בס”ד
Au début de la Paracha Vaét’hanan (Devarim 4, 1-14) la Torah nous appelle à respecter scrupuleusement la Torah, sans ajout ni retrait, et en veillant à entretenir le souvenir de Matane Torah (le Don de la Torah au Sinaï).
Trois versets au milieu de ce passage sont surprenants (4 – 6,7,8) :
“Et vous garderez et vous ferez, car c’est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui entendront tous ces ‘Houkim (lois de la Torah à caractère de “décrets” dans la mesure où leur sens échappe à la compréhension humaine …) et ils diront : seulement un peuple sage et intelligent est ce grand peuple. Car qui est un grand peuple qui a Dieu proche de lui comme Hachem notre Dieu à chaque fois que nous L’implorons. Et qui est un grand peuple qui a des ‘Houkim et des Michpatim (Lois qui comportent des aspects accessibles à la compréhension humaine) justes, comme toute cette Torah que Je mets devant vous ce jour !”.
Ces versets soulèvent plus d’une question :
-Tout d’abord, comment comprendre que l’admiration des nations pour les ‘Houkim soit une motivation pour respecter les Mitsvot de Hachem ?! Comment peut-on mettre en balance la volonté de Hachem avec la considération accordée par des hommes ?!
– Si déjà nous tenons compte du regard humain, il semblerait plus logique que les non-juifs nous dédient de la considération pour les Michpatim qu’ils peuvent appréhender, plutôt que pour les ‘Houkim qui leur sont hermétiques ?!
-De plus, il semblerait qu’au contraire les ‘Houkim nous amènent les quolibets des non-juifs plutôt que leur respect. Rachi (Bamidbar 19, 2) cite le Midrach qui dit que le Satan et les nations interpellent les Bené Israël relativement aux ‘Houkim. Comment comprendre alors l’affirmation de la Torah ici que précisément les ‘Houkim nous attireraient l’admiration des nations ?!
Rachi ajoute (4, 9) : “Lorsque vous n’oublierez pas (les Mitsvot) et que vous les accomplirez véritablement, vous serez considérés comme sages et intelligents. Mais si vous les faussez suite à l’oubli, vous serez considérés comme insensés.”
Rav Tsvi Chraga Grossbard (Daat Chraga, p.28) explique qu’il y a dans la Création quatre “règnes” :
La matière inerte, le végétal, l’animal et l’être “parlant”, l’homme doué de raison.
Chaque niveau est supérieur au précédent. Mais lorsque l’un d’eux perd sa caractéristique spécifique, il descend en dessous du niveau inférieur. Par exemple, lorsque le végétal perd sa “vie”, il pourrit et descend en-dessous du niveau du minéral. Et il en de même pour l’animal !
Et à fortiori pour l’Homme, lorsqu’il perd la raison, il perd totalement sa valeur spécifique !
Rav Grossbard ajoute alors qu’il y a un cinquième niveau comme le développe Rabbi Yehouda Halévi dans le Kouzari (Chapitre 3) : les Bené Israël auxquels a été donnée la Torah.
Aussi, si un Juif abandonne la Torah, il devient inférieur aux nations du monde (comme nous le voyons, malheureusement, de tous temps dans l’hostilité extrême que montrent les renégats à l’encontre des Juifs fidèles à la Torah, et l’abjection de leur comportement …). C’est ce qu’exprime Rachi dans sa remarque sur les conséquences néfastes de l’oubli.
Rabbi Yerou’ham Levovitz développe cette même approche (Daat Torah, Devarim 4, 6). Il souligne qu’à la différence des animaux qui possèdent par nature les conditions de leur survie, l’Homme aborde l’existence totalement démuni, et doit attendre que sa raison s’affirme pour être à même d’éviter les dangers. Il est donc vital pour l’Homme de suivre les avis de la raison, puisque sans cela il est guetté par toutes sortes d’accidents. De même, le Peuple Juif, qui a reçu au Sinaï des “outils” et une nature différents afin d’être apte à recevoir la Torah, a vu sa nature profonde changée complètement. Dès lors, nous ne pouvons plus “fonctionner” uniquement sur la base de la raison comme le reste de l’Humanité.
Par Maamad Har Sinaï (la “Station” face au Mont Sinaï) nous avons reçu une dimension différente qui est devenue notre “nature” profonde. Si nous nous en écartons, nous perdons notre niveau spécifique, et nous rétrogradons en dessous du niveau général de l’Humanité. C’est cette alternative qui est présentée dans ces versets : Soit nous nous élevons à un niveau supérieur qui s’imposera aux yeux des nations, soit nous chutons en dessous de tous !
Le Malbim (4, 7-8) rapporte les paroles du Ran (Drachot HaRan, p. 50-52, 351-353 édition Mossad HaRav Kouk) qui analyse ces versets.
Le Ran explique qu’il y a un lien de causalité entre les versets 7 et 8. Lorsqu’on voit quelqu’un, qui par ailleurs semble sensé, accomplir des actions incompréhensibles, on est mené à une de deux conclusions : si les résultats de ses actions sont satisfaisants, nous sommes contraints de conclure qu’il est effectivement doté d’une sagesse supérieure qui l’amène à agir d’une façon qui nous échappe. Si, par contre, nous ne constatons pas une “réussite” particulière dans sa démarche, alors nous concluons qu’il est, en fait, insensé !
