Parasha – 177 – Vayéra 5785

Les origines de notre patrimoine génétique…

בס »ד

La Paracha Vayéra s’achève sur la dernière épreuve qu’a affrontée Avraham Avinou : la Akédat Its’hak (la « Ligature ») de son fils Its’hak sur l’Autel, comme offrande à Hachem. (Beréchit 22, 1-19).

La Michna dit : « …De dix Nissyonot (épreuves) a été mis à l’épreuve Avraham Avinou (notre Père) … « . (Avot 5, .)3
La Paracha Vayéra contient une partie importante des Nissyonot, comme le « renvoi de Hagar et Yichmaël » (21, .)9-14

N’ayant pu enfanter, Sara Iménou (notre Mère) avait initialement incité Avraham à épouser Hagar, sa servante, la fille de Par’o, afin d’avoir par elle la descendance que Sara n’avait pas reçue de Hachem. (Hagar était la fille du Roi d’Egypte qui l’avait confiée comme servante à Sara, après avoir constaté les Nissim qui avaient accompagné le « séjour forcé » de Sara dans son palais ; Beréchit 12, 14-20).

Plus tard, Sara Iménou, qui entretemps avait donné miraculeusement naissance à Its’hak, constatant le comportement déviant de Yichmaël, le fils d’Avraham et Hagar, demanda à Avraham de chasser Hagar et Yichmaël de sa maison.

Rav David Powarski (Yichmerou Daat, p.43) souligne à quel point cette démarche était totalement à l’opposé de toute la personnalité d’Avraham : chasser Hagar, qui était son épouse depuis de longues années, ainsi que Yichmaël leur fils !!

Rav Powarski cite le Midrach (Pirké DeRabbi Eliezer, chapitre 30) qui définit cette épreuve comme une des plus dures que vécut Avraham Avinou. Hachem confirma à Avraham la justesse de la décision de Sara Iménou, et Avraham accomplit cet exploit de maîtrise sur toute sa personnalité, pour obéir à Hachem sans « état d’âme » !

La notion même des Nissyonot (épreuves) demande explication ?!

Rav Chalom Noa’h Bérézovski (Netivot Chalom, p.117) s’étonne que la Torah s’étende abondamment sur les Nissyonot d’Avraham Avinou ?! Il rappelle que la Torah n’est pas un livre d’histoires pour conter en détail la famine, le rapt de Sara par Par’o, puis plus tard à nouveau par Avimélekh (20, 1-18), et plus particulièrement le dernier Nissayone de la Akéda, que la Torah décrit dans ses moindres détails ?!

Hachem a-t-il besoin des Nissyonot pour « savoir » qu’Avraham lui est fidèle sans réserve ?!

Le Ramban (22, 12) explique le verset : « car maintenant Je sais que tu es « Yeré Elokim » (craignant Dieu) » qui ponctue le Nissayone de la Akédat Its’hak : Initialement sa « Yir’a » (la crainte de Hachem) était « potentielle ». Maintenant, par cette action elle devient « réalisée » concrètement.

Le rôle du Nissayone consiste à transformer les potentialités de l’homme en réalités.

Le Midrach (Beréchit Raba, 55, 1) explique que le terme « Nissayone » est issu de la racine « Ness » (poteau surmonté d’un étendard), c’est-à-dire une élévation. Le Nissayone accompagne l’Homme dans sa progression dans l’attachement à Hachem.

Rav ‘Haïm MiVolozin explique (commentaire Roua’h ‘Haïm, Avot 5, 3) qu’Avraham est appelé ici « Avinou » (notre Père) pour souligner que c’est en tant que notre Père qu’il dût surmonter ces dix épreuves, afin d’enraciner dans notre « capital génétique » l’aptitude à affronter des Nissyonot comparables. Il remarque, par exemple, que la capacité des Juifs les plus simples de résister à l’épreuve de donner leur vie pour le « Kidouch Hachem » (la « sanctification du Nom de Hachem »), c’est-à-dire aller jusqu’à mourir en tant que Juif plutôt que vivre dans l’abjuration, provient évidemment de ce qu’Avraham Avinou a préféré être jeté dans la fournaise par Nimrod plutôt que de renier Hachem.

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Il cite encore que l’éveil d’un Juif à aller en Erets Israël, ce qui était un effort considérable au fil des siècles, vient de l’épreuve de « Lekh Lekha », lorsque Hachem ordonna à Avraham de quitter tous ses repères pour partir vers l’inconnu (Beréchit 12, 1). De même, l’aptitude à affronter les pires difficultés, jusqu’à la famine, sans s’insurger contre la démarche de Hachem, est liée à la réaction d’Avraham lorsqu’à peine arrivé à la « Terre promise », il dut affronter la famine (12, 10).

Rav Bérézovski explique que tout comme Avraham a dû affronter 10 Nissyonot selon son niveau, ainsi chaque Juif porte une mission élevée qu’il doit remplir au long de son existence. Et c’est à travers les épreuves spécifiques à cette mission particulière qu’il accomplit sa mission dans ce monde. Il dit que chacun a devant lui 10 Nissyonot à sa mesure. Quand bien même le Juif accomplirait toutes les Mitsvot, tant qu’il n’a pas affronté les épreuves qui manifesteront concrètement son attachement à Hachem, il n’a pas accompli sa mission dans ce monde.

