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La Paracha Ki Tétsé s’ouvre avec un épisode lié à la guerre face à un ennemi autre que les peuples de Canaan que Hachem a ordonné d’anéantir, et le choix éventuel de prendre pour épouse une captive de guerre (Devarim 21, 10-14). La Torah met en garde contre les conséquences désastreuses d’une telle démarche. Un tel mariage est promis à l’échec (15-17), et mènera probablement à la naissance d’un fils “rebelle” (18-21).
Dans la suite de la Paracha apparaissent de nombreuses règlementations relatives à la construction d’un foyer, les règles concernant les cas de soupçons d’adultère, réel ou inventé par malveillance (22, 13-21), puis les lois concernant la punition des adultères (22-27), et le cas de viol d’une célibataire (28-29).
Suivent ensuite divers cas de mariage interdits (23, 1-9) …
Plus loin dans la Paracha (24, 1-4) sont développées les règles relatives au divorce.
Vient enfin une règle particulièrement étonnante (24, 5) : “Lorsqu’un homme épousera une épouse nouvelle, il ne sortira pas à l’armée, et ne passera pas sur lui (explication de Rachi : le besoin de l’armée) pour quelque chose que ce soit. Libre pour sa maison, il sera une année, et il réjouira son épouse qu’il a épousée”.
Cette règle est complémentaire au passage de la Paracha précédente, Choftim (Devarim 20, 2-9) qui définit les règles de “conscription” pour la guerre. La Torah dicte là-bas que les cadres de l’armée doivent proclamer que celui qui a construit une nouvelle maison, mais ne l’a pas inaugurée, celui qui a planté une vigne et n’en a pas encore consommé les fruits, celui qui a créé le lien avec une épouse (Kiddouchin) mais ne l’a pas encore concrétisé par la ‘Houppa, tous doivent quitter l’armée et s’en retourner chez eux.
Le nouveau passage dans notre Paracha marque un cran supplémentaire, dans la mesure où l’homme est non seulement dispensé du service actif au front, mais même de toute servitude au service public.
Au-delà des différences entre ces cas et leurs règles, il se dégage une approche étonnante de l’équilibre entre les besoins vitaux de la collectivité et les intérêts apparemment secondaires de l’individu. A notre époque où l’intérêt national est mis en avant jusqu’aux conflits les plus âpres, menaçant même d’une nouvelle “guerre mondiale” qui mettrait en jeu la survie globale de l’humanité, il n’est pas indifférent de consulter la Torah pour découvrir les principes fondamentaux que Hachem nous dicte, à nous, Son Peuple.
Rabbi Yerou’ham Levowicz (Daat Torah Devarim 24, 5) explique que chaque chose a un fondement sur la réalisation duquel est axé l’accomplissement de la chose. “La finalité de l’action réside dans le projet initial !”. Le projet est l’âme de l’action qui impose son accomplissement. De même chaque “code de lois” a son fondement qui préside à toutes ses lois, qui anime tous ses développements.
Rabbi Yerou’ham rapporte les propos de Rav Saadia Gaon qui a relié toutes les Mitsvot de la Torah aux Dix Commandements. Les Dix Commandements eux-mêmes sont inclus dans le Premier Commandement : “Je suis Hachem ton Dieu …” Le fondement de tout est l’Unicité de Hachem, qui nous a été révélée par la Sortie d’Egypte (Or’hot ‘Haïm du Roch, 26).
Chaque armée a ses principes de fonctionnement basés sur les compétences spécifiques de chaque soldat, selon lesquelles se feront les affectations. L’essentiel tient pour les nations dans la force et l’efficacité de chacun.
Le fondement de l’armée de notre Peuple se situe dans le verset de Tehilim (20, 8) : “Ceux-ci par les chars, et ceux-là par les chevaux, et nous, nous appelons le Nom de Hachem notre Dieu !”.
Cette approche est illustrée par un épisode dans le Sefer Choftim (7, 1-7) où Hachem ordonne à Guidone de réduire les effectifs de la troupe avec laquelle il va s’attaquer aux Midianites qui oppriment les Bené Israël. Composée au départ de 32000 hommes, Hachem ne laissera Guidone livrer la bataille qu’avec 300 hommes.
Rabbi Yerou’ham souligne que le nombre de combattants, non seulement n’ajoute rien à l’efficacité, mais plus encore, il nuit à l’évidence que c’est exclusivement Hachem qui mène Israël à la victoire.
Toute victoire qui pourrait être attribuée à la “force” humaine est en fait une défaite du point de vue Juif basé sur l’intervention exclusive de Hachem !
