Parasha – 157 Kora’h 5784

בס »ד

La Paracha Kora’h relate la contestation par Kora’h de l’autorité de Moché Rabénou (Bamidbar 16, 1-35). Kora’h, qui est soutenu par une faction importante de Grands personnages parmi les Bené Israël.

Kora’h prétendait que les décisions de Moché Rabénou n’émanaient pas de Hachem. De plus, il remettait en question la position d’Aharon en tant que seul homme apte à être Cohen Gadol, Autorité Suprême dans la Avoda (le Service de Hachem dans le Michkan-Tabernacle), seul) être autorisé à entrer dans le Kodech HaKodachim (la partie la plus intime du Michkan).

Pour confirmer la véracité de ses décisions, afin d’établir la réalité de la Torah qu’il transmettait aux Bené Israël qui aurait été totalement déstabilisée par la contestation de Kora’h, Moché Rabénou dut faire appel à une confirmation par Hachem.

L’épreuve du Ketoret (encens) qui ne pouvait être apporté que par les Cohanim autorisésconfirma le choix d’Aharon par Hachem.

Kora’h et ses 250 partisans apportèrent la Ketoret en même temps qu’Aharon, et seul Aharon survécut. Kora’h et ses partisans furent consumés par un feu issu du Michkan (16, 35).

Parallèlement à cet évènement, Kora’h ainsi que Datan et Aviram, qui étaient les ferments de cette rébellion contre Moché Rabénou, furent engloutis ainsi que tous leurs biens dans la terre qui s’ouvrit sous leurs tentes (16, 31-33). Cette manifestation, l’ouverture d’une « bouche » de la terre qui se referma sur eux était la confirmation par Hachem directement de l’autorité de Moché Rabénou.

L’intervention de Hachem ne faisait pas l’ombre d’un doute !

Toutefois, le lendemain, les Bené Israël reprochèrent à Moché et Aharon d’avoir causé la mort des 250 hommes qui avaient péri en apportant l’encens.

Face à cette « manifestation », Hachem ordonna à Moché et Aharon de s’éloigner du Peuple, tandis que Hachem anéantirait ces protestataires. Devant ce danger pour les Bené Israël, Moché Rabénou ordonna à Aharon de s’empresser d’apporter un encensoir avec du feu pris sur le Mizbéa’h (l’Autel) et de brûler de la Ketoret pour apporter réparation à l’Assemblée des Bené Israël pour leur faute et les sauver du décret de Hachem (17, 6-13).

Tous ces faits appellent explication !

En quoi consiste la particularité de la Ketoret qui fut la cause de la mort des 250 hommes, puis la source du sauvetage des Bené Israël le lendemain ?!

Rachi explique (17, 13) que les Bené Israël critiquaient la Ketoret, cause de la mort des fils d’Aharon, Nadav et Avihou, lors de l’inauguration du Michkan (Vayikra 10, 1-2), et des 250 hommes lors de l’épreuve de la veille. Par la Ketoret que Aharon apporta en offrande, Hachem montra que ce n’était pas la Ketoret qui avait « tué », mais uniquementla faute !

Rachi explique encore (17, 11) que Moché Rabénou tenait cette « recette » contre la plaie qui menaçait les Bené Israël du Mal’akh HaMavèt (l’Ange de la mort) lui-même, qui lui avait transmis ce « secret » lorsque Moché Rabénou était « monté » au Ciel afin de recevoir la Torah.

Cette explication est issue de la Guemara (Chabat 89a) qui rapporte que les Mal’akhim avaient contesté que la Torah soit donnée à un simple « homme ». Après que Moché ait répondu aux Mal’akhim, ils devinrent « amis » de Moché Rabénou et chacun lui transmit un secret. Le « secret » du Mal’akh HaMavèt consistait en cette démarche pour arrêter le « débordement » de son intervention…

Cette démarche du Mal’akh HaMavèt est une énigme de plus dans ce contexte : quel est l’effet de la Ketoret face au Mal’akh HaMavèt ? Et comment comprendre le fait que ce soit le Mal’akh HaMavèt lui-même qui donne ce conseil ?!

La composition de la Ketoret elle-même, suscite notre étonnement !

La Guemara (Keritout 6a) énumère les essences qui composent la Ketoret, au nombre de onze.

