout comme Avraham, Its’hak agissait de son mieux dans l’intérêt de ses contemporains. Mais la manière dont il manifestait la Présence de Hachem dans le Monde était différente. Non parce que ses traits de caractère « naturels » étaient différents ! 

Rav Dessler (Mikhtav MéEliahou, II, p. 205) explique que les Midot des Avot (Patriarches) étaient totalement dans leurs mains, et ils étaient à même de choisir intégralement selon leur choix, sans « prédestination » ! 

Et la différence de Avoda (le Service de Hachem) entre Avraham, qui représentait de la Mida de ‘Hessed, et celle d’Its’hak, qui représentait la Mida de « Guevoura » (la « force »), encore appelée « Yir’at Chamaïm » (la « Crainte de Hachem »), n’est pas le résultat de leurs « gènes », mais d’un choix délibéré. 

Avraham avait perçu Hachem à travers le ‘Hessed (Don gratuit) qu’est la Création et son « entretien » permanent, au-delà des mérites de l’Homme. Si Its’hak avait continué cette même démarche héritée d’Avraham, ce n’aurait été qu’une poursuite ayant un aspect « mécanique ». 

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Béer Moché, p. 541 et suivantes) explique qu’Its’hak voyant que la Avoda de ‘Hessed d’Avraham avait été « bouchée » par les Philistins, dans leur approche matérialiste de la vie, choisit de ramener le Monde à la Emouna par la Mida de « Guevoura », en ravivant la conscience qu’il y a « une Justice et Un Juge » ! 

Rav Epstein souligne que l’influence des Midot des Avot ne s’est pas interrompue avec leur départ de ce monde. Les germes plantés par Avraham, Its’hak et Yaacov nous accompagnent au fil des générations (comme le développe Rav ‘Haïm MiVolozin dans Roua’h Haïm, commentaire de la Michna Avot, Chapitre 5, 3). 

Rav Epstein remarque que tel est le sens de ce qu’Its’hak a nommé les puits des noms que leur avait donnés son père Avraham. La même Mida de ‘Hessed persistait, mais Its’hak s’est « aidé » de la Mida de Guevoura pour renforcer l’acquis d’Avraham. Rav Epstein poursuit (p.544 et suivantes) en expliquant que la Mida d’Its’hak s’exprimait par le fait de « s’effacer » et d’épanouir en lui la « Anava » (la « modestie » ou, mieux, la « discrétion »), c’est-à-dire laisser se manifester pleinement la Présence de Hachem.

Rav Chimchon Pinkous (Tiférèt Chimchon, p.289 et suivantes) explique ainsi la Yir’at Chamaïm (Crainte de Hachem) : au lieu d' »affronter » les Philistins, comme l’avait fait Avraham (21, 25), la « Guevoura » (« force ») d’Its’hak consiste dans la « retenue », qui laissait toute la place à l’intervention de Hachem ! 

Si Hachem considère qu’il est justifié d’intervenir, Il le fera ! (Bien évidemment il ne s’agit pas ici d’un cas de danger personnel immédiat pour lequel s’applique la Mitsva de protéger la vie ! Il ne s’agit ici que de « défendre » le « territoire » de sa Mitsva). Il n’est pas question ici d’un « changement de cap » après Avraham, mais d’un « complément nécessaire face à une génération différente. 

Revenons cependant à l’aspect « matériel » des puits et de l’action d’Its’hak :

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 170) souligne que les péripéties vécues par Its’hak sont comme le Ramban l’a déjà développé au début da Paracha Lekh Lekha (Beréchit 12, 6) : « Ce qui est arrivé aux Avot est un signe pour les descendants ! ». Ainsi les poursuites ininterrompues des Philistins à l’encontre d’Its’hak préfigurent la haine (inextinguible) des nations envers Israël à l’avenir, au fil de l’Histoire. 

Une autre facette d’enseignements des évènements d’Its’hak nous vient de Rav Aharon Bakst (cité dans le recueil « MiChoul’han Gavoa » p. 134) : il arrive qu’un homme entreprenne une démarche, et, n’atteignant pas immédiatement la réussite, voie en cela un « signe Céleste » qu’il n’y a pas lieu de persévérer. 

La Torah nous enseigne qu’il ne faut pas se décourager rapidement, et ne pas voir dans l’échec un signe de la Volonté de Hachem qui écarte cette entreprise. Il faut essayer sans relâche, car peut-être est-ce cela que Hachem veut, jusqu’à ce que Hachem lui « ouvre les portes » …

Nos ‘Hakhamim développent encore les sens profonds des puits d’Its’hak. Mais nous ne prétendons pas à une étude exhaustive …

Notre propos est essentiellement d’ouvrir un « coin du rideau » qui voile notre immense Torah, pour que nous apprenions à nous y plonger, au-delà des apparences matérielles trompeuses …