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La Paracha ‘Houkat représente la transition entre la génération de la Sortie d’Egypte et du séjour dans le désert, et l’entrée en Erets Israël.
Après l’épisode des “eaux de la querelle” où les Bené Israël se rebellèrent contre Moché Rabénou en lui reprochant le manque d’eau consécutif au “tarissement” du puit de Myriam, les Bené Israël se trouvent au seuil du territoire d’Edom, les descendants d’Essav (Bamidbar 20, 1-13).
Le chemin le plus court pour entrer en Erets Israël consiste à traverser le pays d’Edom.
Pour ce faire, Moché Rabénou envoie des messagers au Roi d’Edom en ces termes : “Ainsi a dit ton frère Israël : Tu connais toutes les difficultés qui nous ont trouvé (l’exil en Egypte et la Sortie) … Traversons, de grâce, ton pays etc. …” (20, 14-17).
La réponse négative est “claire”. Edom lui dit : “Tu ne passeras pas dans mon domaine de peur que je ne sorte à ta rencontre avec l’épée !” (18).
Les Bené Israël insistent toutefois en lui adressant le message suivant : “…Dans la route nous monterons, et si nous buvons de ton eau, moi et mes troupeaux, je donnerai leur prix …” (19).
Suite à cet épisode, la Torah dit : “Hachem dit à Moché et à Aharon à Hor Hahar, à la frontière du pays d’Edom en disant que Aharon rejoigne son peuple (décède) …” (20, 23-24). Et de même le Navi (Prophète) dit à Yehochafat : “…Lorsque tu t’es associé à A’haziahou, Hachem a battu en brèche tes actions …” (Divré Hayamim II, 20, 37).
L’exemple cité dans ce Midrach rapporté par Rachi se situe dans le contexte d’une association d’intérêt pratique entre Yehochafat le Tsadik, Roi de Yehouda, et A’haziahou, Roi du Royaume dissident d’Israël, idolâtre. Bien que leur association se limita à des entreprises exclusivement matérielles, le Navi transmet à Yehochafat le jugement de Hachem qui se concrétisa par le naufrage des bateaux qu’ils avaient envoyés en commun.
Tâchons de comprendre ce qui sous-tend cette notion de catastrophe liée au contact avec le Racha ?!
La Michna (Avot 1, 7) prescrit : “Eloigne-toi d’un voisin mauvais, et ne te lie pas au Racha …”.
En quoi consiste ce “lien”, et en quoi est-il systématiquement néfaste ?
Rav Yaacov Kamenetski commente cette Michna ainsi : il est vrai que la Torah nous ordonne de ne pas repousser Edom, au titre de notre ascendance commune à partir d’Avraham et Its’hak. Toutefois, nous devons limiter cette ouverture relative au strict respect de la recommandation de la Torah, mais sans y ajouter le moindre sentiment personnel de proximité et de fraternité.
Le grief envers les Bené Israël provenait du fait qu’ils ont ressenti ici une certaine proximité particulière du fait de l’origine commune, et non au titre de la recommandation de la Torah. C’est ce qui leur a fait perdre le Tsadik, Aharon, à ce moment-là.
La question est évidente : C’est Moché Rabénou qui a adressé à Edom le message : “ainsi a dit ton frère Israël”. Comment peut-on alors en faire le reproche aux Bené Israël ?!
Rav Aharon Reuter (Chaaré Aharon) explique que le grief ne vient pas du premier message issu de Moché Rabénou, que Hachem lui avait certainement dicté. C’est le second message d’insistance qui est mentionné au nom des Bené Israël (verset 19) qui est en cause. Cette démarche n’était pas inspirée par Hachem, mais par les sentiments personnels des Bené Israël.
Rav Reuter ajoute que bien que ce rapprochement vers Edom était motivé par la Mitsva d’accélérer leur entrée en Erets Israël, nous voyons là la confirmation des paroles de Rabénou Yona (Chaaré Techouva, III, 51) que l’interdiction de se lier à un Racha s’applique même dans le cadre d’une démarche de Mitsva. Cette précision puise sa source dans le recueil “Avot DeRabbi Nathan” (9, 4) qui stipule qu’il est interdit de s’associer avec un Racha même pour la Torah.
Rabbi Yerou’ham Levovitz (Daat Torah) commente ce verset avec l’explication de Rachi en remarquant que l’expression des ‘Hakhamim “malheur au Racha, malheur à son voisin” manifeste que le lien avec le Racha est plus “corrosif” pour son “associé” que les fautes personnelles de cet associé, qui ne lui auraient pas valu les conséquences catastrophiques d’être frappé au même degré que le Racha ! On peut le comprendre à l’aide d’un autre texte de Rabénou Yona :
Rabénou Yona dit dans son commentaire de la Michna que le lien avec le Racha donne à son “associé” une part dans toutes les fautes que commet le Racha, même s’il n’en profite pas lui-même.
L’association avec le Racha n’est donc pas considérée comme une faute parmi d’autres, mais comme un fait beaucoup plus grave !
Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach Devarim, p. 25) explique le passage de notre Paracha ainsi : “Si les Bené Israël se lient à Essav, alors c’est qu’ils ont cessé de profiter des enseignements des guides d’Israël. Il explique ainsi que cette attitude manifeste une “désaffection” des guides d’Israël qui amène comme conséquence que Hachem retire le Tsadik du monde, comme dans l’exemple d’Aharon.
