Parasha – 170 – Nitsavim 5784

בס »ד

La Paracha Nitsavim commence par un « Brit » (une Alliance) que Moché Rabénou conclut entre les Bené Israël et Hachem (Devarim 29, 9-28).

Ce Brit fait suite à celui qui est mentionné dans la Paracha précédente, Ki Tavo (28, 69) en conclusion de la Tokha’ha (la « Remontrance ») (28, 1-68) qui énumère les conséquences favorables du respect de la Torah, et les effets néfastes de son abandon.

Nos Commentateurs expliquent généralement que le premier Brit se rapporte aux actions personnelles de chacun, tandis que le nouveau Brit se réfère à la responsabilité mutuelle de l’ensemble du Peuple Juif.

Cependant, même le premier Brit ne s’adresse pas simplement à chaque individu, l’emploi du singulier dans la Torah désigne généralement le Peuple en tant qu’entité. La teneur des Berakhot ou des Kelalot montre clairement qu’elles s’adressent à la collectivité (28, 1 ; 10 ; 12, 21 ; 25 etc…).

La différence entre les deux Alliances se situe dans la responsabilité collective relative aux méfaits des individus, alors que l’ensemble du Peuple agit convenablement.

La suite de la Paracha (30, 1-10) annonce la « fin de l’Histoire » du Monde, en soulignant que l’issue ne pourra venir que d’un retour vers Hachem qui amènera en conséquence le rassemblement des Juifs éparpillés dans le Monde, et leur retour en Erets Israël.

La Torah enchaîne ensuite sur les versets (30, 11-14) : « …Car cette Mitsva que Je t’ordonne ce jour n’est ni inaccessible, ni lointaine. Elle n’est pas dans les Cieux pour dire : qui montera aux Cieux pour nous et la prendra pour nous, et nous la fera entendre et nous l’accomplirons. Et elle n’est pas de l’autre côté de la mer, pour dire : qui traversera vers l’outre-mer et la prendra pour nous et nous la fera entendre, et nous l’accomplirons. Car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour l’accomplir ! »

Ces versets paraissent « hermétiques », car ils ne précisent pas de quelle Mitsva il s’agit.

Rachi (14) les explique relativement à la Torah qui nous est accessible sans réserve, la Torah écrite et la Torah Orale !

Le Ramban (11) cite Rachi, mais objecte qu’alors le verset aurait dû dire : « Toute la Mitsva que Je t’ordonne ce jour » ?! Il explique qu’il s’agit de la Techouva qui est mentionnée plus haut (30, 1-2) « …et tu ramèneras à ton cœur …Et tu reviendras jusqu’à Hachem ton Dieu … ».

Le Ramban souligne que cette Mitsva que nous avons le devoir d’accomplir est exprimée à l’indicatif et non à l’impératif (tu ramèneras, tu reviendras …) pour faire allusion à la promesse que cela se réalisera.

Et même si le Peuple Juif est matériellement ou moralement éloigné de Hachem, dispersé parmi les nations, il pourra revenir à Hachem comme le souligne le verset de la Torah : « …la chose n’est pas inaccessible ni lointaine de toi … ». Il souligne que tel est le sens de ces paroles : « …dans ta bouche et dans ton cœur pour l’accomplir », reconnaitre « par la bouche », et revenir dans leur cœur, et accepter ce jour sur eux la Torah pour l’accomplir pour toutes les générations.

Rabbi Moché Alchikh cite que les ‘Hakhamim regardent cette « Mitsva » comme étant celle de l’étude de la Torah (comme Rachi l’explique). Du fait de diverses difficultés relatives à cette explication, il conclut qu’il s’agit plutôt de la Techouva mentionnée plus haut. Il garde cependant l’indication des ‘Hakhamim qu’il est question de la Torah comme source de la Techouva. Par la Torah, le Yetser Hara (Penchant du Mal) est contenu. L’effort initial de Techouva est donc d’entrer au Beth HaMidrach pour ouvrir le contact avec la Torah qui a la propriété de soumettre le Yetser Hara !

Mais en quoi consiste cette propriété de la Torah, et comment la faire pénétrer en nous qui en sommes si éloignés ?!

C’est à cette question que répond la Torah en disant :  » Car la chose est très proche de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour l’accomplir ! »

Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah, p. 77) explique que là réside le grand secret de la proximité de la Torah à l’Homme, car elle est réellement « dans sa bouche » ! Il souligne que si on interroge un Juif en lui demandant duquel il se sent le plus proche, de la Torah ou de son intellect, il répondra certainement que l’intellect lui est plus proche, car l’intellect est en lui alors que la Torah est Céleste et non intrinsèque ! Mais Rabbi Yerou’ham écarte cette erreur en citant Rabbi Yossef Yabets dans son commentaire sur la Michna Avot (3, 18) : « L’Homme est précieux … les Bené Israël sont précieux car leur a été donné l’outil précieux (la Torah) « …

Rabbi Yossef Yabets explique que Hachem a créé l’Homme doué d’intellect afin qu’il domine les animaux. Par cela l’Homme peut rester attaché aux valeurs de la sagesse.

Toutefois, rares sont ceux qui atteignent la perfection par ce chemin. Les Bené Israël sont associés aux autres peuples dans cette dimension.

Mais les Bené Israël ont en plus une particularité héritée d’Avraham beaucoup plus grande, le lien avec Hachem par lequel nous avons eu accès à la Torah !

