בס »ד
Le Sefer Devarim prépare essentiellement l’entrée du Peuple Juif en Erets Israël.
La Paracha Ekev est centrée sur la « dure lutte pour l’existence » à laquelle se mesure l’Homme tout au long de sa vie.
La Torah vient nous rappeler que dans ce « challenge », nous ne sommes pas livrés « à nous-mêmes » !
La Paracha Ekev nous rappelle en particulier notre séjour dans le désert, qui fut accompagné de Nissim (Miracles) exceptionnels tels la Manne qui nous était accordée chaque jour, et de même que les vêtements ne s’usèrent pas pendant quarante ans ! (Devarim 8, 2-5).
La Torah enchaîne en décrivant les qualités d’Erets Israël (7-9) et conclut par le verset (10) : « …et tu mangeras, et tu seras rassasié, et tu « béniras » Hachem ton Dieu pour la bonne Terre qu’Il t’a donnée ! »
Ce verset introduit l’obligation de dédier une Berakha (« Bénédiction ») à Hachem pour notre nourriture, le Birkat Hamazone. Il constitue la base de la Mitsva d’exprimer notre reconnaissance à Hachem après un repas (Guemara Berakhot 21a). Cette Berakha est la « tête de file » des nombreuses Berakhot que nous ont instituées nos ‘Hakhamim. C’est la seule Berakha relative à une satisfaction matérielle dont la Mitsva vient de la Torah elle-même et non des ‘Hakhamim !
Rabénou Be’hayé (8, 10) remarque que nous ne trouvons nulle part ailleurs dans la Torah que Hachem ordonne de Lui dédier une Berakha. Il souligne que la Berakha ne peut en aucun cas être considérée comme étant « à l’avantage » de Hachem, puisque toutes les Berakhot (bienfaits) qui se manifestent dans le monde proviennent de Lui. Aussi, toute Berakha qui Lui sera adressée par Ses créatures ne peut rien Lui ajouter. Le but de la Berakha est donc notre propre intérêt, lorsque nous témoignons ainsi que tout nous parvient de Hachem.
Toutefois, l’importance que la Torah accorde aux avantages matériels reste troublante ! L’insistance dans la description des qualités d’Erets Israël dans les versets 7 & 9, a de quoi surprendre !
Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, 8, 8-9) s’étonne de ce fait en soulignant que les qualités d’Erets Israël se situent plutôt dans le domaine spirituel.
La Torah définit ainsi Erets Israël : « un Pays que Hachem ton Dieu observe ; en permanence les « Yeux » de Hachem ton Dieu sont sur lui du début de l’année et jusqu’à la fin de l’année » ! (Devarim 11, 12).
Il ajoute que la Michna (Kelim 1, 6) définit ainsi Erets Israël : « Erets Israël est « MeKoudéchet » (« Sanctifiée ») plus que toutes les terres ».
Rav Grossbard explique que le monde matériel est caractérisé par les « limites », à l’opposé des dimensions spirituelles qui se manifestent par le foisonnement. Les ‘Hakhamim (Midrach Beréchit Rabah, 46, 3) expliquent le verset (Beréchit 17, 11) où Hachem se présente à Avram comme « El Chadaï » comme signifiant que Hachem a dit à Son monde « Daï », (« suffit »).
Le monde où la Présence de Hachem est occultée par les apparences de fonctionnement « naturel » a ses limites. Sans ces limites, l’Homme serait prisonnier de ces apparences. C’est ce que Hachem a exprimé à Avram au moment de lui ordonner la Mila (Circoncision). Hachem disait ainsi à Avram que le moment d’encadrer l’apparence « naturelle » du monde était arrivé, et d’enclencher le mouvement spirituel qui doit mener à l’aboutissement de la Création. La Mila était le premier pas dans la constitution du Peuple de Hachem, qui reconnait le sens spirituel profond de la Création.
Dans le « Olam Haba », le Monde où la Création atteint son aboutissement dans la conscience de son Créateur, il n’y a plus place à aucune des « barrières » qui caractérisent le monde matériel dans lequel nous évoluons. Rav Grossbard explique ainsi que tel est le sens des qualités d’opulence d’Erets Israël. Hachem nous donne en Erets Israël un « échantillon » de ce qu’est un monde où la Berakha de Hachem s’exprime pleinement. A nous d’en prendre conscience !
Le verset dit : « Il (Hachem) t’a affamé, et Il t’a nourri de la Manne que tu ne connaissais pas et que tes ancêtres n’avaient pas connue, afin de te faire savoir que ce n’est pas sur le pain seul que l’Homme vit, car sur tout ce qui sort de la « bouche » de Hachem l’Homme vit » (8, 3).
Rav Zalman Sorotskin (Oznaïm LaTorah) explique ce verset ainsi : L’Homme vit lorsque la Nechama (âme) se trouve en lui. Le pain qui maintient l’homme en vie est apparemment ce qui lie la Nechama et le corps. Cependant le pain matériel qui garde le corps en vie n’est que la partie « visible » de la « nourriture ». Il a un pendant spirituel qui « nourrit » la Nechama. Toutefois la part du lien matériel est plus « marquante », de même que le corps lui-même s’impose plus à la perception que la Nechama. C’est pourquoi Hachem veilla à rétablir l’équilibre pendant quarante ans dans le désert, en nourrissant les Bené Israël avec la Manne, totalement spirituelle. Le miracle de la Manne renforça la position de la Nechama, élevant ainsi le niveau spirituel des Bené Israël pour les préparer à conquérir Erets Israël, lieu du lien privilégié avec Hachem.
