בס »ד
Après cette année particulièrement éprouvante, et au seuil d’un avenir incertain, la tentation est grande de « simplifier » et d’aborder Yom Kippour avec une aspiration à un « moratoire » de nos dettes envers Hachem. Quelque part au fond de notre être, nous souhaiterions que Hachem dise : « Daï » (il suffit !) à nos détresses diverses, et prenne face à nous une attitude exclusivement favorable, comme pour dire « ce n’était que paiement d’errances passées, et maintenant les comptes sont apurés » !
Mais est-ce vraiment le sens que nous devons accorder à Yom Kippour ?!
Et pouvons-nous imaginer être quittes parce que nous avons affronté des difficultés considérables, si nous ne tirons pas la leçon de ce message, et si nous ne « recadrons » pas notre approche de l’existence ?!
Que dire de celui qui, après un incident de santé sérieux, se contente de revenir, s’il est possible, à son « train-train », sans faire un « check-up » pour découvrir les causes profondes du problème et adopter une meilleure hygiène de vie ?!
Rav Ye’hiel Yaacov Weinberg (Moadé Israël, p.43) fait allusion à la critique que les détracteurs de notre Peuple fondent sur la Tefila de Kol Nidré qui ouvre les Tefilot de Yom Kippour. Nos ennemis veulent voir dans cette déclaration qui vient nous délier des engagements pris de manière irréfléchie un déni de responsabilité, comme une proclamation unilatérale d’annulation gratuite de nos « dettes » envers Hachem ou tout créancier …
Mais Rav Weinberg qui mentionne nos détracteurs à la fin de son développement ne daigne même pas répondre à leurs accusations. L’ensemble du texte qui précède est plus qu’une réfutation d’une telle compréhension de cette Tefila !
Il introduit le sujet (p.40) par la déclaration de Rabbi Akiva (Guemara Youma 85b) « Heureux êtes-vous, Israël ! devant Qui vous purifiez-vous, et Qui vous purifie ! Notre Père Qui est dans les Cieux ! comme il est dit (Ye’hezk’el 36, 25) « Et Je projetterai sur vous des eaux pures, et vous serez purifiés ». Et il est dit (Yirmeyahou 17, 13) : « Mikvé Israël Hachem ! » (« le « Mikvé » (bassin de purification) d’Israël est Hachem ! »), de même que le Mikvé purifie ceux qui sont impurs, ainsi Hachem purifie Israël !
Rav Weinberg resitue cet enseignement de Rabbi Akiva dans toute la démarche de Rabbi Akiva, telle qu’elle se manifeste à travers plusieurs de ses interventions.
Lorsque les Romains, non contents des innombrables victimes de leurs massacres, voulurent s’attaquer à la Nechama (âme) du Peuple Juif en interdisant l’étude de la Torah, Rabbi Akiva proclama (Guemara Berakhot 61b) : « A l’endroit de la Torah, là-bas nous vivrons, et là-bas nous mourrons ! car sans elle nous sommes comme des poissons sans eau ! » Et peu de temps après, Rabbi Akiva fut effectivement saisi par les Romains pour avoir enseigné la Torah, et fut supplicié et assassiné pour ce motif.
Face à son Maître, Rabbi Eliezer, atteint de la maladie ultime de son existence, Rabbi Akiva prononça les paroles surprenantes que Rabbi Eliezer valorisa au-delà des paroles de réconfort de ses autres disciples (Sanhédrin 101a) : « Précieuses sont les souffrances ! ». Rav Weinberg explique qu’il ne s’agit pas dans le propos de Rabbi Akiva d’une valorisation « négative » de simple réparation des fautes par les souffrances.
Rabbi Akiva vient donner par-là une tout autre dimension aux épreuves, comme il apparait de la somme de ses paroles citées dans le Talmud. C’est encore Rabbi Akiva qui enseigne (Michna Avot, 3, 14) : « Précieux sont Israël, qui sont appelés « fils de Hachem ! Une valorisation particulière est pour eux l’information qu’ils sont appelés fils de Hachem, comme il est dit (Devarim 14, 1) : « Vous êtes les Fils de Hachem votre Dieu ! ».
Rav Weinberg écarte l’idée que Rabbi Akiva ait donné sa vie en enseignant la Torah publiquement juste pour le « concept abstrait du Judaïsme » ! Il dit que cette idée fallacieuse est le fruit de la vie éparpillée dans la Galout (Exil), détachée de notre Terre empreinte de Kedoucha ! Le don de sa personne qu’a accompli Rabbi Akiva était la manifestation éblouissante de la grandeur du Peuple Juif face à l’empire romain dédié au matérialisme grossier.