Rav Moché ‘Haïm Luzzato (Messilat Yecharim, fin du premier chapitre) dit : « … l’essentiel de la présence de l’homme dans ce monde est exclusivement dans le but d’accomplir les Mitsvot, de « servir » (Hachem) et de faire face au Nissayone… ».

Rav Ye’hezkel Sarna précise dans ses annotations sur le Messilat Yecharim qu’il s’agit de faire face au Nissayone non pas « accidentellement », mais en permanence » !

Rav Guedalyahou Schorr (Or Guedalyahou, p.56) développe que le Nissayone a pour but d’élever l’homme, et de révéler les forces qui sont enfouies en lui. Toutes les circonstances de l’existence sont autant de Nissyonot, que chaque Juif a les moyens de surmonter, du fait qu’il descend d’Avraham qui a affronté dix Nissyonot.

Le ‘Hazon Ich développe dans son Sefer Emouna OuBita’hon (Chapitres 3 et 4) la lutte permanente que doit livrer l’homme pour ajuster ses actes à la volonté de Hachem exprimée dans la Torah et dans ses développements dans les livres de Halakha (Choul’han Aroukh et autres ouvrages complémentaires).

Il explique que tant qu’on n’a pas soumis le moindre des

gestes du quotidien aux règles de la Torah, on est loin de Hachem. Il illustre par des exemples, pris de situations de confrontation à autrui dans un conflit (Chapitre 3, 14- 15), ou dans des problèmes « d’amour propre » où le regard d’autrui peut faire chuter l’homme (Chapitre 4, 5-7). Le ‘Hazon Ich ajoute (4, 9) que toute démarche pour « aller au-devant » du Nissayone est à proscrire, comme le fait de s’exposer délibérément au danger. Aussi, le respect méticuleux de la Halakha est, en réalité, le seul

véritable outil pour faire face au Nissayone.

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah Devarim I, p. 208) rapporte la discussion des ‘Hakhamim dans la Guemara (Baba Metsia, 59b). Rabbi Eliezer, un des plus grands parmi les Tanaïm (les ‘Hakhamim de la Michna) défendait son opinion qu’un certain modèle de fourneau en terre cuite n’était pas vulnérable à la Toum’a (impureté). Les autres ‘Hakhamim contestaient cette opinion. Pour prouver qu’il avait raison, Rabbi Eliezer fit appel à diverses manifestations miraculeuses destinées à exprimer le soutien « Céleste » à ses vues.

Rabbi Yehochoua, un des ‘Hakhamim, se dressa face à lui, en proclamant que la Torah ayant été confiée aux hommes, aucune intervention Céleste ne pourrait infléchir les règles de décision définie dans la Torah.
Rabbi Yerou’ham cite cet épisode pour illustrer les versets (Devarim 13, 2-4) qui décrivent l’épreuve d’un « Navi (Prophète) mensonger. Rabbi Yerou’ham explique qu’il ne s’agit pas de nier la réalité des manifestations que nous présente le Navi pour prouver ses dires. Dans la mesure où l’objectif visé par lui, tout comme la prétention de Rabbi Eliezer à confirmer son opinion, s’oppose à un principe quel qu’il soit de la Torah, nous devons défendre énergiquement notre fidélité aux fondements de la Torah. Cette réaction ne consiste pas à nier le témoignage de nos yeux, mais à refuser de nous laisser écarter du respect de la Torah par cette démonstration.

Rabbi Yerou’ham nous trace ainsi le chemin d’une vie « au-dessus » de la nature. Les apparences qui se présentent à nous sont autant de Nissyonot destinés à mettre notre confiance en Hachem à l’épreuve. Toutes les difficultés matérielles ou morales qui s’accumulent sur notre route ne sont que des Nissyonot pour tester notre attachement

à Hachem. Ainsi les Nissyonot ont pour rôle de nous hisser au-dessus d’une vision « naturelle » de l’existence, et de nous amener à voir en chaque évènement la Main de Hachem.

Le ‘Hazon Ich nous enseigne que le Nissayone peut consister en choix d’action ou de réaction aux situations que nous affrontons.

Rabbi Yerou’ham nous montre que l’essentiel du Nissayone réside dans le fait de garder un regard lucide sur la Maîtrise absolue que Hachem exerce sur le moindre détail des évènements collectifs ou individuels.

Rav Steinmann souligne (voir notre Dvar Torah de la Paracha Noa’h) que l’unité « généreuse » d’inspiration humaine des bâtisseurs de la Tour de Bavel s’est transformée instantanément en violence féroce dès lors que l’incompréhension s’est installée, allant jusqu’au meurtre (Rachi 11, 7).

A l’opposé, Avraham Avinou sut dominer ses actes, et encore plus ses sentiments, afin de les faire coïncider en permanence avec la Volonté de Hachem. Ses « bonnes Midot » (Qualités), son ‘Hessed (Bonté) n’avait rien d’un sentiment « humain » susceptible de variations selon l’intérêt du moment.

C’est là l’enseignement de la Torah à travers les Parachiot qui nous décrivent les moindres détails des Nissyonot d’Avraham Avinou.

En tant que dépositaires du « capital génétique » implanté en nous par notre ancêtre Avraham Avinou, nous devons faire face comme lui aux Nissyonot envoyés par Hachem qui sont le but de notre existence …