Rav Mordekhaï HaCohen (Sifté Cohen) commente pareillement ce verset, expliquant que le pain matériel ne suffit pas à nourrir l’Homme, sans l’apport des « racines » spirituelles qui communiquent sa force au pain matériel. Nos ‘Hakhamim expliquent qu’il y a un échelonnement des niveaux de réalité les uns au-dessus des autres, chaque niveau étant la Nechama de celui qui lui est inférieur, jusqu’à arriver à la « Cause » initiale, Source de la vie et de la mort de tout être vivant. Le verset vient ainsi souligner que l’essentiel de la vie n’est pas le pain matériel, mais la racine spirituelle la plus élevée » car sur tout ce qui sort de la « bouche » de Hachem l’Homme vit ». C’est ce qu’expérimentèrent les Bené Israël pendant les quarante années où ils ne consommèrent pas du pain matériel, mais étaient alimentés par la Manne totalement spirituelle.
Rav Chimchon Pinkus (Tiférèt Chimchon) explique que le « point » de vie s’exprime dans notre existence par le pain fait à partir d’une des cinq céréales, comme le souligne le verset.
Outre le pain matériel, il y a encore » tout ce qui sort de la « bouche » de Hachem »,comme le dit la suite du verset. Le « point de vie » signifie le point de contact de l’Homme avec Hachem, qui est la véritable dimension de la vie. Rav Pinkus cite à l’appui le verset de Kohélèt : « et la supériorité de la connaissance de la sagesse fait vivre son maître » (7, 12).
Le véritable « point de vie » de l’Homme réside dans la connaissance de l’existence de Hachem. Le manque de cette conscience constitue en soi la « mort » !
Car l’homme qui n’est pas lié à Hachem n’a alors aucun contact avec la vie réelle que Hachem lui donne. Grâce à ces paroles de Rav Pinkus, nous pouvons comprendre la Guemara qui dit : « Les Rechaïm, de leur vivant sont appelés morts » ! (Berakhot 18b). Ce n’est pas une métaphore, c’est la réalité profonde qui nous échappe malheureusement du fait des apparences de fonctionnement naturel du monde physique.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch rattache le mot : « Lé’hem » (pain) à la racine du mot « Mil’hama » (guerre).
Le pain est la nourriture issue de la « lutte » de l’Homme avec la nature et la concurrence avec les autres !
Le pain est le résultat dela nature et de l’intellect humain qui domine le monde.
Ainsi, le pain représente l’intellect humain qui domine la nature et agit à travers la société. L’erreur peut facilement s’installer de croire que c’est l’énergie « créatrice » de l’Homme qui est la condition essentielle de sa survie sur terre. Cette erreur mènerait à ignorer notre responsabilité dans l’existence qui est de nous tourner vers Hachem. Pour nous imprégner de la conscience de la véritable réalité que toute notre existence dépend exclusivement de Hachem, Il nous a menés pendant quarante ans dans le désert, sans la moindre cause naturelle à notre survie. Toutefois le but de la Création n’est pas dans cette situation exceptionnelle. L’objectif est la vie « naturelle » en Erets Israël, où les apparences reprennent leur place, et où nous devons pérenniser la prise de conscience des quarante ans dans le désert, sans nous laisser abuser par la « façade naturelle » de la réalité.
Rav Hirsch explique la place des diverses Berakhot dans le Birkat HaMazone (la Berakha que nous récitons après le repas de pain). Ces Berakhot dépassent les limites du « remerciement » pour la nourriture seule. Dans la seconde Berakha nous exprimons notre reconnaissance à Hachem de nous avoir donné Erets Israël, tout en soulignant que notre vie en Erets Israël est conditionnée au respect du Brit (l’Alliance) avec Hachem et à la Torah. Dans la troisième Berakha, nous rappelons que notre existence « nationale » est axée sur sa dimension spirituelle, centrée sur le Beth HaMikdach à Yerouchalaïm. Notre existence individuelle est étroitement liée à notre dimension collective de Peuple de Hachem, et c’est la place de cette troisième Berakha à la suite du repas qui semblerait être un enjeu purement individuel.
Rav Hirsch souligne (Beréchit 9, 26) que la Berakha dirigée de l’Homme vers Hachem n’est pas une simple reconnaissance de Hachem comme Source de la Berakha, comme beaucoup veulent l’expliquer.
La Berakha qu’adresse l’Homme à Hachem est un « Néder » (engagement) d’utiliser les moyens que Hachem lui accorde à l’accomplissement de la Volonté de Hachem. Chaque élément de notre existence, les moyens matériels et également les moindres circonstances de la vie, tous sont des « investissements » que Hachem nous a confiés afin de mener la Création à son aboutissement.
Ainsi la Berakha que dicte ici le verset constitue un engagement à être un fidèle « gestionnaire » du capital de vie que Hachem m’a confié.
Chabbat Chalom !
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