C’est également Rabbi Akiva qui consola les ‘Hakhamim face au spectacle d’un renard qui traversait l’emplacement du Beth HaMikdach (Guemara Makot 24b). Il manifesta la confiance puissante que l’accomplissement de la Nevoua (Prophétie) défavorable que des renards chemineraient à l’emplacement du Bet HaMikdach annonçait à coup sûr la réalisation des Nevouot de réconfort qui décrivent la Gueoula (Délivrance) à venir !
Rabbi Akiva enseigne aussi (Michna Yadaïm 3, 5) que « Tous les Ecrits des Ketouvim du Tanakh sont Kodech, et Chir HaChirim est Kodech Kodachim (Saint parmi les Saints) ! ». Chir HaChirim est « l’Hymne » à l’amour qui lie Israël à Hachem.
Au moment où son supplice atteignait son apogée, et alors que ses disciples s’étonnaient de sa sérénité, il répondit que toute sa vie il avait aspiré à manifester son amour sans réserve à Hachem, comme il pouvait le faire à ce moment. Et il quitta ce monde dans le bonheur profond de la proclamation : « Chema Israël, Hachem Elokénou, Hachem E’had ! » (Ecoute Israël, Hachem notre Dieu, Hachem est Un !).
Rav Weinberg conclut que tel est les sens de « Mikvé Israël Hachem ! ». Toutes les épreuves n’ont d’autre but que de nous purifier au contact de Hachem. De même : « Heureux êtes-vous, Israël ! devant Qui vous purifiez-vous, et Qui vous purifie ! Notre Père Qui est dans les Cieux ! » souligne que nous trouvons la purification de nos erreurs dans le contact direct avec Hachem, sans intermédiaire !
Il est clair ainsi que la réparation que nous apporte Yom Kippour n’est pas une simple « remise de dette », pour nous ouvrir la porte à de nouveaux écarts !
Rav Weinberg nous montre par là le chemin d’un Yom Kippour « d’immersion » totale dans le lien avec Hachem.
Il conclut ainsi que, loin de la compréhension fallacieuse de nos détracteurs, Kol Nidré nous fait entrer dans le contact profond avec Hachem, et c’est en cela qu’il constitue l’introduction profonde de Yom Kippour.
Rav Weinberg laisse toutefois à notre sensibilité de comprendre le sens profond de Kol Nidré, ?
Dans son commentaire sur Tehilim (130, 3) Rav Chimchon Raphaël Hirsch nous donne de quoi compléter notre analyse : « Si tu gardes les fautes, Hachem ! Qui tiendra (face à Toi) ?! ». Rav Hirsch explique que si Hachem maintient les règles de la Création du lien entre « cause » et « effet », et conserve les conséquences des fautes, alors il n’y a plus de réparation possible, et donc plus d’espoir de « Service de Hachem » après la faute qui altèrerait irrémédiablement l’homme, le laissant porteur d’une tare irréparable !
Si nous voulons comparer la purification de Yom Kippour des séquelles du passé à une situation matérielle, considérons un sportif s’exerçant au saut à la perche. Il tente un essai à une certaine hauteur, et rate son saut et s’effondre au sol, victime d’une fracture. Il a perdu tout espoir de renouveler ses tentatives.
De même, si l’homme devait dépendre des lois de causalité qui régissent le monde, son premier échec serait définitif. Mais Hachem Qui souhaite exclusivement que l’Homme atteigne son accomplissement répare les séquelles de nos erreurs. Il s’agit ici de réalité, et non de « pardon de complaisance » comme savent en octroyer les hommes dans un souci de réciprocité, en faisant semblant d’ignorer les conséquences inéluctables de la défaillance.
En réalité, Seul Le Créateur, Maître des lois de la nature aussi bien spirituelle que matérielle, peut « régénérer » l’homme pour une nouvelle tentative. Tout comme Il a octroyé à Israël une nouvelle « chance » après la faute du Eguel (le Veau d’or) en accordant les secondes Lou’hot (Tables des Dix Commandements) à Yom Kippour, ainsi Il veut nous purifier et nous régénérer à chaque Yom Kippour, afin que nous puissions enfin « réussir » notre essai. A cette fin, Hachem nous octroie au début de Yom Kippour la libération des « engagements » supplémentaires que nous avons accumulés de façon irréfléchie, pour que nous puissions « redémarrer » dans les meilleures conditions.
Au-delà de tous nos souhaits de sécurité renouvelée, et de sérénité du quotidien restaurée, sachons dépasser tous nos « petits calculs » étriqués, et prenons exemple sur Rabbi Akiva, pour nous plonger, à notre niveau, dans le contact purifiant avec Hachem.
Que cette année nous amène enfin à l’épanouissement auquel Hachem nous a destinés, et que la détresse de cette Galout (Exil) laisse place à la Gueoula (Délivrance) complète que tant de générations ont attendue !