Lorsque les non-juifs constatent la présence de Hachem à nos côtés, comme l’exprime le verset 7, ils sont amenés à reconnaître la supériorité de notre démarche, même, et particulièrement, dans les ‘Houkim qui font la différence entre nos modes de vie. Ils en arrivent ainsi à admiration pour les ‘Houkim mentionnés dans le verset 8 !
Rabbi Yaacov Neyman (Darké Moussar, p.215) aborde cette question sous un autre angle : lorsque Hachem nous a donné la Torah, les nations ont commencé par se gausser de nous, qui acceptions des “décrets” sans logique. Mais lorsque les non-juifs voient finalement quelle sorte d’hommes exceptionnels sortent de nos ‘Houkim, ils constatent la distinction profonde que ces ‘Houkim entraînent entre nous et eux, et le niveau supérieur auquel ils nous propulsent.
Il cite par exemple les règles de la vie conjugale, qui mènent à une noblesse et une délicatesse de comportement qui n’ont pas leur équivalent en dehors d’une vie de Torah.
Pareillement, les lois alimentaires, qui n’ont pas d’explication accessible à la raison humaine.
Les non-juifs voient ensuite la différence entre les Israël et les nations, la distance qui éloigne un juif du meurtre et de tous les mauvais comportements.
Aussi, lorsqu’ils constatent ces différences profondes, qu’ils ne peuvent pas les attribuer aux Michpatim (Lois “logiques”), car eux aussi ont leur code social, et cela ne les empêche pas de se livrer à leurs tendances naturelles néfastes, ils sont contraints de voir dans les ‘Houkim la source des qualités particulières d’Israël !
De tous temps, il s’est trouvé des non-juifs de qualité qui savaient reconnaître les qualités des Grands de la Torah et s’attacher à eux.
Citons ici quelques exemples notoires au fil des siècles, qui ne sont pas isolés, mais viennent illustrer cette notion :
La Guemara (Avoda Zara 10b) décrit la proximité exceptionnelle de l’Empereur Romain Antonin avec Rabbi Yehouda HaNassi. Cette relation privilégiée favorisa l’éclosion sous l’autorité de Rabbi Yehouda du texte unifié de la Michna qui permit la pérennité de la Torah en notre sein au long de la Galout (Exil).
Plus près de notre époque, Rav ‘Haïm MiVolozin (Disciple du Gaon de Vilna) fonda la Yechiva de Volozin, “Mère des Yechivot modernes”. Il bénéficia du soutien fidèle du Comte Tichkovitz, noble polonais, Maître de la région de Volozin. Les relations d’amitié entre eux sont décrites dans le livre biographique Avi HaYechivot (p.134 et suivantes).
L’admiration du noble polonais se manifesta par un soutien sans faille, allant jusqu’à aider à la construction de la Yechiva, et même à édifier une maison personnelle pour Rav ‘Haïm, face à son propre château. Ils en vinrent à des rencontres hebdomadaires de discussion sur toutes sortes de sujets d’actualité.
Et lorsque le comte vint assister à l’enterrement de Rav ‘Haïm, il ne se permit que d’embrasser son pied en signe de respect. (Le monument surmontant la tombe portait l’aigle polonais, témoignant de sa participation à l’érection de cet édifice). Cette amitié était à ce point puissante qu’elle se prolongea à la génération suivante entre leurs fils …
Plus près de nous encore, Rav Yossef ‘Haïm Zonnenfeld, Rav de Yerouchalaïm il y a un siècle, fut reçu avec grand honneur par ‘Hussein Ibn Ali, roi de ‘Hedjaz, et racine de la famille Hachémite. Cette rencontre eut lieu à Aman, chez son fils l’Emir Abdallah. Le roi ‘Hussein était alors la personnalité la plus influente dans la péninsule arabe, et le but de la visite de Rav Zonnenfeld à la tête de la délégation de la communauté de Yerouchalaïm revêtait le caractère d’une mission diplomatique du plus haut niveau.
Après communication des objectifs du Judaïsme authentique dans l’installation pacifique dans l’harmonie en Erets Israël, sans intention politique, le Roi répondit par un discours bref et chaleureux. La rencontre avec cette famille royale se conclut par l’octroi cérémonieux au noble Rav de la distinction de “l’Istiqlal”, honneur suprême dans la péninsule arabe.
Voilà comment nos Grands furent honorés pour leurs qualités profondes.
Voilà comment de tous temps se concrétisait la reconnaissance des qualités de sagesse du Peuple de la Torah !
La grandeur de notre Peuple se situe dans notre identité profonde liée à la Torah. C’est là, exclusivement, que les nations nous ont reconnu la supériorité, et non lorsque nous essayons de les “concurrencer” dans leurs activités matérielles …
Tel est le message de la Torah pour toutes les générations !
Chabbat Chalom !
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