Puis la Guemara ajoute que : « Tout jeûne où ne sont pas inclus des fauteurs d’Israël n’est pas un jeûne, car la ‘Hèlbéna a une odeur mauvaise, et le verset inclut la ‘Hèlbéna parmi les essences de la Ketoret. Abayé l’apprend de ce verset : « …et Son bouquet sur la terre Il l’a fondé (Amos 9, 6) ».

Le Maharcha commente ce texte en remarquant que le « fauteur » a sa place au sein de la Communauté tant qu’il ne se sépare pas de la Communauté. Il ajoute que ce fauteur ne trouve sa place que s’il y a sans lui dix essences à l’odeur agréable, c’est-à-dire une communauté de Kedoucha, comme dans le cas de la ‘Hèlbéna. Ce n’est qu’à partir de là qu’il peut s’associer au « Minyan » ! De même, le verset cité à l’appui mentionne un « bouquet », c’est-à-dire dix niveaux de Kedoucha, préalablement à l’association du fauteur.

Rav Dessler (Mikhtav MeEliahou, V, p. 415) développe la notion de la Ketoret. Il explique d’abord que le terme Ketoret est apparenté à la racine qui en Araméen correspond à « Kecher » (lien) en Hébreu. Il souligneque l’odeur manifeste le sommet de l’attachement à Hachem au-delà des actes, jusque dans les moindres élans intérieurs.  Il rapporte que le Zohar HaKadoch dit que quiconque respirait l’odeur de la Ketoret était libéré de la souillure du Yetser Hara (le Penchant du mal), et avait un « cœur entier » pour Hachem (Vayak’hel 218b).

Rav Dessler explique encore que c’est de cette qualité profonde de la Ketoret que vient sa force face à la plaie, car elle réveille la profondeur du cœur des Juifs qui, au-delà de toutes leurs erreurs, n’aspirent profondément qu’à se tourner vers Hachem. Cependant, la Ketoret est également définie comme un « poison » dans le sens où un homme qui n’est pas totalement « net » de tout élan personnel en son intérieur, et se croit « net » dans son attachement sans réserve à Hachem, manifeste par cela un orgueil qui cause sa perte, comme ce fut le cas de Nadav et Avihou, ainsi que les partisans de Kora’h.

Rav Chimchon Raphaël Hirsch (Chemot 30, 1) s’étonne que le Mizbéa’h HaKetoret (l’Autel de l’encens) occupe une place distincte dans la description du Michkan (Tabernacle), après toutes les Mitsvot de sa construction et de son inauguration.

Il explique que la Ketoret représente l’apogée de la Avoda (Service) dans le Michkan, lorsque l’âme s’est dégagée de toute « impureté » et a totalement atteint le but de la pénétration de l’esprit Divin dans toutes les facettes de l’existence matérielle.

Rav Chimchon Pinkus (Tiféret Chimchon, p.179) développe que la particularité de la Ketoret tient dans ce qu’à la différence des Korbanot (Offrandes) qui consistent en éléments vitaux et représentent la disponibilité de l’homme à donner son existence-même pour Hachem, la Ketoret exprime l’aspiration à la satisfaction que l’homme doit également investir dans le lien avec Hachem.

L’odorat est le sens spécifique à l’Homme qui prend plaisir aux bonnes odeurs, tandis que les animaux n’ont accès à l’odeur que comme outil d’identification des choses. Il cite Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato (Messilat Yecharim, chapitre 1) qui dit que Hachem a créé l’Homme pour qu’il ait de la satisfaction. Les satisfactions que l’Homme doit atteindre sont d’un niveau spirituel, et non la simple satisfaction de ses « appétits matériels ».  

La Ketoret vient rappeler à l’homme qu’il lui incombe de reconnaitre que toute satisfaction dans son existence matérielle lui vient de Hachem, et de « retourner » cette satisfaction vers Hachem. Cet accomplissement de l’homme constitue la victoire absolue sur le Yetser Hara.

Rav Moché Ye’hiel Epstein (Beèr Moché, p.455 et suivantes) explique que la contestation de Kora’h portait essentiellement sur la dimension collective du peuple Juif. Il soutenait que tous les Bené Israël possédaient individuellement un niveau de Kedoucha (« Sainteté ») permettant le lien le plus élevé avec Hachem. Il niait donc la réalité d’une « stature » complète du Peuple.

Nous avons vu plus haut que la Ketoret représente l’entité du Peuple.  