On rapporte à ce sujet qu’il y plus d’un siècle, les “Maskilim” (Juifs visant à l’assimilation) montèrent une pièce de théâtre mettant en jeu le passage de la Paracha Choftim sur le départ au front. Ils mettaient sur scène une foule de soldats qui partaient au fur et à mesure des proclamations des cadres, jusqu’à ce qu’il ne reste sur la scène que deux vieillards frêles appuyés sur leurs cannes, représentant le ‘Hafets ‘Haïm et Rav ‘Haïm de Brisk. Lorsqu’on décrivit cette pièce à Rav ‘Haïm, il conclut que la pièce s’arrêtait trop tôt, puisqu’elle ne montrait pas la victoire remportée par les “soldats” de Hachem …
Rav Levowicz cite Rachi qui étend la règle de dispense totale de service public de notre Paracha à celui qui a construit une nouvelle maison et l’a inaugurée, et à celui qui a planté une vigne et a commencé à en consommer les fruits. Celui qui a atteint un “sommet” de réjouissance parmi les trois cas cités a le droit à deprofiter pleinement de cet aboutissement, et il est interdit de l’en spolier. L’armée de Hachem ne fonctionne pas selon les mêmes principes que celles des nations !
Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Devarim 24, 5) explique que l’année de “liberté” octroyée au “nouveau marié” a pour but de lui permettre de construire le lien avec son épouse. La collectivité a un sens uniquement par le regroupement des individus, et en aucun cas en dehors des individus. L’épanouissement de la collectivité ne peut être atteint qu’à travers celui des individus et leur bonheur.
C’est pourquoi chaque bonheur d’un foyer qui se construit concourt à l’objectif collectif. La collectivité doit donc veiller à l’épanouissement de l’individu !
De même, Rav Chimchon Raphaël Hirsch explique (Chemot 12, 3-6) que le Korban (Offrande) Pessa’h que les Bené Israël durent offrir devant Hachem à la veille de leur Délivrance d’Egypte était défini comme une réalisation de “Bayit” (Maison). La constitution du Peuple de Hachem est le résultat d’une somme de foyers, et non une entité nationale dépassant les intérêts des individus.
La construction de l’unité familiale est à ce point essentielle qu’elle dicte en fait toutes les règlementations relatives au mariage. Du début de la Paracha, avec le choix “problématique” de l’épouse captive de guerre, en passant par tous les conjoints proscrits par la Torah, et jusqu’aux lois du divorce, tout concours à assurer une véritable construction.
Concernant les modalités du divorce, il y a une discussion dans la Guemara (Guitin 90a) sur les raisons qui peuvent justifier une décision de divorce. Selon une opinion, même un manquement infime justifie une telle décision de la part du mari.
Comment comprendre cela, alors que la Torah est si fortement axée sur la stabilité familiale ?!
Rav Yaacov Kamenetski (Emet LeYaacov Devarim 24, 1) explique que c’est justement du fait de l’exigence supérieure de la Torah qu’est issue cette règle. Un couple basé sur la Torah doit être animé de sentiments positifs sans réserve l’un pour l’autre. De même qu’un homme n’en “voudra” pas à un de ses organes d’une “faute”, qu’il saura excuser sans restriction, ainsi doit être le ciment entre époux. Si une telle unité n’est pas atteinte, c’est déjà une faiblesse dans la construction.
Rav Kamenetski justifie ainsi l’enseignement que leur association est aussi difficile que le partage de la Mer des Joncs” (Guemara Sota 2b). Il explique que pour Hachem, il ne s’agit absolument pas d’une difficulté d’ordre matériel qui ne peut évidemment pas concerner Hachem.
La difficulté réside dans la rupture de la nature créée par Lui.
De même que Hachem a créé la mer différente de la terre sèche, et changer ce fait va contre le principe créé, ainsi l’unité profonde de deux êtres distincts en un est “contre nature”, et nécessite une aide Divine considérable. L’union des deux partenaires n’est possible que du fait que Hachem avait initialement créé les deux partenaires “en un”.
Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beér Moché Devarim, p. 688) explique lui aussi que la modalité du divorce est profondément liée aux conditions de construction d’une cellule familiale. Il cite la Guemara Sota 47a) “la grâce de l’épouse sur son mari”. Ce sentiment est appelé à surmonter toutes les difficultés. Lorsqu’il vient à faillir, c’est un symptôme de “maladie” du “Chalom Bayit” (l’harmonie du couple), qui appelle réponse, dans l’intérêt même de l’épouse.
Il ressort de ces diverses explications un tableau de l’existence tant collective qu’individuelle du Peuple de Hachem totalement différent des fondements sociaux de l’ensemble de l’humanité.
Appliquons-nous à reconstruire en nous ces notions fondamentales et extraordinaires qui nous feront retrouver grâce aux yeux de Hachem Qui nous amènera enfin la Gueoula tant attendue.
Chabbat Chalom !