בס »ד
La Paracha Lekh Lekha introduit la vie des Avot (Patriarches), qui constitue la base de l’Histoire du Peuple Juif, et de l’époque de l’intégration de la Torah dans le Monde.
Nos ‘Hakhamim enseignent (Guemara Sanhédrin 97a) que le monde sous la forme que nous connaissons est destiné à exister pendant six millénaires.
Les deux premiers millénaires sont qualifiés de « tohou », c’est-à-dire « informe » car sans la Torah encore.
Cette période s’étend de Adam Harichone jusqu’au moment où Avraham atteint l’âge de 52 ans.
La Guemara fait état d’une transmission selon laquelle Avraham commença déjà à ce moment sa mission d’enseignement de la reconnaissance du Créateur à l’Humanité (Avoda Zara 9a).
La période des deux millénaires suivants estqualifiée d’ »époque de Torah » car elle marque l’épanouissement de la Torah dans le monde jusqu’après la destruction du second Beth HaMikdach, moment où commencent les deux millénaires définis comme ceux de l’ »époque du Machia’h » car elle est propice à la venue du Machia’h si nous en sommes dignes.
L’époque d’Avraham marque ainsi l’avènement de la Torah. Il est le premier de nos Avot (Patriarches) et constitue la racine de l’Histoire de la Création. Le Midrach enseigne (Beréchit Rabah 12, 9) que le terme « בהבראם » (« Behibar’am ») qui définit la Création dans le verset (Beréchit 2, 4) fait allusion à « אברהם » (Avraham) qui est la « raison d’être » de la Création. Hachem prédispose Avraham à la mission qu’il devra assumer face à l’humanité de faire tourner le dos à l’idolâtrie et reconnaitre le Créateur.
Les Avot sont ainsi la base de tout le développement qui suit. Rachi dit (12, 1) que les promesses que Hachem fait à Avraham lorsqu’Il lui ordonne de quitter son pays, son lieu de naissance, et sa maison paternelle s’expriment dans l’ouverture de la Tefila : « …Dieu d’Avraham, Dieu de Its’hak, et Dieu de Yaacov … Béni sois Tu Hachem protecteur d’Avraham ! ». Bien que nous fassions référence également à Its’hak et Yaacov, la première Berakha de la Amida est scellée par Avraham uniquement.
La Guemara (Souca 49b) cite le verset : « les « généreux » des peuples se sont réunis, Peuple du Dieu d’Avraham … » (Tehilim 47, 10). La Guemara souligne que seul Avraham est cité dans ce verset, et pas Its’hak ni Yaacov.
La Guemara explique Qu’Avraham était l’initiateur des « Guérim » (les convertis). Rachi explique qu’Avraham est qualifié de « généreux » car son cœur l’a incité à reconnaitre son Créateur. Il apparait là que la caractéristique particulière d’Avraham est apparentée à la notion de « Guérout » (la conversion).
Ceci nous mène à analyser en quoi consiste cette notion ?
Rav Ye’hiel Yaacov Weinberg (Recueil Lifrakim, p. 301-311 ; lettre au premier ministre de l’état d’Israël 5719-1959) développe la définition d’un Juif. Pour aborder la notion de « Guérout », il cite la Guemara qui définit Avraham comme le début des Guérim. Il souligne qu’il ne s’agit pas d’une adhésion « religieuse », mais d’une réelle intégration au Peuple de Hachem, ce qui n’a pas son équivalent dans les nations. Même s’il existe une notion de « naturalisation » pour acquérir la nationalité, cela ne fera pas d’un sénégalais un breton, par exemple, ou d’un pakistanais un écossais …
Il ressort de là que telle était la caractéristique fondamentale d’Avraham, qui fait de lui la base des Avot (Patriarches).
Rav Its’hak Hutner (Pa’had Its’hak Soucot, Maamar 12, 2 ; Pessa’h, Maamar 49, 3) définit les Avot ainsi :
– Avraham est le premier homme « devenu » Juif, c’est-à-dire celui qui a accédé initialement à l’identité fondamentale de « Serviteur de Hachem ».
– Its’hak est le premier homme qui est « né » Juif, c’est-à-dire Kadoch (« Saint ») depuis sa conception.
– Yaacov est le premier Juif « irréversible », c’est-à-dire qu’à partir de Yaacov, l’identité « Juive » est inaltérable. Même lorsqu’il faute, le Juif ne peut pas s’affranchir de son identité. Ce n’est pas une adhésion personnelle à une « religion », mais une identité profonde.
