LE RABBI DE KALOV – 123 ‘Hanouka – 5785

On raconte qu’un jour, un homme aborda le Rabbi de Kotsk zatsal et lui annonça : « J’ai étudié la totalité du Chass. » Le Rabbi lui demanda : « Qu’est-ce que le Chass t’a enseigné ?» Ces propos du Rabbi de Kotsk devraient constituer notre ligne directrice. 

Il nous incombe de conserver précieusement tout enseignement que nous étudions, que ce soit au niveau de la Halakha ou des récits du Talmud, afin de l’appliquer. 

Dans le monde en général, l’usage est de faire des études dans le but d’obtenir un diplôme, ou pour obtenir de bonnes notes, mais il existe peu de gens qui étudient dans le but de s’améliorer véritablement.

On raconte qu’un jour, des élèves du philosophe grec Aristote lui rendirent visite chez lui. Ils remarquèrent que mû par son avidité, il saisit un lapin vivant et le mangea alors qu’il était encore vivant dans ses mains. Ses élèves lui demandèrent : « Vous êtes le philosophe Aristote qui nous enseigne, dans les règles de politesse, qu’un homme respectable doit veiller à ne pas causer de souffrance aux animaux, alors comment pouvez-vous consommer un animal vivant avec une telle cruauté ?» Aristote leur répondit : « Si j’enseigne la géométrie et explique la notion de triangle, dois-je pour autant devenir un triangle ? Je ne fais que donner une explication sur le triangle. 

De la même façon, je ne fais qu’expliquer le sens de la politesse, et chacun fait ce qu’il veut. » Et d’ajouter : « Pendant les heures d’étude, je suis le philosophe Aristote, mais lorsque je mange, comme maintenant, je ne suis pas le philosophe, je suis un homme simple qui mène sa vie comme il l’entend. » Lorsque le monde connut des avancements dans le domaine de la science et des droits de l’homme il y a environ deux cents ans, les hommes jugèrent que le monde serait libre, un monde de paix et d’unité, dénué de meurtres, mais en réalité, c’est le contraire qui se produisit. La fin du vingtième siècle a été marquée par plus de meurtres que toute l’histoire du monde combinée. 

Les Allemands, détenteurs d’une civilisation prétendument avancée, se sont conduits comme les bêtes sauvages les plus cruelles. Hitler, que son nom soit effacé, discourait sur les vertus pour le bien des hommes, de même Staline, que son nom soit effacé, prétendait faire venir le soleil du communisme pour le bien de l’humanité, mais concrètement, lorsqu’il voulut appliquer sa théorie, il sema la destruction par le meurtre de millions d’hommes par des moyens terribles, inédits jusque-là. 

On constate souvent de nos jours que des institutions « académiques » et des organismes de bienfaisance de ceux qui se prétendent « modernes » et « progressifs », censés propager des valeurs comme la bonté et la compassion, font abstraction d’actes de cruauté de divers meurtriers, ne les condamnent pas, et tentent même parfois de les protéger et de les aider. 

Le peuple juif est qualifié dans le verset (Dévarim 32,6) de « peuple insensé et peu sage.» Le Targoum Onkelos l’interprète ainsi : « un peuple qui a reçu la Torah (Oraïta), mais n’en a pas tiré d’enseignement.» Le Rabbi de Belz, le Sar Chalom zatsal, l’explique ainsi : tous les savoirs du monde se nomment « Hokhma », car le but de ces savoirs vise uniquement à l’acquisition de connaissances, sans plus. 

En revanche, notre sainte Torah est conçue de sorte à indique la voie au peuple juif toute sa vie, dans toutes les situations. C’est pourquoi elle se nomme Torah (de la racine du terme Horaa, enseignement), car son essence est d’indiquer la voie au peuple d’Israël. D’où l’emploi ici du terme Oraïta, un langage d’enseignement, et non ‘Hokhma, car il ne s’agit pas d’un savoir comme les autres. 