La Torah n’est pas soumise à l’intellect, mais lui est supérieure, et c’est en cela que réside la distinction d’avec les nations, pour être liés à Hachem. La proximité profonde de la Torah en lui est la particularité du Juif qui fait qu’un Juif est d’emblée proche de Hachem dès qu’il ouvre quelques pages de Guemara !

La Techouva concerne bien sûr chaque Juif, à chaque époque, et dans tout contexte !

Il ne s’agit pas seulement de revenir sur des fautes concrètes accomplies délibérément ou même par inadvertance. L’essentiel de la Techouva consiste, comme l’exprime le Navi (Prophète) dans la Haftara que nous lisons Chabat Chouva (entre Roch Hachana et Yom Kippour) (Hochéa 14, 2-10) « Reviens Israël jusqu’à Hachem ton Dieu … ! ».

Il ne suffit pas d’un simple geste de « bonne volonté » ! Il faut revenir « Jusqu’à Hachem » !

La suite du Navi dit : « Achour (la puissance concurrente de Bavel, l’ennemi d’Israël de l’époque …) ne nous sauvera pas. Sur un cheval nous ne chevaucherons pas. Et nous ne dirons plus  » notre dieu » à la confection de nos mains ! ».

La Techouva consiste à corriger profondément notre regard sur l’existence, et à ne plus croire à la puissance humaine sous toutes ses formes, mais à reconnaître la puissance exclusive de Hachem.

Tout ce qui se produit dans le monde, au niveau individuel et au niveau collectif, et même mondial et cosmique est dirigé par Hachem.

Cette Techouva concerne bien évidemment les individus.

Toutefois ces versets suivent immédiatement le passage (30, 1-10) exprimé au singulier, et s’adressent à l’ensemble du Peuple de Hachem pour annoncer la Techouva qui résultera finalement des péripéties de l’Histoire et aboutira à la Gueoula (Délivrance) ultime.

Les versets que nous avons analysés sont pareillement exprimés au singulier mêlé de pluriel.

Comme nous l’avons vu dans le Dvar Torah de la Paracha précédente au nom de Rav Chimchon Raphaël Hirsch (27, 2-3), la Torah mêle le singulier et le pluriel pour souligner que ses exigences ne sont ni l’affaire « privée » des individus, ni la fonction « administrative » exclusive de la « représentation nationale » !

Nous formons une entité dont chaque membre est responsable en tant qu’élément du tout.

Notre Peuple a vécu nombre d’époques troublées et même marquées de souffrances indicibles. Et il est clair que chaque moment d’épreuve porte un potentiel d’élévation qui pourrait rapprocher l’issue favorable de l’Histoire.

Notre époque ne manque pas d’illustrations de cette évidence, depuis les malheurs qui ont marqué les générations qui nous ont précédés, et jusqu’au quotidien actuel tant dans les divers pays du monde qu’en Erets Israël. Toutefois, nous pouvons ressentir une « faiblesse » par rapport aux générations des siècles où l’ensemble du Peuple vivait activement l’attachement à la Torah, et où l’annonce du mois d’Elloul précédant Roch Hachana bouleversait chacun.

Aujourd’hui, une partie importante de notre Peuple est constituée de ceux qui sont éloignés de la pratique quotidienne des Mitsvot, et se qualifient de « traditionnalistes » (Rav Galinski reliait « Massoratim », en Hébreu au mot « massor », scie, pour souligner qu’ils tranchent dans la Torah pour l’amputer de ce qui les « encombre » …). Et même ceux qui restent fidèles à l’observance des Mitsvot sont profondément imprégnés des « valeurs » du monde environnant.

Qui parmi nous prétendra être totalement insensible à l’écho des prouesses militaires ou technologiques, ou aux changements d’attitude des gouvernements du monde envers nos communautés ou la situation en Erets Israël ?! Dans une telle atmosphère, comment pouvons-nous déchiffrer avec confiance les versets de notre Paracha qui nous annoncent que finalement nous ferons Techouva, et même jusqu’à Hachem comme le dit le Navi.

Rav Chlomo Wolbe a édité son livre Olam Hayedidout (Le Monde de l’Amitié), regroupant ses interventions dans des bases militaires et des Kibboutzim (a priori hostiles à toute notion spirituelle) dans la période entre le « 6 » et le « 10 », c’est-à-dire entre la Guerre « des six jours » et celle de Yom Kippour (10 Tichri).

Dans l’introduction, il souligne que ces deux périodes furent des moments d’éveil aux valeurs de la Torah. L’émerveillement devant les Nissim (Miracles) de la première période, même s’il s’atténua par la suite, et la désillusion qui suivit la seconde réveillèrent le questionnement de couches importantes de la population sur la « durabilité » d’une nation dénuée de toute spiritualité.

Un demi-siècle plus tard, nous vivons une période de choc non moindre !

C’est pour nous l’opportunité de « réviser » nos systèmes d’appréciation de l’existence et des évènements et de revenir à de vraies valeurs juives !

La recette se trouve dans ces versets qui nous disent que la Torah et la Techouva sont proches, dans notre bouche, dans l’étude de la Torah, et dans notre cœur dans l’intériorisation de ses valeurs qui nous ramèneront jusqu’à Hachem Qui nous attend !

Chabbat Chalom !