En quoi la dimension d’Avraham en tant que « initiateur » des Guérim concerne-t-elle chacun de nous ?! C’est assurément une notion importante et vitale pour tous ceux qui, parmi les nations, veulent intégrer le Peuple de Hachem, et devenir réellement un « fils d’Avraham » qui peut se « réclamer » d’Avraham dans sa Tefila.
Mais pour nous tous, descendants des Avot, en quoi cette dimension particulière nous rattache-t-elle à Avraham, comme les versets et la Guemara le soulignent ?!
Le commentaire Ein Eliahou sur la Guemara (Souca 49b) explique le rapport entre Avraham et la Alyia laRéguel – la montée à Yerouchalaïm pour les « Fêtes ». Cette Mitsva requérait une Emouna considérable, puisqu’il s’agissait d’abandonner ses possessions sans la moindre garde pendant toute la durée de l’absence, sans craindre que des voisins non-juifs n’en profitent pour nous piller.
Cette Emouna est basée sur l’accession des Bené Israël à un niveau de « fonctionnement » au-dessus des règles naturelles. Notre existence est totalement dépendante de notre lien avec Hachem.
C’est la dimension essentielle acquise et transmise par Avraham Avinou à ses descendants.
Rav ‘Haïm Friedlander (Sifté ‘Haïm, Beréchit, p. 160-162) explique qu’Avraham a accédé au niveau que le fonctionnement de la Création soit lié à ses actions. C’est cette dimension qu’il a transmise aux Bené Israël, qui sont sa continuation. Et c’est à cette dimension que les Guérim accèdent par leur intégration dans le Peuple de Hachem.
Rav Guedalyahou Schorr (Or Guedalyahou, Lekh Lekha) développe l’analyse de la dimension d’Avraham.
Il souligne d’abord que les « dix épreuves » qu’a affrontées Avraham (Michna Avot 5, 3) ont fait passer les qualités d’Avraham du niveau potentiel à la réalisation. Ces qualités lui avaient été destinées, comme il ressort du Midrach cité plus haut que le nom d’Avraham est inscrit en allusion dans la Création. Mais il lui incombait de les amener à leur réalisation !
Rav ‘Haïm MiVolozin (Roua’h ‘Haïm, commentaire sur la Michna Avot) souligne que la Michna mentionne « Avraham Avinou (notre Père) » relativement aux épreuves pour manifester que chacun de nous porte en héritage l’aptitude à surmonter les mêmes épreuves. C’est en cela qu’Avraham est « notre Père », car il a acquis pour ses descendants les qualités profondes nécessaires à vivre le lien permanent avec Hachem.
Rav Schorr rapporte encore le Midrach (Chir HaChirim Rabah, 8, 9) qui définit le moment décisif de l’existence d’Avraham comme étant l’épreuve face à Nimrod de préférer être jeté dans la fournaise plutôt que de renier Hachem. C’est ce que le verset appelle « le jour où il sera parlé de lui ». C’est le moment où tout l’avenir d’Avraham au fil des générations se décide ! S’il surmonte l’épreuve, il atteindra par cela l’avenir glorieux que Hachem lui dédie. Mais s’il « flanche » devant l’épreuve, ses potentialités iront en s’estompant …
Rav Schorr étend cette notion à chacun de nous !
Il explique que chacun reçoit un capital considérable de potentialités, qu’il doit concrétiser. S’il ne les exploite pas, ces richesses s’estomperont, comme le Midrach souligne que tel était l’enjeu de l’épreuve pour Avraham.
Rav Schorr dit qu’il y a ainsi pour chacun un « jour où il sera parlé de lui », c’est-à-dire un moment décisif où ses capacités particulières sont appelées à se développer. Il faut impérativement saisir ces moments privilégiés, et ne pas laisser s’échapper les opportunités de nous accomplir.
Rav Schorr ajoute que la Guemara qui définit Avraham comme l’initiateur des Guérim ne vient pas nous communiquer une « information historique »…
C’est une leçon d’une importance vitale que nos ‘Hakhamim nous livrent par là. La notion de Guérout constitue, un changement radical d’identité.
Un Guer est comme un enfant qui vient de naître, car il a rompu toute attache avec le passé. Telle est la dimension qu’Avraham Avinou nous a transmise en héritage : à chaque génération, chaque Juif a l’aptitude de rompre avec des habitudes négatives et de « redémarrer » à nouveau. C’est la dimension de faire face à l’épreuve !
La leçon fondamentale de ces enseignements est que chacun vient au monde avec un capital potentiel extraordinaire, et qu’il incombe à chacun de réaliser ce que Hachem attend de lui !