Dans cette optique, on interprète ce texte de nos Sages (Ekha Rabba 2,17) : « Tu peux te fier à la ‘Hokhma des non-Juifs, mais pas à leur Torah.» Ici, le terme de ‘Hokhma désigne un savoir qui n’exige aucun changement dans la conduite en fonction du savoir acquis et c’est cette forme de savoir que l’on trouve chez les non-Juifs. 

Mais la Torah enseigne à l’homme à maîtriser ses actions. En effet, chaque étude oblige l’homme à se conformer à celle-ci, concept inexistant chez les non-Juifs. Nous découvrons également cette idée chez Yossef Hatsadik. Il mérita d’étudier auprès de son père la Torah de manière désintéressée, comme il est dit (Béréchit 37,3) : « Or Israël préférait Yossef à ses autres enfants, parce qu’il était le fils de sa vieillesse. » Rachi indique que tout ce qu’il avait appris chez Chem Et Éver, il le lui avait transmis. 

C’est ainsi qu’il étudia constamment en Égypte, ainsi que pendant les douze ans où il était enfermé dans une cellule, il étudia à l’instar de Rachbi dans sa grotte. Cette étude de la Torah qu’il étudia dans le but de l’appliquer lui indiqua la voie pour surmonter la grande épreuve avec l’épouse de Potifar. 

C’est ainsi que Pharaon, roi d’Égypte, dit à son sujet : «Pourrions-nous trouver un homme tel que celui-ci, plein de l’esprit de D.ieu ?» L’esprit de D.ieu, c’est l’esprit de la parole de la Torah de D.ieu et c’est grâce à cela qu’il réussit à surmonter les tentations du pays tandis que le savoir des sages égyptiens ne les aida pas à surmonter les épreuves de la luxure.

Nous pouvons ainsi expliquer ce qui advint pendant les jours de miracle de ‘Hanouka : les Grecs combattirent les Bné Israël dans le but d’éliminer le concept de Torah. Ils ne combattirent pas l’aspect de la ‘Hokhma, qu’ils appréciaient ; ils demandèrent aux Sages d’Israël de traduire la Torah en grec, désirant également l’étudier. Mais ils combattirent le point où la Torah s’unit à la ‘Hokhma, le lieu où elle s’applique à la vie. Ils désiraient vivre comme ils l’entendaient en s’adonnant à leurs passions et étudier cette ‘Hokhma comme un savoir qui n’oblige pas.

C’est pourquoi nous remercions Hachem par la bénédiction de Al Hanissim pour avoir vaincu les Grecs qui voulaient leur faire oublier la Torah. Les Grecs acceptaient qu’ils étudiaient la Torah comme une ‘Hokhma, un savoir identique à tous les autres savoirs, et leur principal effort était de leur faire oublier que l’étude doit être une Torah, c’est-à-dire un guide donné par le Maître du monde pour nous indiquer notre rôle dans ce monde. 

Cette idée s’applique à notre époque, où dans plusieurs pays, les gouvernements s’évertuent à s’immiscer dans les programmes scolaires de nos établissements privés. Certains veulent nous obliger à mettre sur le même plan l’étude de la Torah et l’étude d’autres matières. 

Il nous appartient de revenir à la perspective juive dans ce domaine et de suivre l’exemple des ‘Hachmonaïm à leur époque, en apprenant aux Juifs à étudier la Torah, car seule la Torah nous indique la voie dans la vie. Ainsi, lorsque nous étudions la Halakha, la Agada et le Moussar, il faut veiller à se préserver du Yetser Hara qui tente de nous faire oublier notre obligation de tirer des leçons. 

Retenons que le discours n’est pas important, mais seulement l’action. Il vaut la peine de mettre en pratique les propos du Ramban dans la missive adressée à son fils : « Lorsque tu auras fini le livre, cherche si tu y trouves un enseignement que tu peux appliquer. » Nous mériterons ainsi une vie éclairée par la lumière de la Torah.

‘Hanouka saméa’h et chavoua Tov!