Rav Chalom Chapira (HaMaor ChèbaTorah, p. 156) explique que la proximité injustifiée des Bené Israël avec les Edomites consistait dans le fait de commercer avec eux en leur achetant de la nourriture (Devarim 2, 29). Il rapproche cela du verset dans la Paracha Nitsavim (Devarim 29, 16) qui attire l’attention sur le risque de “dérapage” lié au spectacle des mœurs des non-juifs, même lorsque leurs actions sont clairement perçues comme répugnantes (Rachi Devarim 29, 15-16). L’impact visuel est corrosif, même au-delà de la raison.
Les exemples de Grands Rabbanim qui refusaient de se trouver confrontés à un Racha sont nombreux. L’anecdote suivante en est une illustration : Rav Baroukh Ber Leibowitz, un des grands Maîtres de la génération précédant la Choa, élève de Rav ‘Haïm Soloveïtchik de Brisk, Roch Yechiva à Kamenitz, se trouva en Amérique pour les besoins de sa Yechiva. Un ancien élève de la Yechiva de Volozin qui avait côtoyé Rav Baroukh Ber là-bas, mais qui avait “mal tourné”, le poète Bialik, se trouva à New York au même moment. Il demanda à rencontrer Rav Baroukh Ber, qui dans un premier temps refusa catégoriquement. Devant l’insistance de Bialik, Rav Baroukh Ber accepta finalement, avec trois conditions : Il ne lèverait pas les yeux pour le voir, si peu que ce soit ; Il serait seul à parler ; et sitôt qu’il aurait terminé de parler, Bialik se retirerait, sans prononcer le moindre mot de réponse. Celui-ci était à ce point dévoré de “nostalgie” qu’il accepta.
Et effectivement, Rav Baroukh Ber ne leva pas les yeux vers lui, mais lui tint le langage suivant : “Nous étions tous deux à la Yechiva, dans ce qui représente le “sommet” du monde. Tu as choisi de t’en éloigner pour devenir poète, tandis que moi, je suis resté à la Yechiva. Mon activité se situe au contact des Ba’houré Yechiva, la crème de la société. Quant à toi, tes poèmes sont lus partout, jusqu’aux endroits les moins dignes. Et il est connu que là où se trouve l’œuvre d’un homme, là il se situe lui-même.
Sur ce, il ne restait plus à Bialik qu’à se retirer.
Bien sûr, Rav Baroukh Ber n’a pas tenu ce discours pour “se moquer” de son visiteur, mais pour tenter une chance si faible soi-elle d’exploiter son “intérêt” pour le monde de la Torah auquel il avait tourné le dos.
L’histoire montre que ce but ne fut pas atteint, et que Bialik demeura l’otage de ses mauvais choix. Retenons de cette anecdote la gravité que même des Grands de la Torah accordaient même à un bref regard sur le visage d’un Racha.
Cette notion ne doit pas rester pour nous une simple conception “d’idée”, plus historique que d’application pratique dans le quotidien.
Rav Moché Feinstein, un des grands décisionnaires des générations récentes répond à une question qui lui a été adressée concernant la participation à un comité communautaire comportant des “juifs libéraux”. Il répond qu’il ne peut être question, selon les règles strictes de la Halakha (règles d’application de la Torah dans le quotidien) d’une telle association. Il proscrit donc catégoriquement cette démarche, en soulignant que la participation “politique” échappe à ce problème, dans la mesure où les instances nationales sont entre les mains des non-juifs, et donc ce sont eux qui constituent les commissions responsables des affaires publiques. Mais dès lors qu’il s’agit d’affaires internes concernant les Juifs, il est inconcevable de siéger avec des renégats dans un comité commun.
De même, est rapportée (Mara DeAr’a Israël, p.120) une lettre que le ‘Hafets ‘Haïm adressa aux responsables de l’organisme “Agoudat Israël” qui regroupait les Juifs fidèles à la Torah en Europe. La question qui lui avait été posée était s’il y avait lieu de former une entité commune dans le cadre des élections nationales en Pologne (où les Juifs représentaient une partie importante de la population) avec les Juifs qui avaient abandonné le respect de la Torah. Il cite, lui aussi, le verset relatif à Yehochafat. Il relie cette question à l’épisode du Eguel, (Veau d’Or), où Moché Rabénou fit appel à : “…Qui est pour Hachem, qu’il vienne vers moi !”. Et seuls ceux qui se distinguaient de la masse qui avait été au moins complaisante face à l’initiative du Eguel furent associés à la démarche de Moché Rabénou et éloignèrent par leur élan la punition Divine du Peuple d’Israël.
Rav ‘Haïm Zaïtchik (Or ‘Hadach Bamidbar, p. 871) explique également que le rapprochement des Bené Israël vers les Edomites n’a pas eu de “concrétisation”, mais seulement un impact dans le cœur, par le simple fait d’être confrontés à eux. Et même cela suffit à polluer le cœur des Bené Israël !
Ces notions nous sont, malheureusement, devenues “étrangères”, dans les générations récentes où toute l’activité tourne autour du contact commercial, et même culturel dans le cadre des formations “supérieures” qui impliquent la fréquentation des établissements d’études non-juifs partout dans le monde, ou étrangers à la Torah en Erets Israël. Toutefois, il ne faut pas croire que le quotidien “efface” les principes de la Torah.
Nous assistons actuellement à un mouvement de rejet des Juifs par la société non-juive à tous ses niveaux, qui ne sont pas sans rappeler une époque sombre de notre Histoire. Comme l’ont dit de grands Rabbanim : “Lorsque les Juifs ne font pas le “Kidouch” (ne se séparent pas de leur propre initiative) alors les non-juifs font “Havdala” : ils dictent aux Juifs la séparation.
Souhaitons que ces principes retrouvent leur pleine valeur aux yeux de nous tous, chacun à son niveau, et que notre “Kidouch” nous protège de tout dommage, et nous rapproche de Hachem !
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