Le Peuple est représenté par un « Minyan » de dix essences odorantes positives, auxquelles peut alors s’associer la ‘Hèlbéna, dont l’odeur est désagréable et qui représente ceux qui souffrent d’imperfections dans leurs actes, mais ne se dissocient cependant pas de la Communauté.

C’est pour cette raison que la Ketoret était au centre de tout cet épisode.

L’assemblée de Kora’h niait la spécificité de la Ketoret, comme les Tsedokim (le Saducéens) le firent plus tard. Ils ne reconnaissaient pas que le Cohen Gadol ne doit enflammer la Ketoret à Yom Kippour qu’une fois qu’il est dans le Kodech HaKodachim (l’espace le plus intime du Beth Hamikdach, où se trouve le Aron HaKodech qui abrite les Lou’hot (Tables) des Dix Commandements). Selon les Tsedokim, chacun pouvait, là où il se trouvait, atteindre aux « sommets » de la Avoda. Cette conception déviante de Kora’h et ses partisans causa leur mort.

Quant à Aharon, lors de l’épreuve avec les partisans de Kora’h, c’est seulement après qu’il se trouvait à l’intérieur du Michkan qu’il enflamma la Ketoret, manifestant ainsi que tous, y compris ceux qui sont représentés par la ‘Hèlbéna, reçoivent leur vie de la source de la Kedoucha.

Rav Epstein explique par ailleurs que la Ketoret apporta le « sauvetage » des « manifestants » du lendemain de la contestation de Kora’h, car elle exprime l’unité du Peuple de Hachem. Ainsi elle eut le pouvoir d’inverser les lettres du mot « Neguef » (Plaie) en « Guefen » (Vigne). Le Peuple Juif est comparé à la vigne (Guemara ‘Houlin, 92a) : les sarments représentent les « Baalé batim » (l’ensemble de la population active), les grappes les Talmidé ‘Hakhamim (dédiés à l’étude de la Torah), les feuilles les « amé Haarets » (les ignorants de la Torah), et enfin les vrilles, les hommes « vides » parmi Israël. Ainsi, lorsque les Bené Israëlsont unis, ils constituent une vigne.

La Ketoret représente l’unité et fait du Peuple une « vigne ». De cette manière, elle renverse les effets de la faute qui génère la plaie, comme ici dans notre Paracha.

Par contre, les 250 hommes de l’assemblée de Kora’h avaient une orientation totalement opposée, celle de la divergence, chacun recherchant un accomplissement personnel. De plus ils tournaient le dos à Moché Rabénou, le Maitre de tout le Peuple d’Israël. Aussi, ils subirent les conséquences de leur démarche. A l’opposé, Aharon montra que la véritable Ketoret était celle qui était faite dans le lien avec Moché Rabénou.

Voilà en quoi la source de l’initiative de Moché Rabénou de combattre la plaie par la Ketoret correspondait à une « révélation » du Mal’akh HaMavèt. Le rôle de ce Mal’akh n’est pas de détruire, mais de servir de « garde-fou » à l’Homme dans son approche de la vie. Lorsque l’homme écoute les incitations du Yetser Hara, il contrevient à tout l’équilibre de la Création, y compris l’existence-même du Yetser Hara-Mal’akh HaMavèt.

À la suite de la victoire de Moché Rabénou dans le « débat » avec les Mal’akhim, Moché sut montrer que c’était la dimension humaine elle-même, avec ses risques d’imperfection, qui constituait le but de la Création. Aussi chaque Mal’akh lui « octroya » un outil spécifique de sa fonction. Parmi tous, le Mal’akh HaMavèt dut lui transmettre l’outil « correcteur » face aux moments de « crise ».

Quelle était la nature de cet « outil » ? Il s’agissait de la mise en évidence de la volonté profonde enfouie dans le cœur de chaque Juif de vivre conformément à la Volonté de Hachem, comme l’a expliqué Rav Dessler (cité plus haut).

Contrairement à l’idée de Kora’h et son assemblée, nous n’avons pas encore atteint le niveaud’attachement sans réserve à Hachem auquel nous devons aspirer, et ce jusqu’à la Gueoula Ultime. C’est ce que nous rappelle la Ketoret, dans sa dimension d’apogée de Kedoucha, comme dans son rôle unificateur.

Tel est l’enseignement de notre Paracha sur le chemin que nous devons suivre dans notre démarche individuelle et collective : prendre conscience du lien collectif fondamental, et aspirer à nous approcher de la perfection de nos élans, même au-delà des actes qui en découlent.